Je ne sais pas ce qui a changé et je n'aime pas ça. Depuis cette discussion dans le salon, une espèce de gêne s'est installée entre Owen et moi. Il s'adresse à moi comme si on était des étrangers. Un petit sourire poli de temps en temps et plus de blagues du tout.
Ce que je m'apprête à faire sera un changement radical pour notre vie à ma famille et à moi. Anthony Jackman m'a donnée une carte de crédit avec près de vingt-cinq mille dollars dedans. C'est une énorme somme pour moi, plus que je n'en possèderai jamais. J'ai de quoi payer la totalité des dettes de mon père! Après ça, je l'effacerai de ma tête. Il n'aura plus de place dans ma vie, ni dans mon esprit. Je l'ai fait une fois pour celle qui m'a mise au monde, je peux très bien recommencer pour celui qui m'a transmise son ADN.
Le Queens n'est pas un endroit fréquentable. C'est dangereux la nuit comme le jour. On n'y voyait la plupart du temps que des crapules et des voyous en tout genre.
J'avais l'habitude de me promener par ici parce que oui, je fais partie de ces voyous. Il n'y a pas de pitié par ici, c'est manger ou être mangé.Mais Owen détonnait énormément dans le décor. Déjà, ses habits sont beaux et propres et pas déchirés, puis il sentait bon, l'un de ces parfums haut-de-gamme que je ne porterai jamais, ce qui différençait des mauvaises odeurs qui imprégnaient constamment l'air, il avait une coiffure soignée même coupée courte et il n'avait ni cicatrices ni tatouages visibles. Et puis, les gens doivent bien se douter que ce n'est pas un habitué. Avec sa démarche calme, confiante et déterminée, on devait bien se douter qu'il avait été dans les forces de l'ordre pendant un moment dans sa vie.
- Tu n'étais pas obligé de venir.
Des ados le dévisagent de l'autre côté de la rue, d'un regard mauvais.
- Je ne suis venu dans le Queens que quelques fois seulement quand j'étais ado, je voulais le revisiter.
Je m'arrête devant le Hook's Pub. Le pire endroit au monde. L'enseigne était à moitié tombée mais tout le monde connaissait ce bar. C'est ici que se fait la plupart des trafics illégaux. Tout y passait. Samuel, plus connu sous le nom de Barbe Noire, est le propriétaire de l'établissement. Les jeunes se faisaient de plus en plus nombreux à prendre contact avec lui pour se faire de l'argent. Paris, trafics de drogue, trafic d'armes, combats illégaux... et j'en passe. Les hommes comme mon père étaient facilement attirés par ce genre de chose.
La différence entre l'énorme manoir du Connecticut et ce quartier est frappante, même un aveugle le sentirait.
- Je vais entrer, dis-je à Owen.
- Là-dedans? Il me dévisage en haussant les sourcils.
- Nan, dans ton crâne.
- Tu n'iras pas toute seule.
- Je l'ai fait une dizaine de fois Owen. Tu m'attends ici, ok? J'ai deux trois trucs à régler.
Je ne lui ai pas dit la raison pour laquelle je venais dans ce quartier et il avait une tête bizarre. Bienvenue dans mon monde mon vieux.
Je pousse la porte en rabattant ma capuche. Je risque d'y passer s'ils voient que je suis une femme. Parce que les femmes ne viennent ici que dans un seul but: gagner de l'argent et pas de manière très correcte. D'autant plus, les hommes ici sont réputés pour leur violence.
Tobias, l'un des hommes de main de Samuel hoche la tête en me voyant, signe qu'il est là. Je me faufile entre les personnes bourrées et droguées qui remplissent l'endroit et me dirige vers le fond, où se situait l'escalier grinçant qui menait au bureau de Barbe Noire. L'escalier menaçait de se briser et de s'écrouler à mesure que je continuais mon ascension.
Je toque à la porte avec assurance. On ne doit montrer aucune émotion à Barbe Noire, il en profiterait et la retournerait contre vous.
- Entrez.
J'ouvre la porte et ôte ma capuche. Il était avachi dans son énorme fauteuil noir et sa barbe noire broussailleuse est plus longue qu'avant, lui arrivant au milieu du torse. Il mettait une veste en cuir comme celle que je portais en ce moment mais plus usée. Ses cheveux ne sont jamais coiffés, ni soignés et forment une énorme masse sur sa tête. On aurait dit que des rats ont emménagé là-dedans. Son apparence de pirate malsoigné lui a valu son surnom.
- Mais qui voilà! Hawk!
Je déteste quand il m'appelle par mon vrai nom de famille.
- Je viens te régler l'argent et tu ne me reverras plus jamais.
- Toujours aussi insolente. Mes hommes adorent ça. Dommage que tu ne veuilles pas participer à mes spectacles, vraiment dommage.
Je sors l'enveloppe que j'ai cachée sous mon t-shirt et la jette sur son bureau.
- C'est la totalité de la somme.
- Comment l'as-tu obtenue? En la volant? En pariant? Ou en faisant le trottoir?
- Ça ne te regarde pas. Tu as ton argent, c'est fini.
Il me dévisage de ses yeux de fouine tout en ouvrant l'enveloppe. En voyant l'argent, il se lèche les lèvres. Il compte le compte en silence et hoche finalement la tête.
- Ça a été un plaisir de faire affaire avec la fille de Jones Hawk.
Sans un mot, je sors de la pièce, descends les escaliers à toute allure et rejoins la sortie. Cette page est officiellement tournée. Je laisse mon père et ses conneries et affaires louches derrière cette porte. Je m'apprête à dire à Owen que c'est fait, mais Owen n'était plus là où je l'avais laissé. Fait chier.
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Steal (To Be) alive
ActionCertaines personnes n'ont pas (vraiment) choisi leur destin. Et généralement, c'est à cause de quelqu'un ou de quelque chose. Moi, c'est à cause de mon alcoolique de père et pas que. Même dans l'au-delà (probablement dans un endroit moche et pourr...