Assises autour d'une grande table ébène dans la cuisine, Annie, Marthe, Anneliese et moi épluchions des pommes de terre en écoutant la Deutschlandsender. Anneliese soupira et se leva afin d'éteindre la radio qui était posé sur une petite table au coin de la pièce. Je fus soulagée, puisque les nouvelles qu'on entendait était loin d'être bonnes et rassurantes.- Vous savez que les Russes ont prit Kiev il y a déjà quelque semaine ? Dit Anneliese en s'asseyant sur la chaise en bois.
- La radio l'a dit ? Demandai-je.
- Non, enfin je ne sais pas.
- Ce sont que des rumeurs. Répondis-je en mettant la pomme de terre que je venais de couper dans la casserole. Il ne faut pas croire à ce genre de chose.
- Ce ne sont pas des rumeurs, mais les nouvelles de l'Est. Rétorqua la blonde. Les Russes gagnent chaque jour plus de territoire. Ils ne tarderont pas à...
- Et comment tu le sais ? T'étais à l'Est toi ? Non alors ferme-la. Répliqua violemment Marthe.
- Ce n'est pas en étant violente que tu réussiras à chasser ta peur. Annie prit soudainement la défense d'Anneliese.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? Marthe se leva d'un bond. Je posai le couteau en acier sur la table et me fis de même.
- Oh arrêtez ! Criai-je presque. La Kameradschaftsälteste apparut instantanément dans la cuisine.
- Que se passe-t-il ici ? Son arrivée était aussi froid que le vent qui soufflait à l'extérieur.
- Rien. Répondis-je en rassemblant les épluchures de pomme de terre sur la table.
- Alors fermez-la et travaillez. Kirsten nous regarda une par une avant de disparaître.
J'avais envie de la gifler. Elle se croyait supérieure car elle était notre chef de chambrée.
Sans parler, nous nous remîmes au travail. Le silence était lourd et désagréable, tout comme ce que nous faisions depuis des heures. A vrai dire, je préférais les travaux agricoles, même si cela pouvait m'épuiser. Au moins dans les champs je me sentais un peu plus « libre ».
A la fin de l'après-midi, je dus sortir afin d'aller à la grange qui était à un kilomètre environ à l'arrière du foyer. Dans une main, j'avais un sceau rempli d'épluchures de légume, tandis que dans l'autre, un sac en toile de jute rempli de pommes de terre que nous avions sélectionnées auparavant. Le sol était recouvert de givre, et une fine couche de neige s'y était installée. L'air était emprisonné par un brouillard hivernal. Il n'y avait pas de vent, mais un froid humide. Même à travers mes moufles en laine rouge mes doigts étaient gelés. J'étais couverte de plusieurs couche de vêtements, mais cela ne suffisait guère pour me réchauffer. Je n'avais jamais connu un tel froid. Et en plus de cela, nous étions qu'en novembre. Je ne préférais pas imaginer le mois de février.
Tout d'un coup, je m'arrêtai soudainement. Malgré le brouillard épais, mes yeux ont su distinguer des hommes au loin qui travaillait dans les champs. Sans les quitter des yeux, je continuai ma route. Plus j'avançais, puis ces hommes me paraissaient étrange. Ils étaient si maigres, si sales... Des soldats, le fusil à la main, marcher parmi eux. Arrivée devant la cour de la ferme, je fus encore plus surprise. Un camion ainsi qu'un side-car étaient stationnés devant la grange. Des hommes qui avaient une mine épouvantable portaient des sacs sur leur dos en direction des champs.

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L'Ange de l'Enfer
Historical FictionC'est l'histoire d'une adolescente dont la naïveté la condamnera à vivre les horreurs de la guerre, et de l'après-guerre. Contrainte d'abord de donner des enfants au Reich par sa pureté raciale, elle découvrira les terreurs d'une maternité, celles...