CHAPITRE 8

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Le dessin le plus important commence... D'habitude je ne dessine pas comme ça mais je voulais vous montrer comment on peut faire avec les formes géométriques et des lignes. (ps : les pieds ne sont pas représentés car j'ai eu un problème une fois le dessin terminé alors imaginez-les)
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Je rouvre une énième fois les yeux. Je suis allongée en chien de fusil au pied du lampadaire. Je me redresse et enlève la poussière de mes vêtements. Cette fois, je ne bouge pas. Je ne vais pas explorer. Ce n'est pas l'envie qui me manque mais j'ai quelque chose à essayer. Je plonge mes mains dans mes poches et c'est après quelques micro-secondes de doute que je trouve le crayon et la gomme que j'avais emmené.
Je me penche en avant et pose la mine de mon crayon sur le goudron. Je bouge brusquement mon bras et un grand trait noir apparaît. Je recommence et toujours, mon mouvement se trace. Alors je recommence à dessiner. J'esquisse une immense fleur, aussi brillante qu'un soleil. Je dessine des centaines d'arabesques tout autour, faites pour embellir l'élément central.
J'aimerai bien un violet prune, je songe alors que je m'occupe d'une courbe. Aussitôt, mon crayon, sans qu'il ne change esthétiquement, trace avec la couleur à laquelle j'ai songé. Et c'est ainsi au fur et à mesure. Chaque fois que je pense à une nouvelle couleur, mon crayon la prend. Et peu à peu, sous mes yeux, mon dessin se fait bien plus net. Je dessine dans, où plutôt, sur la rue mais aucun agent ne viendra m'arrêter, je ne payerai pas d'amende. Personne ne viendra m'accuser de dégradation des biens publiques. Ma toile, ma feuille de dessin, est tout simplement ma rue, la rue de mon imagination de papier.

Au bout d'un moment, j'entends de léger bruit de pas. Je souris mais ne relève pas la tête. Je l'attendais... Les pas se rapprochent un peu plus jusqu'à être au bord de mon graphiti. Cette fois, je lève le regard. Il est bien là. Il me contemple moi, puis mon dessin, avant de revenir sur moi. Je lui adresse un doux sourire. Il esquisse un pas de recul mais en voyant que je ne bouge pas, il se ravise.
- Salut. Je suis Lucy Heartfilia.
Nouveau mouvement de fuite avant de qu'il ne revienne à sa place.
Son corps se contracte d'une étrange manière, se crispe, se détend, se courbe. Jusqu'à qu'il mette les deux fils de fers qui lui servent de bras devant sa bouche. Comme le dernier des trois singes : sourd, aveugle et muet.
- Tu ne peux pas parler ?
L'être secoue négativement la tête.
- Mais tu peux m'entendre ?
Cette fois, il la hoche positivement.
Je me lève et esquisse un pas dans sa direction mais l'être part en courant et ne s'arrête qu'à la fin du pont sur lequel je me suis installée.
- Pardon, pardon, je dis précipitamment. Je ne voulais pas de faire peur. Je... Je voulais juste te proposer un marché.
Je m'accroupis et tend le bras, la main ouverte. Comme une invitation. Comme on ferait pour un animal sauvage. Il fait un pas vers moi. Puis un deuxième. Et un troisième. Encore et encore. Jusqu'à qu'il soit enfin à moins d'un mètre de moi.
- Et toi, tu aimerais pouvoir parler ?
Il hoche vigoureusement la tête.
- Et est-ce que... Est-ce que tu voudrais que je t'aide ? À parler je veux dire.
L'être penche la tête sur le côté en signe d'interrogation. Je tends la main pour lui montrer mon crayon.
- Je peux t'aider. Avec ça.
Le bonhomme bâton ne comprend toujours pas où je veux en venir.
- Je ne te promets pas que cela marche mais je pourrais au moins essayer.
Je pointe la mine de mon crayon en direction du cercle de son visage. Il se dégage immédiatement et recule sa tête.
- Non, non, non... C'est rien ! Ne t'inquiètes pas ! Euh... Regarde ! Regarde comment ça fait !
Je pose le crayon sur ma peau et, n'ayant aucune idée de si ça va fonctionner, je trace un cercle. Cercle qui apparaît sur ma peau. Je retiens un cri de satisfaction pour ne pas l'effrayer.
- Tu vois ? On essaye ?
Il hoche prudemment la tête et doucement, je pose la mine sur son menton.
- Tu es un garçon ? Ou une fille ? Lève le bras droit pour gars et le gauche pour fille.
Il lève son membre droit. Je souris pour lui signifier que j'ai bien vu.
- Je m'excuse mais... Je suppose que tu ne pourras parler lorsque tu seras terminer. Or, je doute pouvoir te finir en une seule fois. Mais je n'ai aucune idée non plus si tu resteras ainsi la prochaine fois. Si ça se trouve non. Si ça se trouve il faudra recommencer, encore, encore et encore. Mais c'est ce que je ferai. Je recommencerais. Encore, encore et encore. Je trouverais des dizaines, des centaines, de techniques pour réussir à te compléter. Jusqu'à que tu puisses parler. Je te le promets.
Je trace une croix sur le visage de l'être avant de vérifier que son corps fait bien cinq fois la taille de sa tête. Dans le monde réel, on dit qu'une personne est bien proportionné si son corps fait sept fois la taille de sa tête. Mais en dessin, c'est seulement cinq.
Bon, à ce niveau là, il est bien proportionné. Maintenant, il faut juste que j'épaississe son corps.
J'utilise le fil de fer de son corps comme axe de symétrie et dessine son cou ainsi que son torse tout autour. Je trace un rond pour l'épaule, suivi de deux lignes verticales, d'un ovale, de deux autres lignes, d'un troisième rond et d'un losange dont la pointe supérieur se perd dans le rond. Je fais de même pour le second bras. Pour les jambes, je trace une sorte de triangle sous le rectangle du torse avant de faire la même opération que pour les bras en un peu plus épais.

Soudain, une lumière apparaît au-dessus de moi. L'être et moi levons tous deux la tête pour voir le compteur. 1 minute 59. 58.
Je ne me déconcentre pas et affine le rond de son visage afin que sa mâchoire soit plus naturelle et son menton plus joli.
Il me reste 30 secondes. Je souris à l'être.
- On se revoit très vite.
Alors, pour unique réponse, il pose prudemment le losange qui lui sert de main sur ma joue. Je m'appuie une micro-seconde contre celle-ci avant de m'allonger sur le sol.
Et pendant que je perds peu à peu conscience, dans l'air, j'entends une voix masculine souffler :
- Lucy Heartfilia...
Mais peut-être n'est-ce que le vent...

Tu n'étais qu'une esquisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant