CHAPITRE 12

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Je sors de l'ascenseur et avance sur mon palier avant de me pencher en avant pour voir si les clés sont toujours sous le paillasson. Constatant leur disparition, j'ouvre vivement la porte en hurlant.
— Salut les mojitos !!!!!!!!
— Chtite sœur !!
Une chose à l'air vaguement humanoïde se jette sur moi et m'enserre dans ce qui lui sert de bras.
— Sting, tu es né seulement deux minutes en avance par rapport à moi. Ça ne fait pas de toi mon grand frère.
— Mais je suis le plus vieux !
— Donc techniquement, tu mourras le premier.
Le machin se détache de mes bras pour se jeter dans ceux d'une jolie fille aux cheveux d'un blanc immaculé où il pleurniche faussement.
— Yukinoooo ! Ma sœur est méchante avec moi ! Je suis une victime de la société !
Nous éclatons toutes les deux de rire sous les couinements plaintifs de l'être qui me sert de jumeau.
— De toute façon, Lucy elle est méchante, lance-t-il. Regarde ! Elle a tué une licorne !!
— Une li- ?
Il tend le doigt en direction de ma main que je vois coloré de mille et une couleurs. Les couleurs de l'arc-en-ciel décliné en mille et une gammes. Ah... C'est donc ça qui lui a fait pensé à une licorne, l'arc-en-ciel.
— J'ai fait de la peinture avec des élèves, je n'ai pas réussi à tout faire partir.
— Ahah, lance Sting en me pointant d'un doigt accusateur. Mains sales, pas de pizzas !
— Vous avez amené des pizzas ?!
Ma voix monte dans les octets face à mon excitation, ce que ne manque pas de remarquer mon cher frère jumeau.
— Parfaitement ! Mais tu dois avoir les mains propres ! Sinon c'est moi qui mange ta Royale.
— Pas touche à ma pizza sale extrémiste ! Ne t'inquiètes pas, je vais la nettoyer à la javel ou au détergent ma main !
— Euh... Non mais ne va pas te tuer non plus.
— Je suis prête à tout pour une pizza Royale, je réponds en riant.
— Euh... Mais y a quand même des limites.
Je ris et vais devant mon robinet, frottant pour essayer de faire partir la peinture. Heureusement pour moi et pour mon estomac, à force d'acharnement, la peinture finit par partir.

— Pizza ! Pizza ! Pizza, je hurle en retournant près du couple en me dandinant.
— Calme-toi la naine, me jette mon abruti de fraternel.
— On s'en prend pas à la taille sale géant !
— Liliputienne !
— Titan !
— Schtroumpf !
— Qui veut de la pizza, s'écrit Yukino pour nous interrompre dans notre prise de bec fraternel.
— MOI !!
La jeune femme soulève le couvercle de chaque carton pour nous distribuer notre pizza. Mais lorsque je vois mon frère porter une part de la sienne à sa bouche, j'esquisse une grimace.
— Ce genre de pizza ne devrait pas exister.
— Je te défends de dire quoi que ce soit contre les pizzas à l'ananas !
— Elle devrait pas exister ! C'est dégueulasse !
— Parce que mademoiselle l'original sait ce qui est dégueulasse ?! Elle mange la plus basique des pizzas !
— Champignon, jambon, fromage, je liste. C'est la meilleure pizza !
— Trop facile ! Du vu et revu ! Aucune originalité !
— C'est un crime de manger une pizza à l'ananas !
— Les critiquer est un crime oui !
Soudain, nous recevons tous les deux sur le front un morceau de chorizo de la pizza de Yukino qui nous hurle :
— Le crime est de vous disputez alors qu'on mange une pizza !
Penaud, nous baissons tous les deux la tête et mangeons tranquillement nos pizzas. Je vais juste chercher un flacon de Tabasco dans la cuisine. Je vois l'étrange être avec qui j'ai partagé neuf mois d'isolement dans le ventre de notre mère me regarder en ricanant mais il n'ose pas se moquer de moi, de peur que ce soit sa pizza entière que Yukino lui lance à la figure. Je reviens m'asseoir et asperge abondamment ma pizza de Tabasco. Je porte une part à ma bouche et aussitôt, c'est une explosion de saveurs relevées. Un délice !
— Vous voulez quelque chose à boire les mojitos ?
Le jeune couple se regarde avant de pousser un grand cri.
— Des mojitos !
— Hop hop hop ! J'ai pas ça chez moi et en plus, dois-je vous rappeler pourquoi je vous appelle comme ça ? Avez-vous le moindre souvenir du jour de l'an chez Minerva ?
— Bon bah... Un coca pour moi.
— Et un jus d'ananas.
J'éclate de rire face aux visages des deux compères. S'ils étaient des chiens, ils auraient eu les oreilles baissées et aurait lâché des petits gémissements. J'aime mon frère et sa petite amie. Ils sont vraiment les personnes qui compte le plus pour moi. Mais ils ne tiennent absolument pas l'alcool et personnellement, je n'ai pas envie de leur tenir les cheveux quand ils vomiront dans les toilettes ni de nettoyer derrière eux. Parce que oui, un verre et ces deux-là sont déjà saouls. Ils disent ça assez handicapant mais personnellement ça m'arrange parce qu'ils sont quasi toujours sobre du coup, ne prenant aucun plaisir à être ivre après seulement un verre. Sting est donc mon chauffeur attitré quand je préfère ne pas prendre le risque de conduire.

Mais bon, comme je ne suis pas si horrible, je ne me prends pas un verre d'alcool et accompagne Yukino avec un jus d'ananas. C'est clairement le meilleur jus de fruits qui existent dans cet univers. Et pour ceux qui disent qu'il est trop sucré, allez voir Rogue, il vous fera souffrir, euh, vous fera perdre tout ce sucre.
— Et toi, Lucy ? Comment se passe ton nouveau travail ?
— Ça va, ça va.
— Travailler avec des ados ne te déprime pas trop ? Tu ne te sens pas trop vieille, me lance narquoisement la chose non-identifiable qui me sert de frère.
—Rassure-moi, je t'ai déjà dit à quel point je te détestais ?
— Moi aussi je t'aime ma sœurette d'amour.
Il embrasse ses doigts avant de souffler dessus dans ma direction, comme pour m'envoyer ce baiser.
— Et sinon, niveau garçon, fait la voix de Yukino.
J'avale mon jus de travers et tousse fortement.
— Ah ah, fait la jeune femme, triomphante. Ça en dit long !
— Mais il n'y a rien ! Il n'y a rien du tout !
— À d'autres !
— Je vous le jure !

En effet, il n'y avait rien. Enfin... Rien est un grand mot. En réalité il y avait un visage, sans expression, sans profondeur. Avec juste deux traits, un pour marqué l'emplacement des yeux et l'autre pour la symétrie du visage. Juste un début de dessin, juste une esquisse.
Mais une esquisse qui peut se mouvoir.

Tu n'étais qu'une esquisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant