Tu n'étais qu'une esquisse

CHAPITRE 10

La poursuite du dessin de "l'inconnu"
*****

J'ouvre un œil. Puis deux. Je regarde rapidement à 360° autour de moi. C'est bon. Je suis bien dans mon dessin, accrochée à un pan de l'opulente robe de la femme. Je ne perds donc pas un instant et relâche un peu ma prise sur le tissu tout en y posant la plante de mes pieds. Je me laisse doucement glisser jusque sur le toit d'un immeuble. Je m'allonge à même le sol et lève le visage vers la voûte céleste. Les étoiles semblent danser une ronde tout autour de moi, je pourrais presque entendre leurs rires... Un trait lumineux traverse le ciel, perçant la ronde des étoiles. Je n'ai pas eu le temps de faire un vœu. Le temps que je me dis "je dois faire un vœu", elle avait déjà disparu à mes yeux. De toute façon j'ignore quel vœu j'aurai bien pu faire. Un vœu personnel ? Je ne désire rien de plus que ce que je n'ai déjà. Voyager dans mes dessins est la chose la plus incroyable qu'il me fut arrivé. Après, si je devais vraiment choisir, je pense que je souhaiterai pouvoir retourner dans mes autres dessins. Avoir le droit à plusieurs visites afin de tout explorer dans les moindres détails.
Ou un vœu impersonnel ? Là, je dois bien avouer que j'ai beaucoup plus d'inspiration. Je souhaiterais que ce que vivent Jubia et Grey se termine. Je voudrais qu'ils soient à nouveau heureux. Je voudrais qu'ils retrouvent un sourire vrai et sincère. Je voudrais les aider. Je voudrais qu'ils se confient à moi. Je souhaiterais que Rogue arrive à fonder tous les clubs qu'il veut. Je voudrais que tous mes collègues cesse de rentrer chez eux en bénissant je-ne-sais-qui d'être encore en vie après avoir supporté des collégiens une journée entière. Je souhaiterai que tous mes élèves réussissent leurs années, qu'ils aient leur brevet et ensuite, le bac. Je souhaite le bonheur de ceux qui m'entourent, avant même mon propre bonheur. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Mais une chose est sûre, je suis altruiste. Mais une autre chose est sûre, je tiens plus aux autres qu'à moi-même. Et sûrement que cela me portera préjudice un jour...

Mais en attendant, je tourne la tête et affiche un tendre sourire.
— Je pourrais donc te continuer aujourd'hui.
L'être est là, assis juste à côté de moi. Il me contemple. Son corps en 2D, sans aucune consistance, porte toujours les traits des bases que j'ai faites. Son corps s'est bel et bien épaissi lorsque j'ai dessiné des épaules sur ce bonhomme bâton.
Sitôt que je perçois la présence de cette étrange inconnu, je me sens immédiatement apaisée. Je me sens calme, posée, détendue.
Je me redresse et sort mon crayon de ma poche.
— On commence ?
Il hoche la tête pour me montrer son consentement alors je pose ma mine sur son épaule.
— Les traits que que tu as là ne sont qu'une base, une idée pour tes proportions, j'explique. Je vais les affiner, je vais les rendre plus réalistes. Je vais faire la courbe de tes muscles, te dessiner un nombril, enlever certains traits superflus.
Et tandis que je parle, mon crayon court sur son corps. J'affine ses jambes, les galbe. Je dessine ses clavicule, la courbe de ses épaules. Je lui crée cinq doigt afin qu'il puisse s'en servir. Je définis les muscles de son torse et de ses bras, les sculpent.
Mais sitôt que j'atteins le niveau de son bas-ventre, mes joues s'empourprent. L'être s'en aperçoit et penche la tête sur le côté, interrogateur.
— Hum... Je ne pense pas que je vais faire ça...
Il se penche en avant, comme pour me regarder par en-dessous. Tout dans sa posture, son attitude, me pose son mot interrogatif.  « Pourquoi ? »
— Je n'aime pas dessiner des nus, je fais. Ça ne m'attire pas. Je n'en perçois pas la "beauté". Et puis... Dessiner le sexe d'un être qui vit... Je ne suis guère pour. Encore moins si c'est le tien...
Il jette un rapide coup d'œil au niveau de son bassin et en-dessous, comme s'il ne comprenait vraiment pas où était le problème.

Soudain, la lumière caractéristique illumine nos visages. Le corps si pâle de l'être se colore d'une douce lueur, me donnant envie de lui effleurer la joue du bout des doigts.
— J'avais plus de temps dans mes souvenirs, je fais avec un petit sourire. Mais bon, je te continuerai la prochaine fois...
Une brise de vent se lève et mes cheveux s'agitent dans ce souffle. Je ferme les yeux et inspire pour m'imprégner de l'air frais de cette nuit étoilée.
— Qui aurait cru que la robe de cette femme pouvait autant embaumer une nuit d'été. La même odeur que cette fameuse nuit là...
Je m'apprête à replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille mais ma main rencontre les doigts de l'être qui avait eu la même idée de moi.
Je le fixe quelques secondes, juste le temps que le minuteur tombe à zéro. Mais, une nouvelle fois, juste avant que les ténèbres ne me ramènent dans la réalité, le vent apporte cette même voix à mes oreilles.
— Lucy Heartfilia, murmure cette voix.

⁂

Je me relève en sursaut. Je suis à nouveau dans ma classe déserte. J'arrête le chrono de ma montre qui indique 1h00. Un temps plus court que la dernière fois où j'avais eu droit à 3h00 lorsque j'ai dessiné les contours de son corps auparavant malingre d'homme-bâton.
Je lève mes bras au-dessus de moi et m'étire, faisant craquer certaines de mes articulations. Je sors mon téléphone en apercevant le voyant lumineux m'indiquant un nouveau message.

« Hey, salut p'tite tête. On rentre de vacances dans le sud avec Yuki, tu nous acceptes dans ta modeste demeure histoire qu'on puisse te passer un petit coucou ? »

Je réponds immédiatement.

« Salut la perche. Alors, c'était bien ? Non, ne me dis rien, vous me raconterez tout lorsqu'on se verra. Vous comptez venir quand ? Comptez-vous coucher ? Et bien sûr que ma modeste demeure consent à vous accueillir ! J'ai trop envie de revoir la chère petite amie de mon jumeau !! »

Sa réponse ne tarde pas.

« T'inquiètes, t'inquiètes. No spoil la p'tite, on aura plein de choses à te raconter. Je t'ai même ramené un souvenir ! Un masque de babouin ! De toute façon, avec ou sans le masque, on ne voit pas la différence !! Xb
Si on vient demain soir, c'est possible ? Genre vers 18h ? On veut bien un lit pour une nuit mais je sais pas si on va coucher... Prends-toi des boules quies au cas-où XD
Juste Yukino ? Tu n'as pas envie de revoir ton cher frère jumeau, bah je te fais la boude ! Na ! »

J'éclate de rire avant de rédiger rapidement un dernier SMS.

« Je préfère avoir une tête de babouin, qui est un animal très proche de notre espèce que la face d'un céleri. X) D'acc pour 18h mais je serais pas là je te laisserai les clés de mon appart sous le paillasson et vous laisserez ma chambre si vous voulez déjà un peu vous installer. T'inquiètes pas, tu veux peut-être que je t'achètes les préservatifs aussi ? XD
Si, bien sûr... Mais disons qu'avec toi, j'ai passé 9 mois non-stop dans le même espace clos et confiné mais pas avec Yukino ! »

J'envoie le message et range mes affaires avant retourner chez moi pour un repos bien mérité.