Sceau de Sang [SOUS CONTRAT]

Prologue

AVERTISSEMENT : Ce roman aborde des thèmes pouvant choquer comme l'utilisation de drogue, le suicide, l'SSPT, la violence et le trouble de la personnalité.

Je n'ai jamais souhaité devenir ce que je suis. Je n'ai jamais voulu vivre dans ce monde vampirique. Malheureusement, j'en fais partie. Aucune échappatoire ne nous est offerte. Jamais.

Ici, un simple sceau détermine tout. Il peut construire des empires et briser des rêves. Il autorise à vivre et condamne à mort.

Ces quelques traits rouge sang ornent mon cou, gravés dans ma chair inchangée.

Voici vingt ans que je suis la même, cherchant désespérément à débarrasser cette société de ses chaînes en or.

La noblesse se réjouit de son confort et les défavorisés croupissent sous la malédiction des âmes corrompues. Puis au milieu de ce chaos incessant, se trouvent les chasseurs. Ils sont le lien entre l'obscurité et la lumière, peu importe lequel des deux est attribué à quelle classe sociale. Chacun a ses convictions.

Ce monde n'a pas soif de sang, mais il raffole des âmes. Et celles des chasseurs se fissurent peu à peu, avant de se briser.

Le sceau ne nous en protège pas.

Si tu lis ceci, j'espère que tu sauras faire la part des choses.

Les erreurs ne devraient pas être reproduites. Pas une fois de plus.

***

Lorsque les yeux de Sigma avaient parcouru ces lignes pour la première fois, elle avait éclaté de rire. Jeune d'à peine vingt ans, elle n'en avait pas mesuré l'importance. Son esprit était encore rempli de récits héroïques qu'on lui avait racontés lors de sa formation. Les idéologies de sa société avaient été ancrées dans sa tête. Elles étaient les seules qu'on lui avait transmises depuis sa naissance.

Parfois, elle prenait cette lettre pour une blague de ses amis. Ils aimaient la déstabiliser, jouer avec ses sens et ses pensées.

Le jour suivant, elle avait pensé à brûler le bout de papier jauni afin d'en oublier l'existence. Car, même si elle n'osait pas se l'avouer, les mots inscrits dessus la tourmentaient, réveillant des voix dans sa tête. Ces timbres lui chuchotaient des paroles en une langue inconnue qu'elle repoussait sans cesse. Elle ne souhaitait pas les entendre, elle ne céderait pas face à leur présence pesante.

Ainsi, l'apprenti chasseuse n'avait eu d'autre choix que de les ignorer. Jour après jour, heure après heure, elle s'était convaincue que ces présences n'existaient pas. Au fil du temps, sa ruse avait fonctionné et les mots disparurent.

Le poids qui pesait sur ses épaules s'effacerait lors de sa cérémonie du sceau. Elle serait alors un membre accompli de la haute société et n'aurait plus à se battre pour se faire une place dans son monde.

Pendant de nombreuses nuits, elle avait imaginé son corps à la peau cacao, enveloppé d'une étoffe immaculée qui ferait écho à son âme pure. Ses cheveux blancs extrêmement longs étaient alors relevés en un immense chignon pour ne pas limiter ses mouvements. Ses pieds nus frôlaient le sol en marbre du palais d'entraînement alors qu'elle avançait jusqu'à l'autel se trouvant au centre de la pièce. Des colonnes dorées se dressaient de chaque côté de l'objet, trônant sur tout être présent dans l'espace.

Vêtue de la sorte, elle se mit à genoux devant le grand esprit, le vampire le plus admiré et adulé de la société. Les sceaux rouge sang gravés dans la chair de ce dernier brillaient de mille feux et ses yeux écarlates se posèrent sur elle tels ceux d'un rapace.

Elle sentait le froid glacial du sol transpercer ses membres jusqu'à les tétaniser. Plusieurs individus la contemplaient avec attention. Elle serait bientôt une chasseuse, une vraie. Celui qu'on lui avait appris à vénérer se trouvait devant elle, les bras étendus vers le ciel.

Il ouvrit un livre sacré et prononça des mots dans une langue incompréhensible, alors qu'un dessin magique fut gravé dans la chair de la future combattante par la descendante d'une ancienne lignée connue sous le nom de « Magiae ». Cette famille était la seule à posséder de la magie.

Une douleur transperçait l'organisme tremblant de Sigma, mais son visage restait de marbre. Elle devait apporter de la gloire à son mentor qui l'avait guidée pendant les vingt premières années de son existence.

Une fois incrustés dans sa chair, les traits rouges du sceau de sang extrayaient une goutte d'hémoglobine de la peau de Sigma. C'était la seule qui coulerait de son organisme. Car ses veines n'étaient pas remplies de cette substance, mais de son âme innocente, translucide et pure. Cette dernière résiderait ainsi jusqu'à sa mort, préservée par la magie du sceau.

Dans sa société, seuls deux types de créatures existaient : les corrompus, des âmes obscures emportées par la folie, et les âmes pures comme elle. Les uns se chargeaient de tuer les autres.

Elle se relevait alors, les iris noirs remplacés par un pourpre envoûtant. Elle retenait ses cris de douleur alors qu'une puissance céleste vérifiait la pureté de l'âme translucide qui coulait à travers son organisme. Ses artères brûlaient. C'était comme si on les désinfectait.

Après avoir survécu à ça, Sigma partait en mission d'initiation, prête à mettre à l'épreuve toutes les techniques qu'on lui avait enseignées. La tête remplie d'idéaux et de rêves, elle ne cessait de s'imaginer cet instant fatidique chaque nuit. Pendant des années, c'était le même spectacle, les mêmes mots, les mêmes vêtements. Les voix dans sa tête n'en faisaient pas partie, elles n'étaient pas autorisées à interférer.

Une fois le jour venu et sa mission d'initiation accomplie, le grand esprit la contemplerait avec contentement. Sigma aspirait à devenir la chasseuse la plus remarquable d'entre tous. Elle avait toujours vécu que pour ça. Depuis qu'elle avait obtenu le meilleur score aux tests en tant que nouveau-née, c'était la seule option qu'on lui avait donnée. Elle devait laisser ses sentiments de côté pour donner libre cours à son cœur antipathique. Dans les rangs des chasseurs, rien ne valait mieux qu'une créature ôtée de son empathie.

Face à son supérieur, elle lèverait le menton en signe de fierté. Elle serait prête à devenir une légende jusqu'à ce qu'on ne la brise.