Chapitre 8

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Les mains toujours attachées dans le dos, on leur fit traverser de nombreux dédales de couloir. Cet endroit était un vrai labyrinthe, se dit Eldria. Elle repensait aux paroles de Madame Martone. Quelle vieille femme maléfique ! Toutefois, sa dernière intervention avait instigué chez elle une lueur d'espoir. Elle se demanda ce que Salini, Dricielle et Karina en pensaient.

Devant elle, juste derrière Madame Martone, marchait Dricielle. Sa démarche n'était pas assurée, et Eldria constata que sa compagne de cellule tremblait. À la suite directe d'Eldria, on entendait le bruit régulier des pieds nus de Karina sur le sol de pierre. Enfin, Salini fermait la marche, suivie de près par le garde en armure.

Une échappatoire possible... Eldria se répétait inlassablement ces mots. Peut-être y avait-il une chance pour qu'elle sorte d'ici sans être abusée outre mesure. Pourtant, cela signifiait qu'elle entrait par la même occasion en compétition avec ses camarades, et cette perspective n'était pas non plus pour lui plaire. Elle croyait fermement au fond d'elle que toutes devaient avoir la chance de s'en aller. En revanche, elle avait aussi conscience que cette information n'avait pas été dévoilée par hasard. Elle n'était pas bête au point de ne pas avoir compris que Madame Martone les poussait ainsi à se comporter plus docilement. La technique de l'âne et de la carotte, elle la connaissait bien en tant que jeune fermière... Mais avait-elle le choix ?

Elle fut sortie de ses rêveries quand le petit groupe, derrière une énième porte gardée, sortit finalement dans une grande cour à l'air libre. Eldria accueillit avec joie le doux soleil d'automne venu lui réchauffer la peau. Cela faisait seulement une journée qu'elle ne l'avait pas vu, mais elle ne se souvenait pas d'un seul moment de sa vie aussi long sans avoir senti le grand air extérieur.

La cour était suffisamment grande pour accueillir sans encombre une centaine de personnes. De chaque côté se dressaient de majestueux arbres. Entourant une allée centrale remplie de graviers, coupée en son centre par une fine bande d'herbe large d'un mètre environ. Sur cette bande, une quarantaine de femmes, elles aussi vêtues de robes de différentes couleurs, étaient parfaitement alignées, chacune attachée dans le dos à de longs piquets en bois plantés dans la terre.

C'est ainsi qu'Eldria découvrit pour la premières fois les malheureuses qui, comme elle et ses trois amies, avaient certainement été enlevées de chez elles et amenées ici de force. Il y en avait pour tous les goûts : des blanches, des noires, des rousses, des blondes, des brunes, des petites, des grandes, des minces, d'autres un peu plus en chair, beaucoup de jeunes et certaines plus âgées. Eldria évalua qu'aucune ne devait dépasser la quarantaine cependant. Certains visages étaient apeurés, d'autres résignés, d'autres encore impassibles. Aucune ne parlait, certainement à cause de la quinzaine de gardes postés tout autour de la cour, prêts à intervenir au moindre problème.

Eldria et ses trois amies furent conduites tout au bout de la file, où quatre poteaux en bois les attendaient elles aussi. Elle jeta un œil en direction de ses nouvelles compagnes d'infortune. Toutes les regardaient passer avec intérêt. Certains regards étaient compatissants, d'autres clairement hostiles, alors que certains ne dégageaient aucune émotion. Le soldat qui les avait accompagnées jusque-là les attacha une par une, puis alla prendre place parmi ses collègues.

Le ciel était bleu, et on entendait les oiseaux gazouiller gaiement dans les branches des arbres, ignorant tout du caractère sadique de la scène se déroulant sous leurs pattes. Mis à part cela, il régnait un silence de mort. Aucune captive n'osait prononcer le moindre mot, probablement conscientes qu'elles n'y avaient pas été autorisées et ne souhaitant pas subir d'inutiles représailles. Eldria tourna la tête en direction de Karina et Salini à sa droite. C'étaient-elles qui étaient le plus au bout de la file. Karina ne semblait pas rassurée, mais son visage était dur. Elle fit un signe de tête à l'attention d'Eldria, comme pour lui rappeler d'être forte. Salini, quant à elle, lança un regard plein de compassion à son amie, comme pour lui dire "Ne t'en fais pas, ça va aller...". Eldria lui rendit un faible sourire.

Eldria - T.1 - L'Enfer RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant