Chapitre 26

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Après le soudain départ d'Eldria en pleurs, Jarim resta planté seul dans l'herbe de longues minutes près du lac, perdu dans ses pensées, désespéré de voir son amie si triste à l'idée qu'ils se séparent. C'était un déchirement pour lui aussi bien sûr, mais il avait espéré mettre à profit leur dernière soirée ensemble avant son départ pour lui dire combien il tenait à elle, et pour graver dans leurs cœurs ces derniers instants l'un près de l'autre, jusqu'à leurs retrouvailles...

Combien de temps allait-il partir ? Depuis que Daris, l'oncle d'Eldria, lui avait annoncé que tous les hommes en âge de se battre devraient s'engager pour la nation, une désagréable boule avait élu domicile dans son ventre. Pourtant ce n'était pas par manque de courage – il en avait à revendre – mais plutôt de la peur. La peur de partir se battre pour ne jamais revenir. La peur de laisser derrière lui sa mère qui l'avait élevé seule, ses amis... et Eldria. Depuis aussi loin que ses souvenirs remontaient, il était amoureux d'elle. Jamais il n'avait osé le lui avouer, repoussant de semaine en semaine l'inéluctable moment où, il le savait, leurs destins devraient se lier à jamais. Ou bien se séparer. C'était la perspective de cette dernière éventualité qui l'avait jusque-là amené à décaler l'échéance. Et si ce n'était pas réciproque ? Si elle le considérait comme un ami, rien de plus ?

La nuit commençait à tomber. Résigné, il marcha jusqu'à la ferme les bras ballants, la tête baissée. En passant devant la maison d'Eldria, il remarqua que sa chambre était éteinte. Sans doute était-elle déjà montée se coucher. Il l'imagina en train de pleurer dans son lit, seule dans la pénombre. Il aurait tout donné pour la prendre dans ses bras, la réconforter, mais il ne pouvait pas. Aussi se résolut-il à faire de même.

Arrivé dans sa propre chambre quelques minutes plus tard, il déposa son arc et son carquois dans un coin, retira sa chemise et son pantalon encore légèrement humides, et se laissa tomber mollement sur le lit. Comment avait-il pu tout gâcher de la sorte ? Cela faisait plusieurs jours qu'il savait qu'il devrait partir s'engager, mais d'un commun accord tous les hommes de la ferme avaient décidé de ne rien dévoiler à leurs épouses et filles jusqu'à réception d'une missive officielle émanant des hautes instances du Val-de-Lune. Jarim, conscient qu'il était très peu doué pour les mensonges, avait fait de son mieux pour croiser Eldria le moins possible ces derniers jours, aussi avait-il paradoxalement vécu l'arrivée de la fameuse lettre le matin-même comme une libération.

Il avait choisi un endroit romantique, où il savait qu'ils ne seraient pas dérangés, l'avait invitée sans rien lui dire de plus, et après lui avoir annoncé son départ à la guerre il avait égoïstement souhaité que cela l'affecterait, qu'elle se mettrait peut-être même à pleurer. Alors il aurait pu la réconforter et, face au coucher de soleil, lui annoncer d'une voix solennelle qu'il l'avait toujours aimée et qu'il espérait qu'elle l'attendrait le temps que cette fichue guerre soit finie. Il soupira longuement. Il lui restait trois jours. Trois jours pour faire tous les préparatifs avant leur départ à tous. Trois jours pour essayer de lui parler et de rattraper son échec du jour.

Pourtant la soirée n'avait pas si mal commencé. Leur longue baignade dans le lac avait été amusante et elle semblait y avoir pris beaucoup de plaisir aussi. Comme à leur habitude, il les avait tous deux sentis en parfaite osmose. Il repensa à leur discussion, allongés, au bord du lac. Il s'était senti un peu gêné lorsqu'il s'était rendu compte qu'il pouvait voir distinctement, au travers de sa robe mouillée, les détails de sa poitrine. Jamais il ne l'avait vue rougir autant ! Qu'elle était mignonne quand elle rougissait... Et il ne pouvait pas non plus nier que cela lui avait fait un petit effet aussi.

Il ne put s'empêcher de repenser à la scène et à ce qu'il avait vu sans vraiment y être invité. Enfants, ils leur arrivaient bien sûr de prendre des bains dénudés tous ensemble avec ceux de leur âge, aussi cela ne fut pas à proprement parler la première fois qu'il voyait sa poitrine. A cet âge-là on ne se soucie guère de la pudeur. Mais depuis leur adolescence, il n'avait plus eu l'occasion de poser ses yeux sur ce qui faisait d'elle une femme. Pourtant, il ne l'avait jamais autant regardée, ne loupant effectivement pas une occasion d'admirer ses formes lorsqu'elle se baignait en brassière, ou ne serait-ce que de simplement contempler ses fesses lorsqu'elle marchait devant lui. Il faisait systématiquement attention à ce que cela ne soit pas trop flagrant, mais pour autant il ne pouvait pas s'en empêcher, c'était plus fort que lui. Il se plaisait tant à imaginer ce qui pouvait bien se cacher derrière ces fins tissus.

Eldria - T.1 - L'Enfer RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant