Chapitre 36

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Les journées s'étaient enchaînées et l'appréhension d'Eldria avait grandi en conséquence, autant que son impatience de ne plus avoir à fouler ce sol poussiéreux qu'elle ne connaissait que trop bien.

Chaque jour, elle avait demandé à Naïs si Salini avait été ramenée dans sa propre cellule et chaque jour la servante lui répondait désespérément par la négative. Elles n'avaient toujours aucune idée de ce qu'il était advenu de son amie d'enfance mais Eldria refusait catégoriquement de se résoudre à partir sans elle.

La veille de l'évasion, après y avoir longuement réfléchi, elle se vit contrainte de jouer le tout pour le tout :

– Naïs, j'ai... un service à te demander, dit-elle à l'adolescente qui venait de lui servir son modeste repas quotidien.

L'intéressée lui lança un regard concerné.

– Tout ce que tu veux Eldria.

Cette dernière déglutit péniblement. Elle savait que ce qu'elle s'apprêtait à annoncer pourrait mettre en danger leur plan, mais elle n'avait pas d'autre choix.

– Je sais que le jeudi matin tu passes servir les filles de l'autre aile avant qu'ils nous fassent sortir. Si jamais tu vois Salini, ou bien si tu la croises ailleurs... Je veux que tu lui passes un message.

– Heu, d'accord. C'est si important que ça ?

Eldria fit oui de la tête.

– Je veux que tu lui dises que demain, elle doit me retrouver avec Dan dans le couloir principal, pendant qu'ils nous font... tu sais quoi.

Naïs parut circonspecte.

– Mais... Je croyais qu'ils vous gardaient enfermées dans des chambres isolées ?

Eldria se dit qu'il était important qu'elle comprenne l'enjeu de la situation pour qu'elle puisse insister au mieux auprès de Salini si par chance elle la voyait.

– Nous allons nous évader, annonça-t-elle de but en blanc en la regardant droit dans les yeux.

Naïs plaqua sa main devant la bouche. Eldria la prit par l'épaule au travers des barreaux en signe de confiance.

– Je compte sur toi pour ne le dire à personne. S'il te plaît.

La jeune femme s'empressa d'acquiescer du chef.

– Je... Je suis si contente pour vous, lâcha-t-elle dans un sanglot. C'est promis, je ne dirai rien.

Elle la gratifia d'une affectueuse accolade malgré les barres de métal qui les séparait irrémédiablement.

– Ca veut dire que je ne te verrai plus, ajouta-t-elle. J'espère que tu retrouveras les tiens à la ferme rapidement. Et que cette foutue guerre aura une conclusion heureuse. Je n'en peux d'être reluquée ici à longueur de journée...

Eldria lui sourit en retour. Elle espérait elle aussi que Naïs aurait la chance d'avoir une vie meilleure.

– Qui sait, nous nous recroiserons peut-être un jour, lui dit-elle.

***

Le lendemain, Eldria débordait d'un mélange d'excitation et de peur. Elle n'avait pratiquement pas dormi, non seulement car elle n'avait pas réussi à faire le vide dans son esprit – envisageant encore et encore des scenarios plus ou moins cohérents sur ce qui l'attendait – mais aussi car, avant l'aube, d'importants mouvements de troupes avaient résonné dans la cour. Dan n'avait pas menti. D'après ce qu'elle avait pu entendre, de nombreux soldats avaient quitté la prison fortifiée, le son de leurs pas cadencés résonnant en rythme jusqu'à sa cellule dans le calme plat de la nuit. Ils devaient certainement se diriger vers le poste avancé plus au sud dont Dan lui avait parlé. Au vue du vacarme que cela avait engendré, elle jugea au doigt mouillé que cela devait représenter au moins une centaine d'hommes.

Eldria - T.1 - L'Enfer RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant