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03/11

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Cradles - SubUrban
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Shot:

Rien. Rien ne s'est passé depuis la dernière fois.

Tout est redevenu comme avant. Enfin, vu que rien n'a changé alors je dirai plutôt que les choses sont toujours comme elles l'étaient.

Tord.
Tord.
Tord.
Tord.
Ce connard.

Il est partout. Il est dans chaque inspiration que je prends. Il est à tout les coins de rue. Il est devant moi en cours. Son regard gris brûle ma peau, me consume lentement et sûrement jusqu'à ce qu'il ne reste de moi qu'un pauvre tas de cendres qu'il s'amusera à disperser dans l'air pollué de la capitale.

Honnêtement, quel est son problème ?
Pourquoi moi ?
Je ne suis qu'un gamin, comme les autres s'amusent à le dire.
Quelle valeur ai-je ?

Tout ça m'échappe, embrouille mon cerveau et me prive de sommeil.

J'ai peur que Larsson revienne encore dans mes cauchemars.

Dead:

Mon activité du moment se résume à maltraiter les cordes de Suzan.
Je sais maintenant correctement la jouer mais avec mon humeur à chier je ne fais que gratter sans passion. Machinalement.
Et cela la fait pleurer, elle me hurle de la laisser tranquille car les notes que je joue la font souffrir.

Je ne l'ai pas écouté. Insensible à son mal silencieux.
Ses cordes ont fini par rompre tout à l'heure...

Le ciel est à nouveau gris.
Sam est HS dans son bureau, travaillant sur un projet compliqué qu'il est le seul à comprendre.
Enfin, lui et ceux qui le lui ont commandé.
C'est pour un mouvement politique ou un truc du genre. Il reste très secret dessus et je trouve cela assez louche.

Même si je ne m'intéresse pas à son métier en général, Papa prend toujours le temps de me décrire quelques uns des travaux qu'il doit rendre. Juste parce que cela lui arrive d'avoir envie que quelqu'un l'écoute raconter sa journée et parler de ce qui le passionne. Parfois je lui demande de fermer sa gueule mais normalement je prends souvent plaisir à le voir s'extasier sur la couleur de la prochaine affiche publicitaire d'un film dont la sortie est imminente.

Qu'est-ce qu'il me cache alors...?

Mouais....

Je préfère rester en dehors de toute affaire étrange pour le moment.
J'ai bien trop à faire avec ma propre vie.

Bah:

Il me fallait de nouvelles cordes pour Suzan.
J'ai donc quitté ma maison, en n'oubliant pas de spécifier à mon géniteur que je sortais pour une durée indéterminée. Géniteur qui m'a répondu avec un doigt d'honneur gorgé de sommeil.

Ah.

Plus je m'acclimate, plus j'ai l'impression que cette ville est figée dans le temps.
Une vieille photographie perdue sous la pluie.

Je commence à m'y plaire. Étrangement.
Vivre dans un lieu où le temps n'est plus fuyard et où l'espace semble ne plus être la seule frontière est assez sympa.

Surtout quand on se sent comme un cyborg défectueux qui manque de carburant.

Les cordes métallique de Suzan entre les mains, j'ai décidé de m'égarer à nouveau. De m'égarer dans une ruelle peu fréquentée que je connais bien depuis peu. Sous cette terrasse abandonnée où une sorcière s'amuse à donner une vision de l'enfer aux rares habitants de cet endroit.

"- T'as mauvaise mine. Tu devrais dormir.

- Tu parles de ma mine alors que la tienne est pire.

- Il est simple de reprocher aux autres ce qu'on a pas le courage de rectifier nous-mêmes."

Je l'ai regardé d'une drôle de façon.
Voilà qu'elle se mettait à dire des choses sensées. Cette fille a sûrement pété un câble depuis longtemps. Je ne cherche plus à percer le mystère au fond de ses yeux.
Elle a placé des trous noirs à la place de ses iris. Tout ce que je peux faire c'est me perdre dans l'immensité de la galaxie qu'elle est à elle toute seule.

Elle a définitivement quelque chose.

Mais justement, Laurel est une autre version plus complexe de moi. Une version plus chaotique et mal construite. Si mon cœur bat plus vite quand son souffle se mélange au mien, cela voudrait-il dire que je possède aussi ce fameux truc ?

Et surtout, est-ce c'est cela même qui fasse en sorte que Tord me considère comme quelqu'un de différent ?

Ça prendrait plus de sens.
Cette histoire en manque cruellement depuis le début.

Le soleil s'est couché sur la fille aux cheveux bleus allongée de nouveau contre mon torse. Des bouteilles de vodka vides jonchaient le sol autour de nous.
Nous étions ivres de vie et de liberté.
Deux êtres dont l'origine est inconnue, égarés parmi les mortels et qui ne cherchent qu'à respirer de nouveau. Intoxiqués par un air qui leur est étranger.

J'étais déjà parti avant qu'elle n'ouvre les yeux.

Retrouvant ma chambre, mes pensées, mon père et ma basse. Un stylo et un peu d'inspiration, me voilà de retour dans cet enfer que j'affectionne tant.

P̶r̶i̶s̶o̶n̶n̶i̶e̶r̶ d̶e̶ l̶a̶ m̶a̶i̶n̶ d̶u̶ d̶i̶a̶b̶l̶e̶

𝐒𝐞𝐥𝐨𝐧 𝐓𝐨𝐦 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant