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10/09

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Do I wanna know - Arctic Monkeys
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God:

Une semaine depuis la dernière fois que j'ai écrit dans ce carnet.
Que pourrais-je te raconter ?

Papa a retrouvé sa liberté totale. Comme il n'a plus personne qui l'appelle toutes les deux minutes pour savoir ce qu'il fait, il se lâche complètement et passe des jours entiers loin de la maison. Soit, il réapparaît salement torché, soit il est tellement fatigué qu'il s'endort après m'avoir salué. En tout cas, il disparaît toujours aussi vite une fois qu'il a reprit des forces.

Je ne m'en plains pas, Papa est un électron libre depuis qu'il est jeune. D'après ses amis d'enfance, il n'a jamais été très fixe et tranquile. S'il n'a pas sa dose d'action et d'air frais, il en devient morose. Car la solitude provoque l'arrivée des réflexions désagréables et, contrairement à moi, papa préfère ne pas s'y attarder.

Ce matin, toujours seul, j'ai essayé de faire mes devoirs. Les rédactions de français sont aussi chiantes que ma vie.
Et j'ai dû en rédiger trois.

La pluie a fait son grand retour. Une averse violente frappait impitoyablement ma fenêtre.

Mes écouteurs dans les oreilles, je voulais simplement fermer les yeux et me réveiller au milieu de nulle part. En plein centre de la galaxie. Flotter entre les étoiles pour oublier la pourriture qui ronge la terre et le vide qui pollue mon cœur.

Je suis sûrement un monstre aux sentiments absents. Tout me laisse indifférent au point où j'ai l'impression que sourire est une torture.
Pourquoi continuer à vivre dans un monde où chaque minute qui passe je me sens de plus en plus au bord du gouffre ?
Des fois, j'aimerais ne pas exister. Me trouver entre les étoiles comme une légende que l'on ne pourra jamais ne serait ce qu'effleurer du doigt. Une histoire venue d'un temps ancien que personne ne connaîtra vraiment. Un début sans fin.

Les notes fortes de la musique se mêlaient à mes pensées déjà bien lourdes, elles éclataient ensemble dans mon cerveau et brûlaient mes yeux qui se noyaient dans des larmes que je peinais à laisser couler.

Était-ce moi qui disais ne pas être dépressif ?

Oui et j'assume mes mots. Je suis simplement fatigué. Fatigué d'exister pour rien.

Duh:

C'était un vendredi.
Le jour où j'ai croisé son regard pour la première fois.

Je marchais dans la rue, la capuche d'un sweat noir remontée sur mes mèches rebelles. Le ciel se teintait de gris alors que les gens, aussi branlants et écervelés que des cadavres vivants, allaient et venaient un peu partout.

Je pense que je sortais de chez Edd. Le brun est ma bouée, un genre de premier meilleur ami. Lui aussi, on l'a jugé à tort comme moi. Parce que ça lui arrive aussi de rester impassible face à un monde qui se détruit lentement. Mais Edd, lui il sourit pour oublier. Il se dit que s'il ignore la réalité, elle l'ignorera peut-être en retour. Malheureusement, on dit qu'elle rattrape toujours au bout d'un moment. J'espère qu'il sait ce qu'il fait. 

Bref, je marchais. Probablement pour rentrer chez moi ou juste à cause d'une simple envie de me perdre.

Au coin d'une ruelle vide, car très peu fréquentée, j'ai été attiré par des traits qui me semblaient familiers. Un parfum fort me donna le vertige alors que j'avançais vers cette espèce de Succube qui se baladait en pleine journée.
Ses cheveux bleus étaient tombés sur ses frêles épaules, sa peau légèrement hâlée paraissait douce à l'œil, dévoilée par le débardeur violet qu'elle portait. Elle tenait une clope entre ses doigts, regardant les premières gouttes de pluie caresser le sol depuis la terrasse d'un café abandonné.
Son regard sombre a rencontré le mien et elle a sourit.

"- 'Lut gamin.

- 'Lut pétasse."

Son sourit a atteint ses yeux.
Je peux dire de Laurel qu'elle est la seule fille que j'arrive à trouver jolie. Elle a truc.
Un truc bizarre.
Une aura qui l'entoure comme un voile de sensualité. C'est plutôt dur à expliquer.

"- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je communique avec Aquarius.

- Ah. Et il te répond ?"

Elle a fait un sourire emblématique avant de porter sa tige cancérigène à ses lèvres. En arrière-plan, la pluie est devenue plus forte. Je crois avoir imperceptiblement sursauter.
Laurel est une sorcière. Droguée à la poussière d'étoiles et sûrement droguée tout court.

Je ne sais même pas ce qui m'attire autant chez cette œuvre du Diable. Mais une chose est sûre, elle est bien loin de me laisser indifférent.

Elle a un putain de truc.

𝐒𝐞𝐥𝐨𝐧 𝐓𝐨𝐦 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant