Perdu D'avance

Chapitre 36

~ Lise ~

Notre dernière visite du séjour à Londres, est celle du quartier de Camden Town. Camden est connu pour son marché et ses boutiques, mais avant tout, sa culture Punk. Inutile de préciser que je n'ai pas ma place ici. J'aurais espéré que pour notre dernier jour à Londres, la profs nous laissent créer nos groupes, mais non. Je suis donc avec Justin, ce roux à qui j'ai mis un coup-de-poing, Alexis - dont la présence me remonte le moral - et une fille qui paraît un peu trop avenante avec Alexis. En fait, elle n'est pas seulement avenante, elle le bouffe littéralement des yeux. Alexis quant à lui, qui représente le calme incarné, ne lui accorde pas la moindre attention. Alice n'a aucune raison de s'en faire. Et puis même si Mae est jolie, ma meilleure amie l'est mille fois plus. C'est une petite brune, et j'insiste sur l'adjectif petit, avec des taches de rousseur. Ses cheveux tirent vers l'auburn au soleil et ils sont pleins de frisottis.

- Venez, on va par là, dit le roux en montrant une ruelle du quartier.

- Non merci, dit Mae. À tous les coups, c'est un repère de dealers ou de prostituées.

Elle n'a pas tort, je ne sais pas pourquoi cet idiot veut nous tirer là, mais ce n'est pas la meilleure idée du siècle.

- On devrait suivre la route et rester là où il y a des magasins, je propose.

Alexis hoche la tête, d'accord avec moi.

- On ne t'a rien demandé, répond l'idiot sèchement.

- Parfait, dis-je en croisant les bras sur ma poitrine. Alors vas-y toi, là-bas. Tu ne viendras pas pleurer quand ton porte-feuille aura disparu.

- Moi, je suis d'accord avec Carter, intervient Justin dont l'unique but est de me contredire.

Mes yeux roulent vers le ciel et Alexis me lance un regard de compassion.

- Eh puis si on croise des putes, tu iras les rejoindre Lise. C'est ton truc non ?

Ma respiration se bloque et mes yeux s'écarquillent. Justin me regarde, satisfait de sa réplique. Soit je perds ma dignité et je me lance sur lui, soit je garde la tête haute et répond comme une reine.

- Tu serais le premier à payer pour passer du temps en ma compagnie, dis-je en m'efforçant de ne pas paraître tendue.

Ma mère serait fière de moi, je n'ai pas utilisé les poings, mais la parole. Justin n'a pas l'air d'apprécier ma réponse vu la tête qu'il tire. Les autres ne disent plus rien, mais je sens Alexis assez tendu à mes côtés.

- Tu jouais la sainte nitouche quand on était ensemble, mais tu cachais bien ton jeu.

- Ce n'est pas moi qui jouais la sainte.

C'est lui qui ne voulait pas me faire l'amour simplement pour me "respecter". Je lui en suis d'ailleurs reconnaissante aujourd'hui, ça m'aura évité de coucher avec ce trou du cul.

- Combien de mecs tu t'es tapé depuis moi ? Un grand nombre, j'imagine, siffle-t-il entre ses dents.

Je rentre dans son jeu et fais mine de compter sur mes doigts.

- Tu n'es qu'une pute.

- C'est bon mec ferme ta gueule ! Intervient Alexis.

Mais c'est trop tard, ma main est partie toute seule. La joue de Justin a claqué si fort contre ma paume que tout mon bras a ressentie l'impact. Désolé maman, mais là les mots ne servent plus à rien.

Justin ouvre la bouche sous le choc et sa main se pose sur sa joue toute rouge.

- C'est bon mec, on se casse, dit Carter en attrapant le bras de Justin pour l'éloigner avant qu'il ne réplique par je ne sais quelle violence verbale ou physique.

Je l'entends même marmonner un truc du style "cette fille est sauvage". C'est marrant venant d'un mec qui court après un ballon. Alexis me regarde, les yeux ronds.

- Jamais je ne chercherais la merde avec toi, promet-il.

Je lâche un petit ricanement.

- Alors ne fais pas de mal à Alice.

Je vois Mae se renfrogner au moment où je cite Alice. Et la phrase qu'Alexis sort ensuite ne fait que l'enterrer encore plus.

- Je l'aime trop pour ça.

La fin de journée est passée à toute vitesse. J'ai d'abord tout raconté à mes amis et j'ai ensuite dû garder Nono en laisse pour qu'il n'aille pas se battre avec Justin. Nous avons rangé nos chambres et fait nos valises, puis nous avons eu une heure de libre avant le dîner. Ce soir, les profs veulent que nous mangions tôt, car le bus partira à cinq heures demain, cinq heures du matin.

Alice n'est pas dans la chambre, mais elle m'avait demandé de l'attendre pour aller à la cantine alors au bout de dix minutes, je me résigne à aller la chercher. J'ai quatre-vingts pour cent de chance qu'elle soit avec Alexis, alors je monte les deux étages qui nous séparent. J'allais m'aventurer dans le couloir après avoir quitté la cage d'escaliers, mais je reconnais une voix qui m'empêche de faire un pas de plus. Je sais que c'est mal d'espionner, mais quand il s'agit d'espionner Jessica, ma conscience prend congé. Ce couloir est également celui dans lequel la chambre de Blake se trouve alors je comprends vite à qui elle parle.

- ... Et tu sais que j'ai raison, dit-elle d'une voix... Douce ?

À propos de quoi elle a raison ? J'entends l'interlocuteur de la blonde soupirer.

- On s'amusait bien toi et moi. Ose me dire que tu n'aimais pas me baiser.

Je grimace.

- Oui, admet Blake. Mais je n'ai plus la tête à ça, ce n'est pas contre toi.

- Tu m'as vraiment remplacé avec cette connasse de friquée ? S'indigne Jessica.

Mes oreilles sifflent en entendant la manière dont elle me décrit. J'aimerais intervenir, mais je ne veux pas couper court à cette discussion. Je suis curieuse d'entendre ce que Blake va lui dire.

- Arrête de penser ça, je me fous de cette fille Jess, dit-il presque en chuchotant.

Ma gorge se serre. J'ai envie de jeter un coup d'œil pour voir leur proximité, mais j'ai peur de me faire griller.

- Alors prouve-le-moi, elle susurre.

- Comment ?

- Embrasse-moi.

Je n'aurais pas dû regarder, tout comme je n'aurais pas dû avoir mal en voyant Blake s'emparer des lèvres de Jessica. Elle pousse un gémissement contre sa bouche et l'embrasse en retour.

Je déglutis, tremblante, et redescend les escaliers discrètement. Je n'ai plus d'appétit alors je pars m'enfermer dans ma chambre et me faufile sous mes draps.