13. Sciences, Daiquiris et testostérone

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Sunnycreek, Caroline du Sud, lundi 9 septembre 2014,  8h10.

— Psssst. Hé, ne dors pas, on a plein de choses à se dire !

Nous étions en cours de sciences. C'était un miracle que personne ne soit arrivé en retard. Ce qui avait mis M. Fisher de très bonne humeur. Il fallait prier pour que ça dure.

Ce vieux bougre aigri était pour ainsi dire allergique aux retards. Selon lui, être à l'heure, c'était déjà être en retard. Il portait aujourd'hui une chemise à carreaux écossaise, chemise qu'il remettrait toute la semaine, en bon écolo qu'il était. Aujourd'hui, nous avions un cours sur la respiration et le rythme cardiaque, Tammy était chargée de mesurer mon pouls au repos. J'étais allongée sur une des tables inconfortables de la salle 31 et menaçais de sombrer. Faire la fête un dimanche soir, ce n'était jamais une bonne idée.

— Je ne suis pas censée parler, je te signale, murmurai-je d'une voix pâteuse.

— Oh, on s'en fiche de cet exo bidon ! Hier, quand ce troll de Marcie nous a interrompues, tu étais en train de me parler de Mister Sexy, sans compter la discussion que t'as eue avec Jake ! Et ce gars-là de Goose Creek ? Tu aurais dû voir l'expression de Mister Sexy. Dis donc, toi, tu fais tourner les têtes. Je me demande à quoi te sert ton téléphone. Tu es censée me rapporter les événements de ta vie à la minute !

— Si M. Fisher nous surprend, on est fichues ! Je n'ai vraiment pas envie de m'occuper de ses plantes après les cours, Tammy, répondis-je en balayant du regard la joyeuse jungle qui nous servait de salle de classe.

Elle chassa, comme à son habitude, ma remarque du revers de la main en secouant ses cheveux blonds, lisses et courts. Ses yeux verts s'assombrirent quand elle me fusilla du regard, mais je fermai les yeux pour l'ignorer. Et elle continua à déblatérer.

— Bon, si tu veux, je commence. Quand vous êtes partis hier soir, Sean et moi avons discuté pendant des heures et des heures ! Qui l'aurait cru ? Je ne m'ennuie jamais avec lui, même quand il me parle de ses jeux vidéo ou de son projet de sciences. Le moindre mot qui sort de sa bouche est hyper intéressant. Et puis sa maladresse, c'est trop chou, sérieux. Parfois j'en viens même à douter de moi, genre, euh, si j'ai un truc coincé dans les dents. On en a même oublié le devoir de littérature. Je crois que je l'aime bien.

Je rouvris aussitôt les yeux.

— Oh. Mon. Dieu. Il faut graver ce moment dans le marbre ! À quand remonte la dernière fois que tu as dit ça d'un garçon ? Oh, c'est vrai... à jamais.

— C'est bon, n'en fais pas tout un plat. Allez, à ton tour.

— Jake m'a enfin avoué qu'il avait rompu avec Tessa, et qu'il ne lâcherait pas l'affaire avec moi. Et Grayson... est un connard dont je n'ai pas envie de parler. Qu'il reste avec Marcie.

— Mais...

— Nora et Tamara, cela fait deux bonnes minutes que je vous regarde dans l'espoir que vous vous taisiez enfin ! nous coupa M. Fisher en rajustant ses lunettes rondes, les deux poings sur les hanches.

La bonne humeur de ce dernier n'avait donc duré que quelques minutes, et c'était très probablement notre faute. Marcie leva la tête vers nous et s'esclaffa d'un rire cristallin hyper agaçant. Elle ne manquait jamais une seule occasion de se moquer de nous, celle-là. Tammy roula des yeux, soupira et marmonna beaucoup trop fort que c'était Tammy et non Tamara. M. Fisher ne sembla pas apprécier, car il ajouta d'un ton sec :

— Très bien, je vais vous séparer toutes les deux ! M. Jacobs passe avec Mlle Sweetland, et M. Cooper avec Mlle Harris. Le duo des timides calmera peut-être vos ardeurs.

Before we collideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant