15. Reste, juste encore un peu

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Sunnycreek, Caroline du Sud, samedi 14 semptembre, 01h45.

Je ne savais pas combien de temps j'étais restée dans cette position – cinq minutes, une heure ? Quelqu'un cogna à la porte et me sortit de mon état de choc. J'aurais reconnu sa voix entre mille :

— Hé, tu monopolises les toilettes.

Je n'avais pas envie d'ouvrir et de me sentir comme une moins que rien. C'était déjà le cas.

— Nora, ça va ?

N'ayant pour seule réponse que des reniflements que je n'étais pas parvenue à retenir, Il ajouta :

— Tu sais ce que je fais pour me changer les idées ?

Sa voix s'était adoucie, et il venait de s'asseoir de l'autre côté de la porte.

— Je fais la liste de ce que j'aime le plus. Ma chanson préférée est Big Girls Don't Cry de Frankie Valli and the Four Seasons. Et la tienne ?

Avait-il choisi cette chanson exprès ?

Stay de Maurice Williams and the Zodiacs, réussis-je à articuler.

Il me demanda mon plat préféré, qui était sans conteste les crevettes et gruau de maïs de Mme Wayland, puis ma couleur préférée, mon endroit préféré... Il voulait à chaque fois que j'explique pourquoi en racontant une anecdote. Je commençais à me sentir mieux. Penser aux choses qu'on aime, voir le verre à moitié plein, donnait du baume au cœur. Il avait raison.

— Ne bouge pas d'ici. Rince-toi le visage, ne t'en fais pas pour ton maquillage, de toute façon, t'es plus belle sans, et attends mon signal. Tu n'auras pas de mal à le reconnaître. Je serai au bas de l'escalier.

Sans vraiment savoir pourquoi, telle une automate, je l'écoutai et enlevai toute cette saleté de maquillage. Un chignon rapide, un zeste de parfum, et me voilà prête pour de nouvelles aventures.

Et c'est là que je les entendis. Les premières sonorités de la chanson Stay. Je les reconnus immédiatement et je compris. Je compris que c'était le signal. Lorsque je sortis enfin de la salle de bain, je le vis, posté en bas des marches, tel Damon Salvatore attendant Elena. Un long frisson courut le long de mes bras (et pourtant, j'étais team Stelena).

Tous les yeux étaient rivés vers moi, et vers lui. L'espace du salon semblait nous avoir été réservé, car tout le monde s'était écarté en cercle. Les jeux de lumière m'aveuglèrent quelque peu, mais à mesure que je descendais les escaliers, mes yeux s'acclimataient au spectacle qui se déroulait à mes pieds. Grayson, qui n'avait cessé de me dévisager, une étincelle facétieuse enflammant ses pupilles charbonneuses, et ses lèvres s'étirant en un rictus enjôleur, me tendit son bras lorsque j'atteignis le rez-de-chaussée.

— M'accorderais-tu cette danse ?

Vêtue d'une chemise noire cintrée, boutonnée jusqu'au cou, les manches retroussées, et d'un Chino noir retenu par une ceinture de la même couleur, Grayson avait tout du prince venant au secours de sa belle. Mais un prince ténébreux, à l'image du Darkling. Sur son étalon de jais, allant de pair avec ses pupilles. Je me sentais comme la fille effarouchée des films pour adolescents, intimidée par le bad boy du lycée. Bad boy qui, en fait, s'avérait avoir un cœur. Un courant électrique sembla chatouiller la moindre parcelle de mon corps lorsque je pris sa main. D'un regard timide, je distinguai Tammy dans les bras de Sean, souriant de toutes ses dents. Elle serra ses poings au niveau de son visage pour traduire son excitation. En observant un peu plus la salle, je tombai sur Jake, qui me parut plus triste qu'en colère. Grayson chassa le souvenir de cette horrible conversation surprise un peu plus tôt dans la salle de bain en me faisant virevolter sur ma chanson préférée, au milieu de tout le monde. À la seconde où sa main s'était posée sur le creux de mon dos, je n'avais pu me concentrer sur autre chose que lui. Sa mâchoire carrée... ses lèvres charnues... son piercing... ses fossettes.

Before we collideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant