Chapitre 12

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Ness


- Qu'est-ce que Yalone provoque chez toi ?

Je joue avec mes doigts manucurés en réfléchissant à sa question. Nous sommes jeudi, je n'ai pas vu Yalone depuis quelques jours mais je ne fais que rêver de lui. C'est toujours pareil ; il me crie en me serrant fort qu'il veut mourir. Ça me perturbe énormément, je ne sais pas quoi penser. Je suis tellement sensible quand il est question de lui. Une chose est sûre c'est qu'il me manque énormément. Je rêverai de dormir avec lui tous les jours, sa peau chaude contre la mienne, voir son visage détendu. Il est magnifique ce mec bordel de merde.

- Il me provoque du bienêtre.

- Pourtant, tu fais des cauchemars qui le mettent en scène.

J'hausse les épaules, j'ai l'impression d'être complètement vide d'esprit quand on essaie de me faire comprendre qu'il n'est pas une bonne personne, du moins, qu'il n'est pas une bonne fréquentation pour moi.

- Ce sont des rêves, on a pas besoin de s'attarder dessus.

Je viens me mordre la lèvre inférieure pour me contrôler.

- Ils ont une importance, ça prouve bien que ta rencontre avec Yalone te travaille.

Je lâche un rire nerveux en mordant mon pouce, ma jambe commence à sautiller d'agacement. Bien sûr qu'elle me travaille mais ça ne va pas dire qu'il est mauvais pour moi !

- Avant lui, je rêvais de Sacha. Il me suppliait de le laisser s'en aller, que je me sentirai mieux. Je déteste l'abandon, je déteste ça et pourtant vous ne m'avez pas fait un speech sur mes rêves.

Elle écrit quelque chose sur sa feuille, ses yeux me regardent en posant son stylo une fois fini.

- Ness, ne prends pas Yalone comme un pansement... Tu dois faire un travail sur toi-même. Vu comment tu me décris cet homme, il a l'air au bord du gouffre, je ne pense pas qu'il apprécierait ça...

- J'aime bien Yalone ! J'aime beaucoup cet homme que je connais que depuis deux semaines ! C'est pas un pansement. Les autres garçons que je voyais, eux, étaient des pansements. Je voulais me persuader que je pourrais trouver un autre garçon attirant, dis-je en haussant le ton.

Ses mains se tendent vers moi en souriant. Je comprends enfin le sens de mes paroles, elle est contente que je le dise à haute voix. Oui, j'ai parlé à des mecs uniquement pour essayer d'oublier Sacha. Mes joues chauffent soudainement de honte, je me sens ridicule.

- Tu l'as oublié ? Demande-t-elle doucement.

Je détourne le regard.

- Non, c'est impossible d'oublier une personne qu'on aime. Il est tellement en moi que je... Commencé-je en essuyant mes larmes rebelles. Je m'en veux de passer du temps avec Yalone et de vraiment apprécier sa compagnie.

- Si tu es heureuse avec sa présence, tu ne dois pas t'en vouloir.

- Il est parti d'un coup, dis-je en sanglot. On a pas pu faire le point de ce qu'on voulait l'un pour l'autre.

Ma psychologue se lève émue de me voir encore en larmes à propos du même sujet. Elle vient s'asseoir à côté de moi pour caresser mes mains. Je les serre très fort. Généralement, personne ne prend au sérieux les amours de jeunesses parce qu'ils représentent la découverte, la magie, les premiers papillons dans le ventre.
Cette foutue magie qui te prend aux trippes quand tu es avec la personne que tu aimes le plus au monde, c'est tellement puissant que tu pourrais lâcher un rugissement avec des papillons qui en sortent d'entre tes lèvres.

- Alors fais-le pour vous deux.

Elle ouvre les bras, je m'empresse de me réfugier à l'intérieur.

***

J'arrive dans la cuisine un peu avant l'heure du diner. Ma mère coupe des légumes sur le plan de travail. Je soupire doucement en me sentant mal de ne lui avoir rien dit à propos de Yalone. J'ai toujours été proche de ma mère, mais Yalone, c'est mon monde à moi. Je ne veux pas lui en parler maintenant, j'ai peur qu'elle réagisse mal et qu'elle finisse par être comme la psychologue : réticente envers lui.

- Tu vas mieux ma chérie ? Dit-elle en m'offrant un sourire réconfortant.

Quand je suis rentrée de ma séance, j'étais triste à cause du fait qu'on ait parlé de Sacha. Autant j'ai aimé et j'aime ce garçon comme jamais mais évoquer son sujet me dévaste au plus profond de mon être. Je ne supporte pas.

- Oui, je me sens mieux. Désolée pour cette ambiance pourrie que j'apporte à chaque fois que je rentre de ces séances mais...

- Ness, je t'interdis de t'excuser. Tu as toutes les raisons de ne pas te sentir bien et d'être un peu bouleversée à la fin d'une séance. Ton frère le sait, personne ne t'en veut, d'accord ? C'est normal d'être triste, c'est normal de pleurer. Alors, ne t'excuse pas.

Je lui offre un sourire pour répondre. J'aime tellement ma maman, elle me rassure tout le temps. Tout le temps. Nous papotons un peu de tout et de rien, je lui fais part de mes dernières notes plutôt meilleures grâce à Yalone, mais ça elle l'ignore. Je finis par monter mes manches avant de mettre laver les mains pour l'aider.

Le repas s'est bien passé, les plats de ma mère sont toujours délicieux, réellement. Je débarrasse avec elle.
J'ai vraiment envie de passer au bar, pour voir Yalone. Mais hors de question que je sorte seule, ça me terrifie et je ne peux pas sortir d'ici comme ça. Je dois au moins avoir une permission. Je regarde plusieurs fois ma mère en pensant me lancer, mais je n'y arrive pas.

- Que veux-tu me dire ?

- Ne t'énerve pas...

Elle s'arrête en me regardant inquiète, je savais qu'il ne fallait pas que je dise ça comme ça !

- J'aimerais que tu m'emmènes au bar.

Son rire raisonne dans la pièce puis elle range l'assiette.

- Nous sommes jeudi soir, tu ne vas pas sortir. En plus, le soir. Il n'y a que des alcooliques. Je ne veux pas que tu y ailles.

J'entremêle mes doigts devant moi en la suppliant.

- Oh je t'en supplie maman ! Juste une heure, trente minutes ! Je te promets que je rentrerai, tu auras pas besoin de me ramener !

- Tu rigoles ? Je ne vais pas te laisser rentrer toute seule Ness.

Je me passe une main sur le visage.

- Je me ferai raccompagner... Dis-je doucement.

Ma mère me lance un regard.

- Je te demande pardon de te dire non, mais je te promets que je fais ça pour ta sécurité.

La déception me monte soudainement. Je soupire tristement, déçue mais je ne veux pas m'embrouiller avec ma maman, non, c'est non. Elle me câline tendrement en embrassant ma joue.

- Samedi, ça te va ? Je t'emmène en début de soirée. Et j'espère que tu me parleras de ce garçon quand tu te sentiras prête.

Je rougis quand elle dévoile mon secret. Je suis à la fois soulagée, qu'elle le sache. Je pense que je ne peux rien lui cacher, elle connait tout de moi. Après un bisou sur mon front, je monte dans ma chambre. Yalone me manque, et c'est terriblement chiant.
J'ai l'impression que j'ai laissé mon cœur sur le sol de son appartement quand il pleurait les mains ensanglantées. Il était tellement magnifique. Ce qui est drôle, c'est que je sais où habite Yalone et je meurs envie d'aller là-bas. Je crève d'envie d'aller le voir, je veux voir s'il va bien. J'ai besoin de savoir qu'il est heureux ou qu'il ne fait pas d'autres sortes de crises. J'ai vraiment envie de me réveiller comme dimanche dernier, dans ses bras au chaud.

𝐒𝐖𝐄𝐄𝐓 𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant