8.2. Savannah

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J'espère que Noah ne reviendra pas trop tard. Je n'arrive jamais à connaître ses horaires. La plupart du temps, il y est déjà lorsque je me lève, mais il bosse depuis l'appart de temps à autre. Je sais cependant qu'il ne télétravaille pas aujourd'hui, enfin ce matin du moins. Je prie au moins pour qu'il rentre déjeuner, je manque d'appétit mais la présence de Noah me réconforterait.

Alors que je l'appelle en passant le seuil, je constate son absence. Je m'affale sur le canapé, replie mes jambes contre ma poitrine et laisse mon esprit divaguer.

Je tente de comprendre comment le comportement de mon mari a changé par rapport au début de notre relation. À notre rencontre, il était bienveillant et prévenant. Louis s'est montré sous son meilleur jour pour me séduire. Plus de 10 ans nous séparent, je pensais que sa maturité m'aiderait à mieux affronter les épreuves de la vie. J'imaginais qu'il serait un soutien sans failles dans chacun de mes projets. Peu à peu, la bonté qu'il témoignait s'est transformée en malveillance qui n'a cessé de croître. C'est forcément moi qui ai dû influer sur ce changement. Alors, je tentais tout pour retrouver l'homme qui m'avait séduite et dont j'étais tombée amoureuse.

De grands coups retentissent sur la porte d'entrée et me sortent de mes pensées. Je reste tétanisée sur le sofa, craignant que Louis se trouve une nouvelle fois derrière celle-ci. Si je produis aucun son, il imaginera que personne se situe dans l'appartement et tournera les talons. Comme les coups ne se stoppent pas, j'avance prudemment sans émettre de bruit jusqu'à observer à travers le judas. Carter se tient là, frappant contre le bois.

- Ava, je sais que tu es à l'intérieur ! Je suis passé à ton boulot et ta collègue m'a prévenue que tu n'irais pas travailler cet après-midi.

Je vais la tuer !

Demain, je l'empoisonnerai, ou je la pousserai sous les roues des taxis. C'est une bonne idée ça. Quoiqu'elle me manquerait beaucoup trop.

- Allez, ouvre-moi, Ava, clame-t-il, plus doucement en arrêtant de cogner.

Je tergiverse quelques secondes avant de me décider à lui ouvrir. Il se tient droit, une main dans la poche de son pantalon et l'autre dans sa tignasse décoiffée.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- J'ai entendu ton ex te parler dans les toilettes.

Les paroles de Louis se sont envolées de mon esprit, bien trop accaparé par la vue de l'homme placé devant moi. Carter émane une telle assurance que beaucoup tueraient pour l'égaler. Ses iris azur se rivent aux miennes, bien qu'ils doivent se courber pour que son visage se tienne à hauteur du mien.

- C'était déjà arrivé, n'est-ce pas ?

Le ton employé par Carter transforme en affirmation cette question.

- C'est depuis votre séparation ? Ou c'était ainsi avant que tu partes ?

Le silence s'installe entre nous. J'ignore ce qu'il se passe dans la tête de l'apollon, mais il ne m'oblige pas à me confier.

- Utilise ça pour ton divorce, comme un moyen de pression.

Sa réponse me désarçonne. Je ne m'y attendais pas le moins du monde. Il fait en quelque sorte partie de la défense de Louis, ce n'est pas un énorme conflit d'intérêts qu'il me conseille ?

À moins que ce soit un stratagème de sa part pour me rouler.

- Ce n'est pas un client de ton cabinet ? Pourquoi me dire ça ?

- C'est celui de Richard, Ava, pas le mien. Et je ne supporte pas les hommes qui s'en prennent aux femmes de cette manière.

Il semble si sincère que je ne peux que le croire.

- Il se considère intouchable à cause de son influence, ce n'est pas le cas, Ava, conclut-il.

De toute façon je ne dispose d'aucune preuve, ça sera ma parole contre la sienne. Il s'arrange toujours pour que je sois seule dans ces moments-là.

Carter m'attire contre lui, de façon à ce que nos torses se collent l'un à l'autre. Sa chaleur corporelle me réchauffe instantanément et j'expire d'apaisement l'air contenu dans mes poumons.

- S'il le faut, je serais un témoin, Ava.

Bien que je reste silencieuse, sa dernière phrase me touche beaucoup. Carter murmure qu'il attendra que Noah rentre pour partir et ainsi ne pas me laisser seule.

- Et tes rendez-vous ?

- Je les ai décalés, j'arriverai au bureau plus tôt cette semaine. Ne t'inquiète pas, Ava.

- C'est inutile, Carter. Je ne peux pas te demander ça.

- C'est décidé, Ava. Je ne changerais pas d'avis, d'autant que l'on a déjà tout reporté.

Comprenant que Carter n'a pas l'intention de partir avant le retour de mon ami, je lui propose de boire un café mais il refuse. Il se contente de se tenir contre moi et m'observer sans retenue. Même quand je me dirige vers la cuisine afin de me servir un chocolat chaud, je sens son regard sur moi.

- Viens là, déclare-t-il en saisissant mon poignet une fois ma tasse posée sur la table basse.

Il m'attire de nouveau contre son torse musclé et m'encercle de ses bras cette fois-ci. Il me câline tendrement le dos dans un mouvement réconfortant. Après une minute stoïque, j'appuie ma joue sur sa poitrine et écoute nos cœurs battre. Étrangement, notre rythme cardiaque se synchronise vite tandis que je hume la fragrance présente sur ses vêtements.

- Qu'est-ce que tu portes ? l'interrogé-je.

- Pardon ?

- Ton parfum, précisé-je.

- Sauvage, tu aimes ?

J'opine contre son corps sans m'écarter, je suis beaucoup trop bien pour ça. J'ignore à quel moment exact nous avons changé de position et le temps que nous passons ainsi, mais j'ai maintenant le visage niché dans son cou.

- Évite de recommencer, Ava, susurre-t-il.

Ne sachant pas précisément à quoi il fait allusion, je n'ose plus bouger d'un millimètre, pourtant plusieurs frissons le parcourent de nouveau.

- Le cou est une zone très sensible chez moi, ma jolie, et ton souffle n'arrange rien, admet-il en m'écartant.

En baissant les yeux, j'aperçois nettement le renflement de son érection dissimulé dans son pantalon. S'il doit y avoir une prochaine fois, j'y penserai.

Noah entre dans l'appartement pile au moment où Carter réajuste son vêtement pour, j'imagine, plus de confort.

- Je vais vous laisser, déclare-t-il.

- C'est inutile. Je vais partir, vous devez discuter. À bientôt, Ava.

Carter récupère sa veste, retirée plus tôt, sur le canapé et se dirige vers la sortie après avoir échangé une poignée de main avec mon ami.

- Merci d'être passé, Carter.

- Avecplaisir, ma jolie, réplique-t-il en m'adressant un clin d'œil justeavant de refermer la porte.

Souls - Tome 1 - Two Broken SoulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant