17.1. Savannah

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En sortant du travail ce lundi, je découvre, surprise, une Audi noire garée à quelques mètres devant le bâtiment. Ce n'est pas la voiture qui m'interpelle le plus. Des centaines passent dans la rue tous les jours. Carter est adossé contre celle-ci, des lunettes de soleil posées sur le nez et les mains dans les poches de son costume. Il pourrait rivaliser avec les plus grands mannequins du monde en ce moment. Je prends soin de vérifier qu'aucun collègue ne me suit pour m'avancer vers mon amant. Lorsque j'arrive à sa hauteur, il m'attrape par la taille et pose affectueusement ses lèvres sur les miennes.

Nous avons passé la nuit ensemble mais pas convenu de nous retrouver ce soir.

- Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogé-je.

- J'avais envie de te voir avant de partir.

Cette nouvelle facette de Carter me plaît encore plus que la précédente. Depuis notre sortie à Boston et notre « mise au point » chez Gustavo, notre relation a changé. Imaginer un avenir sérieux avec lui ou prétendre pouvoir remplacer sa femme dans son cœur serait une idée absurde de ma part.. Mais je tâche d'apprécier et de profiter de chaque instant en sa compagnie.

- Tu as prévu quelque chose de particulier ?

- Simplement une petite ballade et un dîner, si tu es d'accord évidemment.

- Absolument.

¨

Toujours à moitié endormi, j'entends la voix de Carter murmurer à mon oreille. Je sens également ses lèvres embrasser mon front puis ma bouche avant qu'il se lève de mon lit.

- Reste un peu, marmonné-je.

- J'adorerais passer la nuit dans tes bras, Ava, mais je dois partir maintenant. Il faut que je récupère mes affaires chez moi avant de me rendre à l'aéroport.

Après une ballade au McCarren Park, nous avons dîné des sushis puis nous sommes venus chez moi. Carter a décliné mon invitation à dormir ici dans un premier temps avant de se laisser convaincre. Je n'ai pas usé de beaucoup de charme pour y parvenir.

- Je t'appellerai quand j'atterris. Recouche-toi, il est encore tôt.

Il n'est même pas sorti de la pièce que je l'interpelle.

- Tu vas me manquer, Carter.

Pour toute réponse, il se contente d'un sourire et d'un clin d'œil puis s'éclipse. J'attends d'entendre la porte d'entrée se refermer pour replonger dans les bras de Morphée.

Au réveil, je découvre un mail de mon entreprise m'indiquant un rendez-vous avec les ressources humaines. Son envoi date d'hier soir, après la fin de ma journée. Je déteste ce type de rencontre, elles me stressent à chaque fois. Mes mains deviennent moites et j'en perds mon latin. Je me demande bien ce qui a pu pousser Ashley, la directrice du département, à me recevoir si brusquement. Je n'ai jamais eu aucun reproche sur mon travail. Je n'arrive jamais en retard et ne m'absente que pour des rendez-vous. Je traite chaque client avec la même politesse, même quand ils se montrent grossiers et irrespectueux. De toute façon, inutile de m'épancher plus sur le sujet, je serais fixée dans peu de temps.

Je viens au boulot avec quelques minutes d'avance et me rends immédiatement aux ressources humaines. Mon cœur bat anormalement vite et mes jambes flageolent quand je me présente à la secrétaire. J'ai bien essayé les exercices de respirations trouvés sur internet, mais rien n'y fait. La jeune femme m'adresse un sourire d'encouragement et m'indique le bureau d'un signe de la main.

Ashley ne prend même pas la peine de me regarder lorsque j'y entre et m'invite à m'asseoir immédiatement. Sympa ! Elle ouvre une pochette rouge et parcourt un papier des yeux avant d'enfin m'accorder son attention.

- Bonjour Mlle Walker. C'est Mme Lang qui a exigé cette entrevue, précise-t-elle.

- D'accord. Pour quel motif ? Votre mail ne spécifiait rien.

- Un licenciement.

Pardon ? Ça doit forcément être une blague. Oui c'est ça, des caméras doivent se cacher un peu partout et d'ici quelques jours, je passerai à la télévision dans une émission grotesque.

Des tremblements involontaires secouent mon corps tandis qu'un rire saccadé m'échappe malgré moi.

- C'est très sérieux, Mlle Walker.

Je ne peux pas perdre mon travail. Pas sans motif, j'ai signé un contrat, on ne peut pas me mettre à la porte du jour au lendemain, si ?

- Je ne comprends pas. Pour quelles raisons me virez-vous ?

- Votre contrat stipule que les relations amoureuses entre les employés et clients sont strictement interdites.

Je ne saisis plus rien. Ils doivent se tromper de personne. Je sais de source sûre que l'assistante de communication a couché avec son responsable. Un homme du développement est resté en couple une année avec une de ses prestataires. Tout le monde en avait connaissance et ils ont conservé leurs postes respectifs tous les deux.

- Étant donné que nous employons Maître Smith comme avocat, votre relation constitue une violation de celui-ci, poursuit-elle.

- C'est ridicule ! Ma vie privée n'affecte pas la qualité de mon travail. D'autant qu'il ne se passe rien entre Maître Smith et moi.

Je dois garder ce travail. Mon loyer ne se paiera pas tout seul. Je sais que Noah pourra s'en charger et subvenir à nos besoins, mais pas indéfiniment. Je ne peux pas lui demander ça. Et il y a aussi les honoraires de mon avocate.

- Des témoins vous ont vu sortir déjeuner en sa compagnie ainsi qu'échanger des baisers autour du bâtiment, Mlle. De toute façon, Mme Lang a pris sa décision.

- Il me faut ce travail. Je suis en plein divorce, ma grand-mère est malade, supplié-je.

- J'en suis navrée. Je ne peux rien faire de plus. Vous percevrez votre indemnité de licenciement dans quelques jours ainsi que votre salaire du mois.

Peu importe les arguments que j'avancerai pour me défendre, ils ne changeront pas d'avis. Je ne tiens pas à me ridiculiser plus que ça et implorer davantage. Je commencerai les recherches dès ce soir.

- Vous pouvez récupérer vos affaires dès à présent.

Je ne la remercie pas et quitte la pièce dépitée et en colère. Je ne cesse de m'interroger sur l'identité de ces témoins. Mis à part Leslie et Noah, personne ne sait pour Carter et moi. Je n'imagine pas mes amis me dénoncer.

Dans le hall, je range mes effets personnels dans un carton tel un robot lorsque Leslie arrive pleine d'entrain.

- Oula, tu en fais une tête. C'est le départ de ton Jules qui te met dans cet état.

- Je me suis fait virer, annoncé-je, dépitée.

Le sourire présent sur le visage de Leslie se fane immédiatement pour laisser place à de l'incompréhension.

- Mais pourquoi ?

- On a balancé pour Carter et moi. C'est une violation de mon contrat de travail.

- C'est ridicule, je vais aller leur parler, affirme-t-elle.

- Ça ne changera rien.

J'ai déjà tenté et ils ont pris leur décision. Envoyer ma collègue plaider ma cause ne les influencera pas.

- Je me demande bien qui a pu vous dénoncer.

- Moi aussi. J'ai beau réfléchir, il n'y a que Noah, Gustavo et toi qui savez.

- Tu ne penses pas que c'est moi, quand même ? s'inquiète Leslie.

Je mentirai en disant que l'idée ne m'avait pas effleuré, mais je suis persuadée de son innocence. Je lui fais confiance.

- Bien sûr que non !

Je termine d'empaqueter mes affaires sous le regard triste de mon amie puis la serre dans mes bras avant de quitter l'immeuble. Ce n'est qu'une fois arrivée chez moi, que je laisse couler mes larmes. Certes, ce n'était pas le travail de mes rêves, mais il me permettait de subvenir à mes besoins et d'aider un peu ma grand-mère.

Souls - Tome 1 - Two Broken SoulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant