24.1. Carter

15.3K 943 39
                                    

Après le départ d'Ava de ma voiture, je tape le nom de son film sur internet. Je tombe directement sur un long-métrage datant des années soixante et produit par Walt Disney. C'est certainement ça donc je l'achète sur ma plateforme de VOD favorite.

Bordel ! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour la voir sourire ?

Avec elle, je redeviens le Carter romantique d'autrefois. Et ça me plait autant que ça m'effraie.

Je referme la page brusquement après avoir effectué le paiement et lance un chronomètre. Peu importe ce qu'elle en pense, si je ne l'aperçois pas dans trente minutes, je monte la chercher moi-même. J'ai insisté ce matin pour qu'on y aille aujourd'hui mais maintenant qu'elle est en haut, je regrette. J'ai la nausée et mes entrailles se tordent dans mon ventre. J'ai un mauvais pressentiment.

Alors je scrute l'entrée en priant intérieurement pour que Louis ne soit pas là ou ne revienne pas avant que Ava quitte son appartement. Des hommes en costume y pénètrent et des femmes accompagnées de leurs animaux en sortent. Je leur jette à peine un coup d'œil.

Quand la sonnerie retentit, je n'aperçois toujours pas la silhouette d'Ava franchir la porte. Louis ne s'est pas montré non plus donc ça me rassure un peu. Elle a dû perdre la notion du temps à ranger ses affaires et ne va pas tarder.

Seulement mes nausées ne se calment pas. Et ça, ça ne m'apaise pas le moins du monde.

Tant pis, j'y vais.

Je sors de l'habitacle et entre d'un pas décidé dans le bâtiment. Le gardien ne me demande pas qui je suis ni ce que je fais là. Je pourrais venir tuer quelqu'un ou cambrioler un appartement, ça ne l'inquiète pas. J'emprunte l'un des ascenseurs pour monter, je suis en bonne forme physique mais pas au point de grimper neuf étages sans finir essoufflé comme un bœuf.

Sur le palier, j'étudie chaque porte pour trouver son numéro. Plus j'avance vers la fin du couloir, plus des gémissements de douleur étouffés s'entendent. La rage s'insinue en moi par tous les pores de ma peau quand je reconnais Ava. Je ne marche plus, je cours en direction de ces cris. La voix grave de Louis l'insulte de tous les noms. Par chance, la porte de l'appartement 9479 n'est pas verrouillée et je peux y entrer sans forcer. La vision qui apparaît devant moi me glace le sang. Ava est étendue sur le sol, la tête reposant dans une marre de liquide rouge. Louis continue de lui asséner coup sur coup alors qu'elle n'essaie même pas de l'arrêter.

Faites qu'elle respire toujours.

- Ava !

Son petit corps bouge légèrement, signe qu'elle m'a entendu et j'expire l'air que je retenais dans ma poitrine. Lorsque Louis perçoit ma voix et se tourne vers moi, je distingue que la colère a déformé ses traits. Je ne l'appréciais déjà pas avant aujourd'hui, mais maintenant je le hais de tout mon cœur. J'avale les quelques mètres qui nous séparent en moins d'une seconde et lui assène un premier coup dans le visage. Il vacille mais reste debout. La fureur qui m'habite m'empêche de me retenir.

Je déteste les hommes qui lèvent la main sur leur compagne mais quand ça me touche personnellement, le sentiment se décuple. Du verre se brise autour de nous, une douleur me saisit la pommette mais ça ne me stoppe pas. Je crois voir Louis me supplier de m'arrêter mais je l'ignore et l'achève d'un ultime coup.

Sa poitrine se soulève toujours. Il n'est pas mort. Seulement évanouis sur le côté. Parfait ! Je ne dois pas le mettre en PLS pour éviter qu'il s'étouffe avec sa langue.

Quoique ça me plairait bien.

Je laisse cette ordure gésir au sol et me concentre sur ma belle.

- Tiens bon, Ava. Il faut que tu gardes les yeux ouverts.

Ava respire difficilement et souffre mais lutte pour rester consciente.

C'est bien ma puce.

Je m'approche doucement, ne souhaitant pas l'effrayer. Sa tête repose dans une marre de sang qui ne semble pas s'être agrandie depuis mon arrivée. Je glisse tout de même une main à l'arrière de son crâne pour constater les dégâts. Une entaille s'étend sur quelques centimètres.

- Ça ne saigne plus, annoncé-je.

Je le fais plus pour moi-même que pour Ava qui clôt les paupières par intermittence plus ou moins longtemps.

- Non, non, non ! N'abandonne pas, Ava.

Elle les rouvre d'un coup et fixe ses pupilles aux miennes. Je doute qu'elle me voie vraiment tant son regard est vitreux. On doit se rendre aux urgences rapidement. Mon cœur s'excite dans ma poitrine et frappe contre ma cage thoracique. J'ignore le tremblement de mes bras et la porte contre mon torse.

- Carter, m'appelle-t-elle difficilement.

Je penche la tête pour lui montrer mon attention. Elle baragouine quelque chose d'autre mais sa voix est si déformée et elle somnole tellement que je n'en comprends pas un traître mot.

Ses paupières se ferment. J'ai beau la secouer et l'interpeller à plusieurs reprises, rien ne fonctionne. Elle a perdu connaissance.

- Je t'en prie, Ava. Ne me laisse pas.

Putain !

Je dévale les escaliers à toute vitesse pour rejoindre le hall. Les yeux du portier s'arrondissent en me voyant débouler comme un fou.

- Appelez une ambulance pour le 9479 et faites en sorte que les valises dans le salon soient livrées au cabinet Smith&Coe pour Carter Smith.

Alors qu'il s'apprête à répliquer, je le devance avec un argument implacable pour la plupart des personnes.

- Vous serez grandement payé si vous le faites.

Le gardien hoche la tête de manière solennelle et me donne sa parole. Je n'ai pas le temps de m'assurer qu'il la tiendra. Je préfère de loin m'occuper d'Ava. Je sens toujours son souffle contre moi.

C'est bon signe, non ?

Je place Ava sur la banquette arrière en PLS et l'attache avec les trois ceintures pour ne pas qu'elle puisse bouger pendant le trajet. Seulement 2 miles nous séparent des urgences, nous y serons en une dizaine de minutes. On me klaxonne à de nombreuses reprises car je ne respecte pas le Code de la route.

Je me gare de travers face à l'entrée à moitié sur le trottoir et sur la chaussée. La sécurité de l'hôpital s'apprête à me faire déguerpir mais se ravise quand je sors Ava de l'habitacle. J'aboie sur la première personne en blouse blanche que j'aperçois.

Pour la politesse, on reviendra.

Il alerte ses confrères qui amènent un brancard où je dépose Ava.

- Que s'est-il passé ? me questionne-t-on.

J'explique le déroulement des faits en détail depuis mon arrivée dans l'appartement. Le médecin face à moi acquiesce à chacune de mes phrases puis se tourne vers ses collègues et leur indique toute une série d'examens à effectuer. On me demande si elle a des problèmes de santé particuliers mais je n'en ai aucune idée. Elle ne m'en a jamais fait part.

Ils s'apprêtent à s'éloigner mais ma main jointe à celle de ma belle les en empêche.

- Ils vont bien s'occuper de toi, ma puce. Tiens bon, lui soufflé-je avant de lui embrasser le front.

Je lâche progressivement son bras qui s'écrase mollement sur le matelas à mesure que le brancard avance. Il disparaît derrière une double porte avec les docteurs qui l'ont prise en charge.

Maintenant que Ava n'est plus dans mon champ de vision, les souvenirs associés au lieu où je me trouve me percutent de plein fouet.

Holly est morte ici.

Souls - Tome 1 - Two Broken SoulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant