11.2. Savannah

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Je me fige totalement en arrivant aux abords du restaurant choisi par Carter. Je reconnais la devanture noire, le mobilier à l'extérieur de celui-ci et son pare-soleil blanc. Nous sommes chez Al Ristorante Tarlazzi, un lieu où je me suis rendu de nombreuses fois avec Louis qui connaît le propriétaire. Si j'entre au bras de Carter et que Gustavo en parle à Louis, je suis fichue.

- On ne peut pas manger ici, clamé-je alors que Carter s'apprête à ouvrir.

- Bien sûr que si. Ses lasagnes sont démentes, tu verras !

- Carter.

Il relâche la poignée pour se planter devant moi alors que j'évite de croiser son regard. Il ne l'entend pas de cette manière et saisit délicatement mon menton pour verrouiller ses iris aux miens.

- Que se passe-t-il, Ava ?

- Louis et moi venions dîner ici. Il connaît le patron. S'il lui répète qu'il nous a vus ensemble...

- Calme-toi, me coupe-t-il. Je connais Gustavo depuis des années, si on lui demande, il tiendra sa langue. Fais-moi confiance.

Il dépose tendrement ses lèvres sur mon front. Je suis si étonnée de cette marque d'affection que je le laisse me prendre la main et entrer dans le restaurant. Gustavo arrive en ouvrant les bras vers Carter.

- Buongiorno, come va ?

Mon amant enlace son ami sans me lâcher pour autant, ce que repère Gustavo.

- Tu n'es pas venu seul on dirait, qui est-ce ?

Après avoir inspiré profondément, je fais un pas pour me placer aux côtés de Carter derrière qui je me cachais. Je ne suis pas revenue ici depuis ma séparation avec Louis et j'ai un peu changé de style, donc le propriétaire ne me reconnaît pas immédiatement.

- Savannah ?

- Si, sono io.

- Te voir me fait plaisir. Je peux t'embrasser où ton mari risque de me sauter dessus ? tente-t-il de plaisanter.

J'opine brièvement et il m'ouvre ses bras pour me serrer dedans. Il nous installe ensuite à une table libre au fond de la salle où la lumière est plus tamisée et l'ambiance intimiste.

- Louis est venu, il y a quelques semaines. Je suis désolé, mais il devient plus con de jour en jour.

Le regard d'incitation que m'adresse Carter me donne le courage de mettre les choses au clair.

- J'ai rompu il y a deux ans. Nous sommes en plein divorce.

Gustavo fait la navette entre l'Apollon et moi une seconde avant qu'un large sourire étire ses lèvres.

- Enfin, j'en suis ravi, Savannah ! Tu mérites beaucoup mieux que lui, crois-moi.

- Ana, rectifié-je. Je préfère qu'on m'appelle Ana.

- Très bien, alors Ana. Je vous laisse regarder et je reviens prendre votre commande personnellement.

Gustavo s'éloigne tandis que nous examinons la carte avec soin. Je sais déjà pour quel mets je vais opter, les lasagnes. Je n'ai jamais eu l'occasion de les goûter, Louis choisissait mon menu à ma place.

Au départ j'ai comparé ça à de la galanterie, il s'assurait que j'aimais avant. Puis, peu à peu, il ne demandait plus mon avis et sélectionnait des salades et autres recettes les moins caloriques proposées.

Comme promis, Gustavo revient. Carter et moi nous décidons tous les deux pour les lasagnes ainsi qu'une bouteille de vin rouge. Nous mangeons relativement calmement, aucun de nous ne souhaitant prendre la parole en premier. Jusqu'à ce que je brise le silence :

- Comment as-tu connu Gustavo ?

- C'était un ami d'Holly quand nous étions au lycée, rétorque-t-il aisément avec un éclat nostalgique dans le regard.

Alors que je pense avoir plombé l'ambiance, Carter me surprend en développant ses explications.

- Ils étaient toujours fourrés à deux et ça me rendait dingue, tu n'imagines même pas. J'étais sûr qu'il était amoureux d'elle et Holly semblait sous son charme. En réalité, ils le faisaient exprès pour m'énerver et que je sois jaloux.

J'écoute attentivement ses confidences. J'adore sa manière de discuter librement de sa relation sans crainte. La sincérité de son amour saute aux yeux et je comprends pourquoi il ne parviendra plus à tomber amoureux. L'entièreté de son cœur appartient à sa défunte femme.

- Mais assez parlé de moi. Gustavo a eu du mal à te reconnaître, tu as beaucoup changé ?

- Surtout mes cheveux. J'étais très blonde naturellement, alors forcément. J'ai repris quelques kilos depuis ma rupture, mais pas assez à mon goût.

- Son style vestimentaire aussi, intervient Gustavo.

Le patron s'excuse de nous interrompre, mais Carter lui fait signe de se joindre à nous.

-Avant, elle devait toujours avoir une apparence soignée jusqu'au moindre détail. Ses robes ne devaient pas remonter trop haut sur ses cuisses ou trop décolletées, sinon Louis clamait qu'elle le faisait exprès pour aguicher tous les hommes.

J'ignorais qu'il connaissait autant de détails. Est-ce Louis qui lui en a parlé ? Où a-t-il simplement observé ?

- Louis n'a jamais été très discret lorsqu'il effectuait des remarques, Ana, explique-t-il.

Il se tourne à présent vers Carter et poursuit :

- Je ne l'ai jamais entendu lui adresser un mot tendre, seulement des reproches.

Mon amant me sonde afin de savoir si Gustavo est honnête tandis que l'embarras peint mon visage. J'ignorais que ma relation avec mon mari était aussi transparente. Le patron s'excuse avant de se diriger vers une table non loin qui l'appelle.

- Explique-moi ce qui a bien pu te plaire chez Louis. Parce qu'au plus j'en apprends, moins je comprends.

J'ai perdu l'appétit depuis un moment, malgré le délicieux plat que je dégustais. J'évite le regard de Carter que je sens me brûler le front.

- Sérieusement, Ava. On ne se connait pas depuis longtemps, mais je sais que tu n'es pas méchante, tu es intelligente et ton corps est magnifique. Tu pourrais avoir tous les hommes à tes pieds en un claquement de doigts. Alors pourquoi avoir choisi un abruti pareil ?

Fort heureusement, l'alarme de mon téléphone m'indiquant que je reprends le travail dans une quinzaine de minutes retentit.

- Je dois retourner bosser, déclaré-je.

Carter tique mais consent à laisser tomber son interrogatoire pour régler nos repas auprès d'un employé. Gustavo nous salue d'une accolade chacun notre tour. Je le supplie à voix basse de ne pas rapporter à Louis notre déjeuner lors de sa prochaine visite.

- Bien entendu, Ana. Carter est un avocat redoutable, il t'aidera à écraser Louis pour votre divorce, murmure-t-il à son tour.

Évidemment, je ne le contredis pas et me contente de lui sourire. Le fait qu'il pense que c'était un simple repas professionnel me convient très bien. J'apprécie beaucoup Gustavo, mais il n'a pas besoin de savoir quel type de relation j'entretiens avec son ami.

- On en rediscutera, Ava, déclare Carter en faisant référence à notre précédente conversation.

Il m'enlace brièvement et dépose ses lèvres sur ma tempe à quelques rues de mon lieu de travail puis me quitte.

Souls - Tome 1 - Two Broken SoulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant