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Non, non arrête !

Est ce que tu sens ça Adil ? Tu sens cette douleur ? C'est celle que je ressens chaque jour à cause d'elle ! Arrête de pleurer comme un gosse...!

'T'en supplie !

La ceinture claque encore une fois. Mon corps se cambre et je hurle. Mes yeux brûlent mais ce n'est même pas comparable à mon dos. Je n'arrive plus à compter combien de fois je sens ce fouet s'abattre sur moi. Soudain, ma mère arrive et s'élance vers moi. Je hurle encore plus fort. Elle se fait fouettée elle aussi, mais seulement deux fois ; je ne hurle plus. Mon corps n'est plus que douleur et sang...

Je me réveille en sursaut, le cœur ballant. Des larmes coulent sur mes joues mais je n'ai pas la force de les essuyer. Je prends ma tête dans mes mains, essoufflé. Je jette un coup d'oeil rougi sur mon réveil. 6h12. Je me rallonge sur le dos et pose mon bras sur mes yeux. Mon dimanche ne semble pas commencer de la meilleure façon. Je me retourne sur le ventre et pousse un petit cri dans mon oreiller. Lorsque je me lève, j'ai encore le goût du sang dans la bouche. Je ne prends plus la peine de regarder ma figure dans le miroir, je me débarbouille le visage et me rince la bouche. Je cherche ma boîte de médicaments mais abandonne au bout d'une minute, le moral au plus bas. Lorsque j'arrive dans le salon, je ne suis même pas surpris de voir mon oncle affalé sur le canapé. Il me le rappelle parfois ; c'est peut être une des raison pour laquelle je ne lui fais pas confiance. Il ronfle et je grimace. J'allume la lumière et esquisse un sourire sadique en le voyant sursauter au point de se cogner le pied sur la table basse. Il se tourne vers moi, le regard menaçant, les joues en feu.

- Qu'est ce que je t'ai fait pour recevoir autant de haine hein ?! Bougonne-t-il encore endormi.

Je hausse les épaules d'un geste nonchalant et sors une brique de jus de raisin. Je ne prends même pas la peine de me servir un verre et bois à même la brique. Il se lève en ronchonnant. Je le suis des yeux lentement. Je me surprends à avoir des idées farfelues pour le faire tomber. Malo arrive en sautillant partout et manque de le faire trébucher. Je prends mon chien dans mes bras et l'emmène avec moi dans ma chambre. Je me prends une douche rapide à l'eau froide. Je le laisse jouer avec une vieille balle de tennis pendant que je m'habille rapidement. Puis j'attrape mon imperméable et enfonce mon bonnet noir sur mes cheveux encore mouillés. Je sors de ma chambre sur la pointe des pieds, mon skate coincé sous mon bras et Malo sur mes talons. Je pose un doigt sur ma bouche en le fixant droit dans les yeux. Arrivé devant la porte d'entrée et la main sur la poignée, je me fige. Est ce vraiment une bonne idée de sortir si tôt ? Je respire un bon coup et ouvre la porte en essayant de faire le moins de bruit possible.

Une fois dehors, une légère brise glacée me caresse le visage. Je sens déjà quelques rougeurs se former sur mon nez et sur mes joues. Je referme bien mon imperméable et me tourne vers Malo. Il sautille, tout excité.

- On y va mon pote ? Je lui demande en posant un pied sur ma planche.

Pour toute réponse, il s'élance sur le trottoir et se met à courir. Je pousse sur mon pied droit et le suis en zigzagant sur le trottoir encore vide de gens. Le vent me souffle sur le visage. Une agréable morsure me fait trembler entièrement. Je suis Malo ; je sais qu'il va toujours au même endroit mais prend généralement un autre chemin. Je souris en voyant ses oreilles flotter derrière lui comme deux chaussettes. Il m'attend devant un passage piéton, comme un enfant qui attend sa mère pour traverser. Je lui caresse entre les deux oreilles et il grogne de satisfaction. Je m'avance sur le passage piéton et dès que nous sommes sur le trottoir d'en face, il se remet à galoper. Une fois arrivés devant une grande étendue verte où se dressent de grand chênes, je m'assois sur l'herbe fraiche encore un peu humide, mon imperméable en dessous de moi.

- Tu comptes rester là jusqu'à quelle heure ? Lâche tout à coup une voix grave.

Une odeur de cigarette me transperce le nez. Je me retourne et vois l'homme que je hais, celui qui a pourri mon enfance jusqu'à me détruire. Cela suffit pour que mon corps tremble d'une rage profonde. Je m'élance sur lui et tente de l'étrangler. Il lâche sa cigarette et bafouille quelque chose. Je le plaque sur un arbre d'un geste brusque, la vue brouillée de larmes. Va y, mon vieux, fais-le souffrir. Il lâche un juron et me repousse d'un geste lent et mou. Essoufflé et les oreilles qui sifflent, je prends appui sur un arbre.

- Qu'est ce qui te prends Adil ?! S'écrie-t-il d'une voix cassée.

Il s'approche de moi et je ne prends pas la peine de l'écouter ; je lui transperce l'abdomen d'un coup de poing rapide et fort. Il se plie en deux mais reste debout. Mes oreilles sifflent encore plus et je n'entends plus que ma respiration haletante. Je me laisse aller par terre, la tête en arrière et les yeux fermés.

- Adil...

Je serre les poings. Lorsque j'ouvre les yeux, mon oncle me regarde avec des yeux rougis et fatigués. Il est essoufflé. Qu'est ce que j'ai encore fait ?! Il pose sa main sur ma joue et je détourne ma tête. Mais il prend mon menton et m'oblige à le regarder. Je retiens ma respiration.

- C'est moi, dit-il simplement.

Mon pouls s'accélère. Je regarde mes mains tremblante puis son ventre. Je secoue la tête, confus. Qu'est ce que j'ai fait ?!

- Je t'ai...je t'ai frappé ? Je murmure d'une voix tremblante. Je t'ai pris pour lui ?

Il esquisse un petit sourire. Puis il me prend la tête entre ses mains.

- Ce n'est pas ta faute, okay ? Je n'aurais pas du...je n'aurais pas du fumer devant toi. Je m'excuse sincèrement, ajoute-t-il doucement en balançant sa cigarette.

Je retire ses mains de mon visage et caresse les poils roux de Malo d'un air absent. Il pose sa tête sur mes cuisses et de la bave coule le long de ma jambe. J'observe ses yeux ronds.

- Ne fume plus jamais devant moi, je tranche sans le regarder.

Il hoche la tête doucement. Je me lève et lui touche l'épaule avec un demi sourire. Quand nous nous avançons sur le chemin du retour, mon cœur tambourine encore et mes oreilles ne s'arrêtent plus de siffler.

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-Bipolaire Insensible-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant