Chapitre 5

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Je regarde les feuilles du si bel arbre qui me surplombe et je me laisse envoûter par la brise légère qui les fait onduler gracieusement dans l'air. Un peu de douceur, qui me berce lentement. Sûrement. Je baisse les yeux en direction de Caem que je vois déballer quelques affaires.

— Mangeons un peu, d'accord ?

Il s'approche de moi et me tend ce qu'il reste de la miche de pain que nous avions entamée au petit déjeuner. Nous avalons quelques tranches de viande séchée, en silence. Mon esprit part à la dérive. Je crois que j'en oublie même de mastiquer. Je me rends compte que la nuit est sur le point de tomber quand Caem me sort de mes pensées.

— Viens.

Il me tend une main et je le suis à quelques mètres, au centre de la clairière, là où plus aucun arbre ne nous frôle.

— Je dois te montrer quelque chose, me dit-il presque timidement.

Ce ton n'est pas dans ses habitudes. Il me trouble et m'interroge. Je l'observe et me rend compte que je suis en train de froncer les sourcils. Mon visage doit être ridicule, car malgré sa concentration et son air figé, je devine un rictus léger au coin des lèvres de mon ami.

— Tu en fais une tête ! s'empresse-t-il de me faire remarquer.

— Tu es une énigme vivante, commenté-je simplement.

— Tu es bien placée pour en parler, pouffe-t-il.

— Touché...

Il n'insiste pas : il est fin stratège. Il ne veut sans doute pas me mette mal à l'aise. En tout cas, j'apprécie vraiment qu'il n'en rajoute pas. C'est une qualité que je ne lui enlèverais pas. Il me fait un clin d'œil malicieux en détachant le bracelet d'argent surmonté d'une pierre rouge qu'il porte à son poignet, se tourne vers moi. Il s'éloigne un tout petit peu et m'indique :

— Prends ton anneau et tends ton bras bien devant toi.

Je m'exécute et attends la suite de ses instructions.

— Tu vois les pierres sur nos bijoux ?

Je hoche la tête, concentrée sur la fameuse pierre qui ressemble à mes yeux, paraît-il.

— Il s'agit du même mécanisme que celui de la boîte dans laquelle était ton anneau. Essaie.

Avec prudence, j'enfonce l'ambre qui orne ma bague. Caem s'écarte un peu plus encore et me regarde plein d'espoir lorsque je l'interroge du regard. Je sursaute. Dans ma paume se déploie un manche en acier d'une trentaine de centimètres. A ses extrémités, deux lames au tranchant parfait prennent leur garde. Elles sont incurvées, dotées de plusieurs pointes acérées. Elles m'évoquent le mouvement de quelques vagues déchaînées qui s'enroulent pour mieux frapper. Impressionnée, je sous-pèse l'arme et note son équilibre parfait, la beauté de ses formes, la facilité avec laquelle je parviens à la manier tandis que je m'amuse déjà à lui faire fendre l'air pour la tester. Je ne saurais dire pourquoi, mais quelque chose en elle me donne l'impression d'être née pour elle. Que l'ensemble de ma vie, aussi lointaine et inconnue soit-elle, n'a eu pour intérêt que de me rapprocher d'elle. Elle. Cette arme me semble soudain vivante. Une guerrière à elle seule. Mais une guerrière qui suit le mouvement de mes bras avec une précision presque malsaine.

Le travail de forge est incroyable. Sidérant. Je suis persuadée d'avoir déjà vu des lames, mais jamais d'aussi belles que celle qui se présente à moi. Des arabesques océanes sont sculptées sur la garde et brillent fièrement à la lueur des flammes de notre feu de camp. Une énergie agréable déferle dans ma main, dans mon bras, dans mon corps à son contact. Sa beauté me submerge lorsque j'entends soudain une petite voix souffler :

Inconnue 57Où les histoires vivent. Découvrez maintenant