Chapitre 8

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Maintenant, je peux l'affirmer. Je n'ai jamais rien vu d'aussi impressionnant et beau que Regmor. Sur le coup, je n'ai aucun mot pour décrire ce que je ressens. A la sortie même des bois, nous débouchons sur des falaises immenses, auxquelles sont accrochées de nombreux bâtiments et tout autant de passerelles qui les relient entre eux. Dans la roche, des marches ont été taillées, étroites et escarpées, et permettent de rejoindre les différents plateaux. Un escalier sinueux descend jusqu'au fond de ce petit vallon dans lequel se niche le lit d'une rivière majestueuse. Les couleurs me sautent aux yeux, me transpercent l'âme. Le contraste entre la roche, l'eau, le soleil dans les feuilles d'arbre, me saisit d'admiration. Tout ici est splendide.

Un parfum de liberté, de nature impérieuse, s'engouffre dans mes poumons. Caem se tourne vers moi. Son visage s'éclaircit quand il prend toute la mesure de mon émerveillement. Je suppose que l'expression sur mon visage doit prêter à sourire. J'ai la bouche ouverte, les yeux écarquillés, mais je ne me lasse pas de les remplir d'images aussi somptueuses que celles-là. De la plus haute falaise, une cascade fantastique abat sa houle sur le monde. Les rayons du soleil viennent ponctuer la roche de jeux de lumière fabuleux qui offrent à ce village pittoresque un souffle de magie. C'est cela, de la magie. L'idée que je m'en fais, en tout cas.

Le brouhaha de l'eau s'impose à nos oreilles, me gonfle d'excitation. Je me demande comment je n'ai pas pu l'entendre plus tôt, et repense à la densité impressionnante de cette forêt.

— C'est comme si l'on avait voulu cacher délibérément ce lieu... commenté-je.

— Il faut connaître ce village pour savoir comment le trouver, acquiesça Caem. Le Roi d'Argadeld lui-même ne sait pas qu'il existe...

Je me régale de ce paysage divin un long moment, avant de suivre Caem sur les premières marches qui s'éloignent sur notre droite.

— Ici, les soldats ne viendront pas, ajoute-t-il. Nous pouvons nous déplacer sans crainte, librement.

Je hoche la tête, pensive. Je me demande comment un gouvernement entier, milices y compris, pourraient ignorer l'existence d'un endroit comme celui-ci. Certes, Regmor est perdu entre les arbres, mais ne voyagent-ils jamais ? N'ont-ils jamais vraiment voulu découvrir leur propre monde, pour louper une chose aussi incroyable ?

De ce que j'en sais, Argadeld a du mépris pour tout ce qui est beauté et espoir, me répond Asuia.

Cette idée m'enserre le cœur. Je tourne nerveusement mon anneau autour de mon index.

— Fais-lui confiance, 57. Caem ne prendrait jamais le risque de vous faire évoluer à découvert s'il pouvait y avoir un quelconque danger.

Je hausse les épaules. Je suis d'accord avec ce qu'Asuia me souffle, mais je ne peux m'empêcher de ne pas être sereine. Un petit vent de panique me caresse la peau, me fait frissonner. J'inspire, j'expire, je tâche de reprendre de l'assurance et je serre un peu plus la main de Caem que je n'ai pas lâchée.

— La guérisseuse qui nous a vendu ton sirop, Marsalie, nous offrira le couvert, dit-il.

— Tu la connais si bien ?

— Elle me connait bien mieux que je ne la connais moi-même. Mais ne t'inquiète pas, elle est quelqu'un en qui j'ai pleinement confiance.

Cette dernière phrase me rassure. De ce que je sais de Caem, de ce que j'ai entendu de ses amis, il n'est pas du genre à prendre des décisions à la légère et il ne laisse pas sa confiance à n'importe qui. Du moins, à n'importe qui d'autre qu'à moi. Il ne me connaît pas, et pourtant, il n'a pas eu l'air de se poser la question une seule fois. Je ne comprends pas bien comment il peut être sûr que je ne suis pas une menace... Mais je ne m'en plaindrai pas. Je suis bien heureuse de l'avoir à mes côtés. S'il n'avait pas eu la bonté de me venir en aide sans me poser plus de questions que cela, je serais sans doute morte à l'heure qu'il est. Je lui dois la vie, et je ne l'oublierai pas.

Inconnue 57Où les histoires vivent. Découvrez maintenant