Chapitre 2

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J'adresse un regard circonspect à l'objet qu'il me montre. Je ne suis pas sûre de vouloir découvrir de quoi il s'agit.

En repensant au sacrifice de Theel et Lys, je me dis alors que jusqu'ici, je ne me rendais pas compte à quel point ils me protègent. Tout aussi étrange que cela puisse être. A leur place, j'aurai peut-être également protégé une inconnue sans défense, dans ce qui paraît être le contexte social de la population. Je ne sais pas vraiment. En tout cas, passer une nuit dehors juste pour permettre de soigner une personne dont ils ignorent tout me paraît particulièrement généreux. J'ai parfois l'impression qu'ils se raccrochent à moi comme à une bouée. Comme s'ils avaient eu quelque chose à se reprocher, et qu'ils n'agissent désormais plus que pour se faire pardonner leur passé.

— Attends voir, réalisé-je en feignant la grimace. Ça veut dire que, toi et moi, on est seuls ici jusqu'à demain matin ?

En vérité, j'ai comme l'impression qu'il n'est pas strictement le même homme lorsque ses deux amis ne sont pas à ses côtés.

— Cache ta joie, mamzelle, répond-t-il avec un gloussement.

Il m'aide à marcher jusqu'à la table et m'assoit contre lui. Même si cette proximité me gêne un petit peu, je ne sais que trop bien qu'il m'est impossible de tenir assise longtemps sans qu'on ne me soutienne. Caem attrape le paquet emballé de papier journal d'une main et l'outre de la seconde. Il me glisse d'abord le présent dans une main et demande :

— Tu as soif ?

J'échange avec lui le paquet — qui ne m'intéresse pas — contre la gourde, et avale de l'eau à grandes gorgées. Enfin un moyen de ne plus sentir cette horrible langue pâteuse, si désagréable ! Quand je repose le contenant sur la table, Caem s'obstine à me tendre son objet.

— Qu'est-ce que c'est censé être ? finis-je par m'intéresser.

— Ton cadeau de bienvenue, de notre part à tous les trois.

— Vous m'avez fait bien assez de cadeaux, lâché-je sèchement en repoussant sa main.

— Ne dis pas de bêtise et ouvre !

J'étudie longuement l'emballage. J'essaye de déchiffrer ce qu'il est marqué sur les lignes de la gazette, mais n'y parviens pas. Bien, je sais au moins maintenant que je ne sais pas lire. Ceci dit, je reconnais le nombre cinquante-sept, écrit au feutre noir sur ce qui semble être le sommet du pliage. Les chiffres de mon tatouage. Mon prénom.

— 57, lis-je.

— 57, répète Caem, presque solennel.

Soigneusement, je défais les couches de papier, unes à unes. Ils en ont mis la dose. Franchement, si je n'étais pas aussi peu prête à découvrir ce qu'il cache en dessous, je déchirerais tout ce journal et le balancerais bien loin. Mais par respect pour Caem et pour les autres, je fais attention. Je ne voudrais pas froisser le jeune homme qui m'accueille chez lui sans rien me demander en retour. Et qui plus est, qui me force à accepter un cadeau que je ne mérite pas... Je reconnais dans les pliages le style inimitable de Lys, que j'ai déjà vu modeler des figurines d'animaux avec le papier qu'elle trouvait. C'est l'artiste du groupe, à n'en pas douter. Après cinq couches serrées, j'atteins mon but.

— Une boîte ? je demande en arquant un sourcil.

— Ouvre-la donc !

Cependant, j'ai beau tourner le cube sous tous les angles, je n'aperçois pas la moindre ouverture. Je tourne la tête vers mon farceur et plisse les yeux, définitivement impatientée. Je n'avais pourtant aucune envie d'ouvrir ce fichu paquet... à l'origine. Le rictus qu'affiche Caem me rend folle. Il m'exaspère.

Inconnue 57Où les histoires vivent. Découvrez maintenant