Chapitre 7

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Perdue dans le regard de Caem, j'ai l'impression que les secondes s'étirent pour devenir des heures. Non, c'est l'éternité qui brille dans ses yeux nuageux. Une éternité de douceur. Je cligne les yeux pour me détourner, troublée. Je m'empresse d'aller ajouter une nouvelle bûche au foyer et dépose deux œufs contre les pierres chaudes pour les faire cuire. Caem me regarde, encore brumeux.

— Tu ne m'as pas réveillée, je lance en arquant un sourcil.

— Je... tu...

— Oui, je sais.

Je le coupe, ne lui laisse pas le temps de me servir des excuses fumeuses. J'anticipe et reprends :

— Je dormais tellement bien que tu n'as pas voulu m'empêcher de dormir... Mais tu étais épuisé, toi aussi ! Heureusement qu'Asuia était là pour me prévenir...

— Tu as raison, se contente-t-il de dire en haussant les épaules.

C'est étonnant, je ne m'attendais pas à ce genre de réponse. D'habitude, il a bien plus de répartie. Là, il a l'air d'avoir perdu un peu de sa superbe. Cela m'inquiète légèrement. Ostensiblement, en fait.

— Tu devrais prendre un peu soin de toi, aussi, ajouté-je en soupirant.

Caem reste muet. Pantois. Il n'a pas l'air d'apprécier que je lui démontre qu'il se néglige autant. Il ne pense toujours qu'aux autres, et même si ce trait de caractère m'évoque un altruisme profond, je ne peux m'empêcher de penser qu'il se dévalorise. Je ne veux pas que cela arrive. Même si, au fond, je sais qu'il est déjà trop tard. Alors, je ferai tout pour que cette image qu'il a de lui-même évolue. Je lui montrerai à quel point, moi, je veux prendre soin de lui.

— Tu tiens beaucoup à lui, toi aussi, hein, souffle Asuia dans ma tête.

Il semblerait...

Je ne sais pas pourquoi. Je ne comprends pas pour quelle raison ce parfait inconnu me porte autant d'attention. Je ne comprends pas non-plus comment mon cœur peut fondre aussi vite en sa présence. Comment toutes mes convictions — ou plutôt toutes celles qui naissent en moi depuis mon éveil — prennent racine à ses côtés. J'ai l'impression de m'éloigner de moi-même, et pourtant, quelque chose me dit que je me trouve. Auprès de lui. Mes pensées m'appellent et je me perds à leur contact.

C'est le craquellement de la coquille d'un premier œuf qui me ramène à l'instant présent. Je tends la main pour l'attraper mais Caem me devance, silencieusement. Il l'épluche tout en jonglant. Il doit être brûlant, parce qu'il souffle rapidement dessus et sur ses doigts pour y arriver sans encombre. Ses gestes me font sourire. Il le remarque.

— Quoi ? me provoque-t-il. Moi qui voulais être sympa en t'évitant de te brûler les doigts, je ne récolte qu'une moquerie cachée derrière ce sourire ?

Un gloussement s'échappe de mes lèvres tandis que je lui arrache l'œuf des mains.

— Merci !

Il fronce les sourcils et s'approche de moi. Comme à son habitude, il pose son front contre le mien.

— Plus de fièvre, constate-t-il.

— Tu es presque chaud...

— Tu as repris du sirop ?

Je fais non de la tête.

— Fais-le, tu seras tranquille pour la journée ! Avec un peu de chance, ton infection ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

— Si tu le dis, je soupire. J'aimerais bien t'y voir ! Avec le goût atroce qu'il a...

— Si tu avales cette cuillère, dit-il avec son sourire malicieux, j'en prends une aussi !

Inconnue 57Où les histoires vivent. Découvrez maintenant