SAMEDI 24 / 22 HEURES 30

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Ninon était sous la douche pendant que Louis agençait le salon pour y faire dormir deux personnes. Normalement, il dépliait son canapé et profitait du confort de deux places pour lui tout seul, mais il aurait été déplacé de proposer à Ninon de partager un lit. Même colocataires, ils ne l'avaient jamais fait. Il improvisa une paillasse sur son tapis, avec des coussins en guise de matelas. Il se réveillerait demain avec la nuque en compote, mais tant pis.

Pendant que Ninon mangeait, ils avaient discuté et rattrapé les mois perdus. Louis avait découvert un talent caché : faire semblant que rien n'était arrivé. Mis à part les deux mètres de distance qu'ils s'obstinaient à garder entre eux – geste barrière ou malaise tabou, personne ne le savait – on aurait presque dit qu'ils n'étaient que de vieux amis.

Ninon avait terminé ses études haut-la-main et travaillait en stage au service patrimoine de la ville. Sa mère vivait toujours dans un autre monde. Elle avait passé l'été confinée, malgré la levée des restrictions. Louis n'osait pas lui demandait si sa santé mentale, et les TOCs dont elle souffrait s'étaient améliorés. Il en doutait, à première vue. Louis entamait sa dernière année de licence de psychologie, n'avait pas vu ses parents depuis des mois, surmenés à l'hôpital, et était tombé amoureux d'une fille rencontrée dans la file d'attente pour se faire dépister. Ça avait fait énormément rire Ninon, c'était pourtant la vérité.

D'ailleurs, le téléphone de Louis sonna. Il s'était allongé sur son lit de fortune pour en tester le confort. C'était Zia.

― Allô ? décrocha Louis.

― Oui, bonjour Monsieur Novak ? Service des personnes déclarées disparues à l'appareil. Je vous appelle car il semblerait que vous n'avez pas indiqué être bien rentré à votre entourage. Nous tenions juste à nous assurer que tout allait bien pour vous.

Il sourit à son plafond.

― Ouais, désolé, j'ai été distrait. Je suis bien rentré.

Il pouvait entendre son visage s'illuminer à l'autre bout du fil.

― C'est bon, je plaisantais, lui assura Zia. Je voulais juste une excuse pour t'appeler. Ça va ?

Son premier réflexe fut de répondre :

― Oui.

Mais il se souvint que Zia appréciait l'honnêteté, et qu'elle ne se fâchait jamais. Il revint sur ses mots.

― Enfin, bof.

― Quoi ? demanda-t-elle inquiète.

― Tu te souviens de Ninon ?

Bien sûr, il lui en avait parlé. Dès leurs premiers rencarts. « Au fait, faut que je te dise. Pendant le confinement, j'ai plus ou moins craqué pour ma coloc, et notre relation s'est arrêté brutalement, et j'ai encore plein de regrets à ce sujet. » Texto. Beaucoup d'autres y aurait vu un mauvais signe et ne lui aurait pas laissé de chance, pas Zia. Elle avait été compréhensive, elle avait prononcé de belles phrases comme : « On a tous un passé émotionnel. » ou « Je suis prête à t'accepter même avec les blessures de ton âme. » Sans jalousie aucune, elle l'avait fait parler et l'avait aimé malgré l'impression qu'il n'était jamais à cent pour cents avec elle. Peu à peu, Louis avait oublié Ninon, jusqu'à aujourd'hui.

― Oui, bien sûr, confirma Zia. Pourquoi ?

― Bah... Elle est là. Je l'ai revue ce soir, et il se trouve qu'elle a une merde avec son appart, alors elle m'a demandé de lui dépanner un lit pour la nuit. Mais il n'y a rien, hein ! Je te promets, on ne s'est même pas touché. Distanciation, tout ça. Elle fait hyper gaffe. Puis, je vais dormir par terre.

La vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant