SAMEDI 7 / 18 HEURES 10

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L'instant était magique, mais il l'aurait été encore plus si Louis n'avait pas eu de paille dans son pantalon. Il ignora que ça le grattait à cet endroit-là et profita du baiser tant qu'il le put. Il gardait en tête le souvenir traumatisant de leur premier – et dernier – baiser, où Ninon était partie dans la hâte et n'était jamais revenue. Il comptait la garder, cette fois-ci. C'était une bonne chose qu'ils soient coincés tout en haut d'une botte de foin.

Quand ils rompirent leur second baiser de la journée – quel record ! – les deux se fixèrent. Louis était heureux. Il n'y avait pas de mot plus simple pour décrire son état intérieur. L'explosion de bonheur qui le traversait aurait pu raser une ville entière. Enfin, pensait-il. Enfin, Ninon baissait sa garde. Enfin, elle acceptait de voir leur relation pour ce qu'elle était. Enfin, ils cessaient d'être des enfants et de fuir dès que la situation devenait inconfortable.

Ils ne parlaient pas. Il en fallait, à Ninon et Louis, pour avoir le bec cloué.

Plutôt, ils s'embrassèrent à nouveau. Comme s'ils rattrapaient les fois où ils n'avaient pas osé, les occasions où ils s'étaient à peine effleurés et les tentatives avortées au dernier moment. Leurs mains cherchaient des endroits inexplorés, la taille de Louis, le dos de Ninon. Louis n'aurait pas rechigné à s'aventurer plus bas, mais il garda ses doigts aux endroits appropriés. Il ne voulait rien gâcher.

Ninon embrassait bien, remarqua-t-il. Ou peut-être trouvait-il leurs baisers géniaux car il les avait tant attendus. Louis en voulait d'autres, maintenant et plus tard, dans la paille ou autre part.

Soudain, une mélodie dansante retentit dans la grange, Louis et Ninon sursautèrent, et le jeune homme décrocha à l'appel, tâtant le foin de longues secondes avant de mettre la main sur son téléphone. Il se racla la gorge pour recouvrer son sérieux, les oreilles encore échauffées.

─ Allô ?

─ Oui, c'est la dépanneuse, j'suis juste devant la voiture, là.

L'homme avait un accent chantant et mâchait la moitié de ses mots. Louis voulut se relever à la hâte, mais son front cogna le plafond de bois au-dessus de lui. Il se recoucha aussitôt, sonné par le coup, pendant que Ninon se bidonnait à côté de lui. Il se massa le front et parvint à articuler :

─ Oui, oui ! Euh... j'arrive. Je suis là dans... dans moins de cinq minutes. À tout de suite, monsieur.

En raccrochant, son regard croisa celui pétillant de Ninon. Elle ne s'alarmait pas, allongée, un grand sourire aux lèvres. Louis se sentit rougir, il lui cacha les yeux pour éviter le trouble qu'elle semait en lui.

─ Ça va ? demanda-t-elle. Tu t'es pas fait mal ?

─ Si. Mais on s'en fiche, il faut qu'on bouge. Ninon, comment on descend de là ?

C'était bien beau de monter comme dans un jeu d'Assassin's Creed. Désormais, il fallait retrouver la terre ferme. La mission s'avérait plus compliquée.

─ Tu sautes, dit simplement Ninon.

─ Je saute ? On est à quatre mètres du sol.

Ninon l'ignora, et se faufila jusqu'au bord de la botte de foin. Une seconde, elle était encore en haut, celle d'après, elle glissait dans le vide et disparaissait dans les abysses de la grange. Décidément, Ninon lui réservait encore bien des surprises.


Ils arrivèrent en un seul morceau à la voiture, où le dépanneur les attendait, feux de détresse, masque sous le menton et clope au bec. Quand Louis expliqua la situation, il vit que l'homme se retenait de ne pas rire. Il remit quelques litres d'essence dans le réservoir, factura le bidon et le déplacement. Il n'eut même pas besoin de faire de reproches, Louis – et surtout son porte-monnaie – avait retenu la leçon. Quand Ninon et lui reprirent leurs places à l'intérieur du véhicule, il soupira :

La vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant