DIMANCHE 25 / 8 HEURES 30

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La lumière réveillait Ninon. Il suffisait d'un rai de soleil entre deux rideaux opaques et c'en était fini de sa nuit paisible. Quand elle émergea, Louis dormait profondément, roulé en boule, le visage enfoui dans ses bras. Le premier réflexe de Ninon – et elle s'en lamentait – fut d'attraper son téléphone. Elle vérifiait que son monde ne s'était pas effondré pendant la nuit, et après, elle se réveillait en bonne et due forme. Ce matin-là, un message l'attendait.

« À l'attention de tous les locataires, hier soir une odeur de gaz nous a été notifiée, après évacuation, les pompiers sont arrivés sur place pour trouver en trouver l'origine. Un léger incendie s'est déclaré vers 23 heures dans les parties communes, aucun appartement n'a été touché. La fuite a été identifiée et réparée. En revanche, le feu a mis à jour des défauts dans la structure de l'immeuble et un risque d'effondrement. Une procédure d'expertise a été engagée auprès des services publics compétents. En attendant le diagnostic, nous vous recommandons d'évacuer les lieux si vous en avez la possibilité. Si ce n'est pas le cas, votre logement ne vous est pas interdit d'accès. Nous vous prions de renseigner la moindre anomalie recensée ces derniers mois à ce numéro. Bonne journée. Sté Hernat »

Ninon relut le message trois fois pour être sûre d'avoir tout compris. Elle croyait halluciner, à une blague ou un canular. Pourtant, elle ne voyait pas d'indices qui aurait trahi la plaisanterie. Elle n'avait plus d'appartement. Il était hors de question qu'elle vive dans une bâtisse qui menaçait de s'effondrer. Elle habitait au rez-de-chaussée ! La simple idée qu'elle ait dormi sous un toit qui aurait pu la tuer lui filait la nausée.

Un vent de panique s'empara de Ninon. Qu'allait-elle faire ? Où allait-elle aller ? Est-ce qu'ils comptaient la reloger ? Et s'ils la plaçaient dans un de ces hôtels miteux, avec des taches de moisissures sur les murs et des araignées au plafond ? Ses poumons s'obstruaient à cette seule pensée. Et si pire, ils ne comptaient rien faire et lui annonçaient : débrouille-toi. Elle avait zéro – zéro ! – endroit où se réfugier, et encore moins l'argent pour louer un Airbnb. On était dimanche matin, il n'était pas 9 heures et elle avait déjà envie de pleurer. Louis dormait paisiblement. Ninon attrapa son sac derrière le canapé, se mit un peu de gel et désinfecta son téléphone. Le rituel du matin l'apaisa un peu.

En le reposant sur les couvertures, une angoisse nouvelle la prit. Lorsqu'elle était chez elle, elle savait que les draps étaient propres, la pièce aérée, les surfaces nettoyées. Mais ici, elle n'avait plus le contrôle. Peut-être y avait-il un peu de virus dans ces mêmes draps. Alors, la désinfection de son téléphone n'aura servi à rien, il fallait recommencer. Non, se raisonna-t-elle aussitôt. Elle reconnaissait les pensées intrusives, elle ne devait pas leur accorder crédit. Même si, tout de suite, elle avait très envie de désinfecter son téléphone. Un poids faisait pression sur sa poitrine, alors qu'elle croyait sentir le virus grouiller sur sa peau. Les couvertures contaminaient ses vêtements, et sa peau. C'était vicieux, ces petits trucs, ça rentrait par n'importe quel pore.

Elle désinfecta son téléphone, et ses mains.

Comme si c'était suffisant... Il était là, partout. Ninon toussa, la panique grimpa. Ses jambes la grattaient. Soudain, comme étouffée par l'anxiété, elle fit voler les couvertures pour s'en débarrasser, et l'impulsion des draps éjecta son téléphone. L'appareil rencontra le front de Louis. Il cria, grogna, se massa le crâne.

― Oh merde ! s'exclama Ninon. Désolée, désolée ! Ça va ?

Sa question resta sans réponse. Encore endormi, Louis leva le nez avec confusion, n'ayant probablement aucune idée de ce qui venait de lui arriver. Les doigts sur son front, où une marque rouge apparaissait déjà, il se redressa, tel un zombie sortant de son tombeau.

La vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant