JEUDI 5 / 18 HEURES 30

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 Les filles dans les films n'exagéraient pas : Louis se serait bien enfilé un pot de glace entier pour noyer son chagrin. Bon, peut-être pas, mais depuis dimanche, il ne s'en remettait pas. Il aurait pensé être passé à autre chose. Après tout, il avait largué Zia, et parce qu'il avait craqué pour une autre, en plus de ça. Pourtant, le sentiment d'avoir fait une erreur ne le quittait pas. Pire que le manque, c'était les doutes qui le taraudaient. Et s'il venait de passer à côté de la femme de sa vie ? De la mère de ses enfants ? Et s'il venait de gâcher son futur ?

Le fait que Ninon reste enfermée dans sa chambre pour travailler n'aidait pas. Louis n'osait pas la déranger, même s'il en mourrait d'envie. Ninon avait besoin d'espace, se disait-il, après une semaine collée à ses basques. Il n'avait pas non plus compris ses horaires, et comme elle ne sortait pas de sa chambre avant 21 heures, heure à laquelle il était mort de faim depuis longtemps et avait ravagé les placards, Louis faisait sa vie tout seul. Chacun savait à quoi ressemblait un Louis livré à lui-même.

Ce soir-là, après deux jours à se croiser à six heures du matin, quand Ninon se réveillait et que Louis se couchait, et à se parler par post-it interposés, Louis frappa à la chambre de sa colocataire.

─ Entre.

Ce qu'il fit. Il trouva Ninon dans son habitat naturel : dans son lit, l'ordinateur sur les genoux, une capuche sur la tête. Louis fut accueilli avec chaleur – non.

─ Tiens ! Il est pas mort !

─ Tu te fous de ma gueule ? répliqua-t-il. Tu hibernes depuis quatre jours.

─ C'est à cause du changement d'heure. Puis, c'est toi qui voit pas la lumière du jour, pas moi.

─ C'est le changement d'heure, lui renvoya Louis à la figure.

Ninon leva les yeux par-dessus l'écran de son ordinateur. La lumière bleue faisait ressortir les cernes violets sous son regard. Elle n'en était pas moins jolie. Louis s'assit au bout de son lit dans un soupir, sa colocataire posa son ordinateur sur le côté. C'était un geste significatif. Ça voulait dire : « Je me consacre à toi ». D'un ton inquiet, elle s'enquit :

─ Louis, t'es sûr que ça va ?

─ Bah non, ça va pas.

Malgré lui, il avait pris la voix d'un gamin de cinq ans. Le visage de Ninon s'attendrit, elle laissa même échapper un gémissement de compassion.

─ J'ai le cœur brisé et j'ai faim.

─ Est-ce qu'il y a un ordre d'intensité ou... ?

─ Pareil.

Ninon rit, et se cacha le visage, penaude, avant de s'excuser.

─ Pardon. C'est... Je suis désolée pour toi.

─ Pourtant, c'est moi qui l'ait quittée ! Pourquoi je suis triste alors que c'est moi qui ait mis un terme à la relation ?

Ninon haussa les épaules. Elle n'avait jamais de réponse quand ils parlaient d'émotions et de ce genre de chose. Ou bien elle ne comprenait pas, ou bien elle ne ressentait rien. Louis ne savait pas ce qui était le pire. Puis, elle souleva un point intéressant :

─ Est-ce que tu es triste ou est-ce que tu te sens coupable ?

Louis réfléchit, et la réalité le frappa.

─ Bah, ouais, c'est ça ! Je me sens surtout super coupable !

─ C'est une bonne chose, non ? Ça veut dire que tu n'es pas un narcissique.

La vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant