JEUDI 29 / 11 HEURES 45

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Ninon avait dormi une bonne partie de la matinée. Quand Louis en avait eu marre des L5, il avait mis la radio. Radio Classique, pour être précis. Au début, elle avait cru à une plaisanterie, mais les kilomètres défilaient et Louis ne changeait pas de station, tapotant même le volant du bout des doigts au rythme des envolées du violoncelle. Ninon avait capitulé. Son colocataire se dévoilait chaque jour plus surprenant. Lorsqu'ils étaient entrés sur l'autoroute, sa nuit blanche avait eu raison d'elle.

Elle s'était tournée et retournée dans son lit, à tenter de trouver un sommeil taquin refusant de se montrer. Trop stressée, elle avait planifiée dans son esprit les prochaines semaines à la minute près, en sachant bien que rien ne se passerait comme prévu. Néanmoins, l'idée d'avoir un peu de contrôle sur sa vie l'apaisait, mais ne l'aidait pas à dormir pour autant.

Ninon émergea quand la voiture ralentit, et que le bercement de la route s'interrompit. Elle avait mal à la nuque d'être repliée sur elle-même et mal à la tête à cause de la déshydratation. La musique classique résonnait encore en toile de fond, Louis n'avait pas bougé d'un millimètre, lunettes de soleil sur le nez et mains à 10 heures 10. Transie de sommeil, Ninon marmonna :

─ On est où ?

─ On va passer Clermont. Je pensais m'arrêter, j'ai la dalle, t'en dis quoi ?

Il parlait trop vite et trop fort. Ninon était dans les vapes à cause de sa sieste impromptue – voilà pourquoi elle ne dormait jamais en journée, après, elle se réveillait sans aucune idée d'où elle était, ou de comment elle s'appelait. Ninon acquiesça pour seule réponse, elle avait super envie d'aller aux toilettes. Un panneau apparut au loin, leur indiquant une aire d'autoroute à trois cents mètres.

Jusqu'à ce qu'ils soient garés et à l'arrêt, Ninon était dans un autre monde, encore coincée dans son rêve. Quand elle ouvrit la portière et respira l'air frais, elle se réveilla pour de bon. Louis sortit, s'étira les bras, toucha ses orteils et fit quelques flexions, histoire de se dégourdir les jambes. Ninon, quant à elle, parvint à se lever mais s'appuya vite contre le capot, des fourmis dans les pieds.

─ Bon, je vais m'acheter un sandwich, tu veux un truc, une salade, une bouteille d'eau ?

Ninon geint. Louis venait de conduire pendant quatre heures, évidemment qu'il avait la bougeotte, mais elle... Il était trop dynamique pour elle. Affalée sur le toit de la voiture, elle répliqua :

─ Ah ouais, je savais que t'étais un gosse de riche, mais pas à ce point...

─ Pourquoi ?

On devinait dans son ton qu'il se vexait de la remarque.

─ Bah... Acheter des trucs sur les aires d'autoroute, c'est que les riches qui font ça. Les gens normaux prévoient leur pique-nique la veille avec des baguettes et du jambon de supermarché et le stockent dans des glacières.

─ Pas étonnant que tu sois traumatisée par ton enfance, tu n'as jamais connu la joie de s'acheter un paquet de bonbons à 4 euros après trois heures de route.

Ninon lui fit un doigt d'honneur. C'était gratuit, certes, mais elle n'était pas réveillée et Louis était un con, encore plus avec ses lunettes de soleil. Il avait l'air d'un mec de fac qui n'allait jamais en cours et s'incrustait à toutes les soirées de la promo. C'était un peu ce qu'il était, réalisa-telle.

─ Bon, la Miss, plutôt que de me faire chier, tu veux un truc ou pas ? C'est moi qui offre.

─ Un thon mayo, s'il y a. Et appelle moi encore une fois « la Miss » et tes couilles resteront sur cette aire d'autoroute.

La vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant