Chapitre 1 - 1998 - Bucciarati (3)

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Chapitre 1. 1998- Bucciarati (3)

« Comme t'es, c'est bien » avait dit Fugo. C'était bien pour l'ado, mais pas pour Polpo qui trouvait que Bucciarati mettait du temps à monter son équipe. Cela faisait presqu'un an depuis qu'il avait recruté Fugo, et si leur duo marchait bien pour récolter les paiements et contrôler leur quartier de Naples, Polpo voulait avoir à sa disposition une équipe de manieurs de Stand puissante, capable de rivaliser avec la Squadra. Il avait laissé carte blanche à Bucciarati pour ses recrutements, mais il voulait que ça aille plus vite.

Bucciarati aussi avait hâte de se monter une team digne de ce nom, avec laquelle il dominerait Naples, mais il ne voulait pas choisir n'importe qui. Il avait enfin trouvé un équilibre dans lequel Fugo pouvait s'épanouir, une nouvelle recrue pourrait détruire ça, et c'était trop précieux pour que Bucciarati prenne le risque. En plus, l'aberration qu'était Purple Haze le faisait y penser à deux fois : il savait maintenant ce qu'il ignorait avant de rencontrer Fugo : un Stand pouvait être une malédiction. Il ne pouvait pas infliger ça à la légère. Il ne manquerait plus qu'il se retrouve avec deux Purple Haze, ou pire.

Et puis il ne pouvait pas mettre n'importe qui autour de Fugo. Polpo lui avait fait rencontrer quelques hommes dans l'optique de les faire intégrer son équipe, et Fugo avait très mal réagi à chaque fois. Fugo détestait tous les hommes adultes, en particulier s'ils étaient imposants et qu'ils portaient un costume, comme c'était le cas des recrues de Polpo. Bucciarati soupçonnait un lien avec ce prof de fac donc Fugo ne voulait jamais parler mais qui revenait pourtant toujours par allusions discrètes dans ses moments de vulnérabilité.

À chaque fois que Bucciarati ramenait un éventuel nouveau coéquipier, Fugo se montrait sous son pire jour. Insolent, colérique, méprisant. Bucciarati le regardait repousser ces adultes en se demandant rêveusement comment il avait pu se faire épargner par cette micro-terreur quand il l'avait invité à manger avec lui, le jour où ils s'étaient rencontrés. Ça devait être le destin.

Il le laissait faire, parce que ça l'arrangeait bien : lui non plus ne voulait pas de ces recrues à la botte de Polpo. Il préférait rester tout seul et regarder son ado grandir.

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Si sa rencontre avec Fugo relevait du destin, c'était sans doute le destin aussi qui l'avait fait se cogner contre cet homme un jour de pluie. Bucciarati et l'inconnu avaient tous les deux reculé sous le choc et s'étaient regardés une seconde. L'inconnu avait grommelé quelque chose d'inintelligible et il était parti en zigzaguant. Il était ivre. Bucciarati était resté sur place. Le regard de cet homme l'avait interpellé. Il était si vide.

Il ne pensait plus jamais revoir ces yeux, mais deux jours plus tard, ils apparurent à nouveau face à lui, en photo dans un journal. L'article autour de la photo parlait d'un flic corrompu qui s'était fait retirer son insigne. Il s'appelait Leone Abbacchio. Bucciarati regarda la photo longuement. L'homme ivre qu'il avait heurté sous la pluie deux jours plus tôt ne ressemblait pas à un flic pourri. Bucciarati avait envie de savoir son histoire. Il se demandait à quoi ressemblerait son Stand, si cet homme en avait un. Est-ce qu'il serait dangereux comme Purple Haze ?

Il fit jouer ses relations pour obtenir son adresse, et se mit à l'observer. Il ne savait pas trop pourquoi il faisait ça, à part que cet homme l'intriguait. Il n'osait pas aller jusqu'à dire qu'il lui plaisait. Un ancien flic, ça pourrait être utile. Abbacchio n'avait ni famille ni ami. Est-ce qu'il s'entendrait avec Fugo ? Il avait l'air excentrique, avec son style gothique et son rouge à lèvres, suffisamment éloigné de l'archétype universitaire. D'après son dossier, il avait seulement 19 ans. Un an de plus que Bucciarati, qui avait fêté ses 18 ans récemment. Son premier anniversaire sans son père. Il ne comptait rien faire de particulier, mais Fugo avait organisé son emploi du temps de façon à ce qu'il ait sa journée de libre, et il l'avait emmené au musée. C'était la première fois de sa vie que Bucciarati mettait les pieds dans un musée. Fugo avait été adorable, à essayer de lui en apprendre un maximum sur chaque œuvre en parlant très vite, en surveillant à chaque instant si Bucciarati n'en avait pas marre de l'entendre parler. Bucciarati n'avait pas retenu grand-chose dans cette avalanche d'infos, mais il avait beaucoup aimé la sortie.

Purple Haze sur le parvis de San Giorgio MaggioreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant