Chapitre 3 - 2000 - Narancia (1)

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Chapitre 3 - 2000 - Narancia

Fugo et Abbacchio prenaient leur petit déjeuner, encore à moitié endormis, quand Bucciarati jeta un journal sur la table au milieu d'eux :

- J'ai trouvé notre sniper.

Ils se penchèrent sur l'article. Une photo d'un jeune homme avec un bonnet et un regard fier. Guido Mista. Condamné à quinze à trente ans de prison pour le meurtre de trois personnes. Ce triple homicide n'avait pas l'air de poser problème à Bucciarati.

- C'est une affaire qui date d'il y a quelques mois, vous en avez peut-être entendu parler aux infos. Il a tué ces types pour sauver une femme qui se faisait...

Coup d'œil rapide à Fugo.

- ...qui se faisait agresser dans une voiture. Les hommes avaient tous des armes à feu, pourtant il en a réchappé sans une égratignure. Il leur a arraché un flingue et les a tous descendus un par un. Fatal à chaque coup.

- Ça va nous changer d'Abbacchio, marmonna Fugo dans son café.

La remarque lui valut un coup de journal sur la tête.

- Il a l'air chanceux, cet enfoiré, commenta le gothique en redéployant le journal pour revoir la photo.

Vu comme ses coéquipiers restaient calmes, Bucciarati en déduisit qu'ils étaient d'accord au moins pour le rencontrer. Tant mieux, parce qu'il avait déjà commencé les démarches pour le faire sortir de prison. Quelques ficelles à tirer, quelques billets à glisser sous la table, et le tireur d'élite serait libéré samedi. S'il acceptait de les rejoindre, le gang Bucciarati aurait enfin un combattant à distance digne de ce nom. Ils allaient être invincibles.

- T'es bien enthousiaste, lui fit remarquer Abbacchio.

C'était vrai. Ce Mista lui plaisait déjà, il remplissait tous les critères : il savait se servir d'un flingue, il n'avait pas hésité à sauver une inconnue. Il avait du cœur et de l'instinct. Sa vie dans le droit chemin était foutue. Il avait de beaux yeux francs. Et surtout, il avait 17 ans. Il pourrait être ami avec Fugo qui en avait maintenant 15. Ça ferait du bien à l'ado de trainer avec d'autres jeunes de son âge. Abbacchio et lui-même, du haut de leurs vingt ans, avaient été assimilés au rôle de figures parentales depuis longtemps. Il y avait bien Narancia, mais c'était un civil, il était d'un autre monde. Mista pourrait s'entendre avec Fugo, Bucciarati le sentait. Sur la photo, il avait l'air solide et sain, terrestre. C'était ce qu'il fallait à Pannacotta qui se perdait sans arrêt dans l'abstrait.

- T'emballe pas trop sur le nouveau, lui conseillait Abbacchio alors que samedi approchait. Si ça se trouve tu vas le sortir de prison mais ça l'intéressera pas de nous rejoindre. Si ça se trouve il va échouer au test de Polpo.

- Si ça se trouve, glissa Fugo, il aura un Stand pourri.

- Comme celui qui déroulait le PQ.

Fugo riait avec les autres, mais le cœur n'y était pas. Il aurait volontiers échangé Purple Haze contre Paper Cuts.

- Il peut avoir le pire Stand, dit le leader, il sait manier une arme à feu. On a pas besoin de plus.

Son équipe n'avait pas tort, malgré tout. Il ne fallait pas qu'il s'emballe trop. Sa première recrue était devenue à peu de choses près son enfant, et il couchait avec la deuxième. C'était vraiment pas professionnel. Bucciarati était le premier à dire que mélanger le travail et l'affect était une mauvaise idée, surtout quand on bosse dans la mafia. Il avait un peu dérapé avec ces deux-là, c'était parce qu'il était jeune, il ne comptait pas laisser ça se reproduire. À partir de maintenant, il serait un leader inaccessible, il entretiendrait des relations professionnelles avec ses hommes. Bon, pour Fugo et Abbacchio c'était trop tard, mais il avait encore une chance de construire une relation professionnelle avec Guido Mista. Si déjà il arrivait à se retenir de s'attacher d'après une simple photo et un article dans la rubrique faits divers.

Purple Haze sur le parvis de San Giorgio MaggioreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant