Le Coeur des Ténèbres

Chapitre 9 - Démons des Limbes

Jeudi.

Sora savait que tout le monde travaillait dur mais il n'avait pas l'impression d'avancer beaucoup, et passer ses journées les yeux rivés sur des livres lui donnait aussi de plus en plus mal au crâne. Funny rendait des comptes uniquement aux occultistes concernés par ses trouvailles, donc il ne savait pas trop comment allait la pêche aux informations de son côté, et tout le petit groupe commençait à avoir le teint gris à cause du manque de sommeil.

Le jour J arrivait trop vite à leur goût, mais ils ne pouvaient pas repousser la date, de peur qu'Alrune ne trouve l'essence d'Oka avant eux. Donc ils devaient accélérer... ils sacrifieraient leur vendredi de libre pour les préparatifs, au lieu de prendre du bon temps avec le reste de l'école. Une certaine pression commençait à les gagner. A la pause repas de midi, Sora en profita pour parler avec Sakyu.

« Et les Limbes font quelle taille, sinon ?

— Aucune idée, c'est immense en vrai... tu comptes y retourner, alors ?

— Bah... qui d'autre ? C'est ça ou Oka y va toute seule.

— Oui mais... maintenant, Oka peut se défendre, justement, fit noter Sakyu. C'est un sacré cadeau que le Démon de la Souffrance lui fait.

— Donc en gros, je serai un boulet ?... »

Sakyu haussa les épaules. « C'est la première fois que j'entends parler d'humains qui se baladent dans les Limbes, tu sais. C'est déjà assez improbable que vous en soyez ressortis vivants... »

A la fin des cours, Sora rejoignit directement le club, attendant de voir ce qu'Oka leur réservait pour cette réunion. Il s'agissait de mettre au propre, en commun, tout ce qu'ils avaient trouvé jusque-là.

« Ah, Sora... T'es pas avec Kokuma ?

— Non. Elle devait pas être avec... ? »

Soucieux, il tapota directement le SaiKom : Funny comprit et alla dans le téléphone de Supana pour la joindre. Enfin en gros : elle ne l'appelait pas, elle piratait directement son téléphone, comme d'habitude. Ils attendirent. Puis Sora répondit aux autres, l'air grave :

« Rien. Le micro de son téléphone ne capte aucun son. »

Il y eu un minuscule instant de silence total et de tension.

« Localise-là ! s'écria Oka.

— Attendez ne courrez pas, je cherche, elle est peut-être encore dans l'éco- je l'ai ! Elle est... elle est sur le gymnase ! s'étonna la FunGirl. Carrément sur le toit ! »

Oka dégaina le poignard de rituel hors du crâne sur l'autel, le même poignard qu'elle avait utilisé pour le Démon de la Souffrance et s'élança dehors, parfaitement concentrée, faisant que tout le reste du groupe dû s'accrocher pour la suivre. Heureusement, elle cachait la lame derrière son avant-bras, en tenant le manche à l'envers, pour ne pas se faire arrêter par une des membres du conseil étudiant, qui d'ailleurs recula au moment de voir passer leur troupeau au galop. Funny gloussait d'enthousiasme dans l'oreillette de Sora, qui n'avait pas le temps de la rabrouer. Ils firent irruption à l'extérieur comme des boulets de canon.

« Miss ! Demanda Oka à la FunGirl : Est-ce qu'on peut nous voir ?! Y'a des témoins ?!

— Aucun ! Ne vous retenez pas ! »

Une chance, mais ils auraient pû s'en douter : Alrune voulait encore agir à couvert pour l'instant, pour être sûre de ne pas mêler plus d'humains à ses affaires tant qu'elle était piégée dans les Limbes.
À cause de la taille du gymnase, ils ne pouvaient pas voir Kokuma de l'extérieur. Mais en se rapprochant ils entendirent la garçonne crier à pleins poumons depuis le toit.