Chapitre 10 - Shoukyaku

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Le démon enflammé s'était tapi en hauteur pour que sa lumière ne le trahisse pas, puis s'était laissé tomber jusqu'à Sora, comme s'il l'avait attendu ici. Mais Sora, lui, il n'avait prévu de voir qui que ce soit, en fait. Il ne s'était pas du tout préparé à une telle rencontre au beau milieu des Limbes et maintenant que le silence s'éternisait, il commençait vraiment à vouloir le casser avec un brin de causette. Qu'importe, du moment qu'il brouillait un tant soit peu l'extrême tension qui venait de s'installer.

« ... euh... Salut ? »

Oui, il avait vraiment dit ça. Il avait vraiment dit "Salut" à un démon en flammes. Mais il s'en foutait, qu'on lui jette la pierre : il était terrorisé. Ce truc allait le brûler vivant.

« Je... m'appelle Sora... enfin Maxime, et... et oooon s'en fout... » balbutia-t-il alors que son trouillomètre montait encore plus haut en voyant le démon faire un pas dans sa direction. Ok-ok alors oui, il était dans la merde jusqu'aux yeux, mais encore ? Continuer de parler, bien ! Mais pour dire quoi ?! Et accessoirement, il ne pourrait pas se trouver un plan B, peut-être ?!

« Est-ce que tu... gardes cet endroit ? Ou ce truc, derrière toi ?... est-ce que t'es fâché ou bien ?! Non parce que sinon je repars, hein ! »

Bizarrement quelques réflexes de monologue de jeu d'horreur lui revenaient. Son cerveau s'accrochait à ce qu'il savait à peu près faire, au bord de l'implosion alors que le démon continuait d'approcher.

Et enfin il la vit : son opportunité, son occasion, sa seule et unique porte de sortie.

En un instant, son esprit se clarifia. Il était toujours "au bout de sa vie" (littéralement) mais pour autant, il avait une chance. Une toute petite chance.
Le poignard qu'Inkyu lui avait appris à maintenir caché dans sa manche, prêt à servir.

Quand tu te serviras du poignard, plante-le de toutes tes forces. Si t'as une chance de frapper le premier, t'en auras qu'une seule.

Tout était là. Sa seule chance. Et le démon avançait de lui-même... il n'avait qu'à meubler, le distraire. Distrais-le.

« Ou sinon, on peut se tailler une bouffe ? »

Et non loin d'ici, même bâtiment, autre dimension ; Inkyu pensait à peu près la même chose.

Si seulement il avait un athamé.

« Je peux pas... » chuchota Sakyu, les yeux rivés au sol, incapable de lever la main sur les occultistes, comme l'exigeait le démon-araignée, et sentant son cœur se déchirer en s'entendant dire cela devant Inkyu.

« Arrête, c'est pas parce que t'as épuisé tes pouvoirs que tu ne peux pas les étrangler, n'importe. Active-toi un peu, ordonna le démon.

— ...je peux pas, répéta Sakyu dans un souffle.

— Pff, entre toi et ce crétin... alors ! dit-elle à Inkyu. Pas trop déçu d'être relégué derrière un groupe de sacs de viande ? »

Inkyu ne répondit pas, il avait toujours une main prise par le monstre, maintenue dans son dos. Son autre main ; Inkyu la serrait sur ses propres cheveux, pour soulager un peu la prise qu'avait sur eux leur preneur d'otage. Il avait fermé les yeux depuis que Sakyu avait renoncé à sacrifier les humains.

« Inkyu ? rappela le monstre derrière son oreille. Je t'ai posé une question. On t'a perdu ? »

Inkyu ne disait rien, les yeux et la bouche fermée. Impossible de savoir si le monstre souriait en regardant son visage, mais à son intonation, il se moquait clairement de Sakyu : « Je crois que tu l'as vexé ! »

Le Coeur des TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant