Recueil de nouvelles et d'OS qui se déroulent en décembre afin de patienter jusqu'au réveillon tou.te.s ensemble.
Prenez un plaid, une boisson chaude et venez lire.
Calendrier de l'Avent collaboratif - édition 2020
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Mon amour,
Je me souviens le jour où l'on s'est rencontrés, tu avais l'air tellement seul. Pas cette solitude qu'on ressent un dimanche soir pluvieux, allongé dans son lit attendant désespérément un message qui ne viendra jamais. Mais cette solitude qui vous enveloppe de la tête aux pieds, celle d'une profondeur inquiétante. Celle qu'on ressent peu importe le nombre de personnes qui nous entourent, être seul et se sentir seul sont deux sentiments très différents. Je crois que j'ai reconnu ta détresse parce que j'éprouvais la même. Deux âmes en peine, le cœur vide et pourtant si lourd.
Ta singularité m'a frappée, ta façon de penser, d'être. Nos discussions étaient tellement enrichissantes, j'ai appris à te connaître et en même tant que je me découvrais. Tu étais mon échappatoire, quand on était ensemble le temps n'avait plus aucune importance, je mettais cette vie que je haïssais en pause, tu étais ma récréation. Je suis très rapidement tombée amoureuse, je t'avoue que jusqu'à toi je n'avais jamais réellement compris le sens de cette expression. Mais on peut que dire je suis littéralement tombée. La chute était agréable, aussi douce qu'un vent d'été mais l'atterrissage, lui, était brutal. Je n'ai même pas essayé de me rattraper, comme une enfant qui tombe pour la première fois et qui n'a pas encore appris à limiter ses blessures. Sauf que je ne suis plus une enfant et que personne n'accourira vers moi avec un pansement et une glace si je me fais mal. À la rigueur j'aurais le droit au « je t'avais prévenue » qui pique comme de l'alcool sur une plaie. Mais est-ce si mal de vouloir faire ses propres choix sans écouter les avis des uns et des autres ? Vivre sa vie, en être l'auteur plutôt qu'en être le personnage principal.
Je t'ai aimé de cet amour inconditionnel qui nous pousse à faire des choses qu'on pensait ne jamais faire. Je me sentais si fragile, comme si un rien pouvait me briser. Ton amour me procurait la sensation d'être recouverte de papier bulles. Tu m'as sauvée et j'aurais tellement aimé avoir eu le même pouvoir sur toi. J'avais l'impression d'être ton ancre lorsque toi tu étais ma bouée de sauvetage. La vie me semblait de moins en moins fade, j'allais de mieux en mieux. De ton côté ce n'était pas le cas, jour après jour je te voyais dépérir. C'était déchirant de te voir aussi mal, mais j'avais espoir que ça s'arrange parce que je t'aimais et que je ne voyais pas comment ça pouvait être autrement. On veut toujours que les gens qu'on aime aillent bien, les garder près de nous à jamais.
Tu détestais Noël et l'ambiance qui règne à cette période de l'année. Toutes ces couleurs vives, ces lumières qui mettent des étoiles dans les yeux, les flocons de neige, les boissons chaudes qui réchauffent les cœurs. Les repas de famille que tu avais en horreur et, sur ce point, j'étais du même avis. Ce qui me rendait triste c'est que c'était à cette partie de l'année que tu rigolais le moins, ce rire qui résonnait dans mes oreilles comme une mélodie me manquait terriblement. Je m'accrochais à chaque fragment de ton âme que tu m'offrais. J'étais accro à toi et à toutes ces choses qui faisaient de toi la personne que tu es.
C'était le week-end avant le 25 décembre. On devait se rejoindre sur le toit de mon immeuble, on se donnait souvent rendez-vous là-bas parce que la vue y était magnifique. Mais cette fois-ci tu avais une idée bien précise en tête. Ce soir-là, on a discuté sous un beau ciel étoilé, qu'est-ce que j'aimais voir ces milliers d'étoiles qui scintillent au dessus de nos têtes comme des guirlandes, c'était parfait. Puis, tu m'as embrassée comme si c'était la dernière fois, ce que je ne savais pas encore, c'est que c'était réellement le cas. Nos lèvres ont joué leur dernière danse. Ton regard était glaçant tant il était vide, si profond que je pouvais y voir les abîmes de l'enfer, si bien que si j'avais plongé dedans je me serais noyée sans aucun doute. Tu m'avais déjà parlé de ton envie d'en finir mais j'ai senti que le jour où je devais te dire adieu était arrivé. La douleur était si forte que je ne pouvais même pas m'imaginer respirer un air que tu ne respires plus. Je ne voulais pas entendre mon cœur battre dans une vie où le tien ne bat plus. On s'était promis de se suivre jusqu'au bout du monde, mais à aucun moment je pensais que cela signifiait aussi le quitter. Pourtant je ne voulais pas vivre sans toi alors je t'ai dis que si tu voulais t'envoler, on allait prendre notre envol ensemble. Je n'arrivais pas à penser clairement, ma vue s'est troublée, ma respiration s'est coupée. Je tremblais si fort. Je n'entendais plus les mots qui sortaient de ta bouche, tu me parlais mais, moi, je n'entendais qu'un bruit sourd qui résonnait dans tout mon corps. Tu as attrapé ma main, on a commencé à courir puis je t'ai lâché. Je suis restée immobile, enfin en apparence parce qu'en réalité tout mon être était en train de s'écrouler.
Tu es tombé si bas et j'ai voulu sauter à mon tour, je pensais que si on sombrait à deux, tout irait mieux. Mais je ne pouvais pas faire ça, mes jambes étaient ancrées au sol. Je voulais courir pour te rattraper, crier à m'en déchirer les cordes vocales, pleurer jusqu'à me noyer dans mes propres larmes. Je sentais que mon corps entier était en train de brûler, alors je me suis juste effondrée dans la neige, espérant que ça calme la chaleur qui avait élu domicile dans mon enveloppe corporelle. Je n'étais plus que ça de toute façon, une coquille vide. Jamais je n'avais ressenti une telle douleur. C'était si fort que je voulais sortir de mon corps, j'avais tant pleuré que mes yeux piquaient, mon cœur qui avait tenté à maintes reprises de s'échapper ma poitrine était désormais en miette. J'ai ressenti un manque instantanément, comme si on venait de m'arracher un membre. Tu étais parti, sans moi. Mon puzzle n'était plus complet. Mon monde entier n'avait plus de sens. Tout s'était stoppé, tout sauf cette souffrance. Mon chagrin était indescriptible. Ton absence si soudaine était déjà une torture.
« Si tu sautes, je saute ». J'ai mis du temps à réaliser que je ne voyais pas les choses sous cette angle. Je pense que quand on aime quelqu'un, on ne saute pas avec lui, on essaie de le retenir. Le laisser sauter oui mais avec une corde pour que jamais il ne s'écrase au sol. J'aurais aimé être cette corde pour toi. J'aurais tellement aimé pouvoir te sauver, au lieu de ça je t'ai laissé couler. J'en ai tellement voulu à la terre entière, à moi, à toi, à nous. J'étais rongée par la culpabilité, maintenant je sais que même avec tous les efforts du monde, rien n'aurait pu conduire mes membres aux tiens. Je ne compte même plus le nombre de fois où j'ai pensé que ça aurait été plus simple si je t'avais suivi. Si j'en avais eu la force, je n'aurais jamais à ressentir toutes ces émotions si violentes. J'étais détruite, comment pourrais-je me reconstruire après ça ? Je souffrai tellement..
Aujourd'hui, pour Noël j'aimerais nous faire un cadeau, j'aimerais nous apporter la paix en pardonnant, à toi, à moi. Et mieux encore, je veux te remercier, pour tout ce que tu as su voir en moi, pour ce que tu m'as fait devenir et pour tous ces moments qu'on a partagés et qui resteront gravés dans ma mémoire. Tu m'as tant apporté. Merci pour l'amour que tu m'as donné mais aussi pour celui que tu as accepté recevoir en retour. J'ai découvert que j'étais capable d'aimer, tout cet amour qui remplissait mon cœur, c'était possible et je n'en avais aucune idée. Sans toi je n'aurais jamais su à quel point la vie pouvait être belle, ni à quel point je n'avais pas envie qu'elle s'arrête. J'espère juste que tu vas bien maintenant, où que tu sois. Une étincelle de notre amour sera en moi pour toujours. Je pense fort à toi et et à tous ceux qui ont besoin de tendresse. À ceux qui sont seuls ou qui se sentent seul, ceux qui sont tristes. À ceux qui ont vus leur vie voler en éclat, peu importe s'ils ont réussi à recoller les morceaux ou pas. Une pensée à ceux qui ont perdu une part d'eux, ceux qui la cherche encore. Et évidemment à tous les autres aussi.
