Les cuillères

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Elle sortit rapidement de sa chambre et tomba nez à nez avec Hastings qui, devant l'air perdu de la jeune femme, indiqua le salon du doigt.

Poirot était déjà à son bureau, les yeux plantés dans le rapport de la vieille affaire Pritchard.

Amelia le rejoignit et ramassa rapidement les tasses qu'elle avait rassemblées mais abandonnées pour aller fouiller dans son sac. Elle laissa malencontreusement glisser une petite cuillère qui frappa la lampe en métal chromé dont la base était ornée de décorations florales géométriques.

Poirot sursauta au bruit et Amelia s'excusa. Le détective replongea son regard dans les documents mais se figea, ôtant son pince-nez. Les tasses que la jeune femme ramenait à la cuisine étaient déjà empilées. Elle était donc déjà passée par là. Mais elle ne les avait pas emmenées de suite... Il haussa les épaules. A croire que toutes les raisons étaient bonnes pour penser à Amelia. Même s'inventer de petites énigmes tordues... Et puis peut-être était-ce Miss Lemon qui les avait oubliées pour une raison quelconque...

Mais il fronça les sourcils à la vue de l'enveloppe bleue qui dépassait de son sous-main. Amelia avait le sens de l'observation. L'avait-elle remarquée ? L'avait-elle reconnue comme émanant de celui qui l'avait hébergée aux Etats-Unis ?

Il sortit de ses réflexions au son d'un rire cristallin et féminin. Il releva les yeux vers la table à manger autour de laquelle Amelia et le capitaine papotaient chaleureusement.

- Et vous êtes londonien, capitaine Hastings ?

- Non, je suis né à Brighton.

- Vous n'êtes plus officier à ce jour, n'est-ce pas ? Vous avez quitté l'armée. Vous êtes loin de l'âge de la retraite pourtant...

- J'ai trente-huit ans... Ce costume rayé bleu que je porte régulièrement est plus vieux que moi... et certainement beaucoup mieux entretenu ! plaisanta-t-il.

- Et vous connaissez Hercule... enfin Monsieur Poirot depuis longtemps ?

- Depuis quelques années. Nous nous sommes liés d'amitié lors de mon séjour en Europe continentale, à l'occasion de... cette foutue guerre... Quand Poirot s'est retrouvé en Angleterre en tant que réfugié belge, c'est tout naturellement que nous sommes retrouvés. Et nous ne nous quittons plus, à vrai dire... Enfin je veux dire que nous travaillons souvent ensemble... Et appelez-moi Arthur.

- Comme vous voudrez, Arthur. sourit aimablement la jeune femme.

Arthur ? Arthur ! Proposer à Son Amelia de l'appeler par son prénom. Poirot en avait la nausée. Et lui balancer ses trente-huit ans à la figure. Il pavanait avec sa jeunesse.

Poirot se sentait bien vieux. Une douleur le poignardait en plein cœur à la vue de sa chère amie plaisantant avec son associé et ami.

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Poirot : Une Pause À Helmsley (1ère Partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant