Une balade paisible en campagne

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- Bonsoir...

Amelia venait d'apparaître à la porte du salon.

Elle s'était rendormie après l'épisode des sels et avait maintenant repris des couleurs.

Ce que Poirot ne remarqua pas, ne relevant pas la tête, les yeux rivés dans son livre.

- ... Arthur est parti ?

- Oui. Il est tard.

Amelia regarda par la fenêtre. Il faisait nuit noire. Elle coula son regard vers l'horloge. Il était vingt-deux heures.

Elle posa ses yeux tristes sur Poirot. Il était assis dans un fauteuil, un verre de brandy à moitié vide posé sur la petite table.

- Oh... Je suis désolée. J'ai monopolisé votre chambre vous empêchant d'aller vous coucher. Vous auriez dû me réveiller.

- Il n'y a pas de souci. J'étais occupé de toute façon.

Son ton était froid. Cela était insupportable pour Amelia.

Elle s'avança dans la pièce. Poirot percevait son parfum de rose si enivrant.

- Concernant ce qu'a dit Pritchard....

- Peu importe. coupa sèchement Poirot qui releva enfin les yeux pour les planter dans ceux de la jeune femme.

Elle y lisait du reproche et de la déception.

- Mais pour moi, il importe de faire la lumière sur tout cela ! Je n'épouserai pas Beitling. insista-t-elle.

- Maintenant que vous savez qu'il a escroqué votre oncle avec la complicité de ce Pritchard ! lança-t-il réajustant son pince-nez et replongeant les yeux dans son ouvrage.

- Je n'ai jamais eu l'intention de l'épouser. J'ai habité durant plusieurs années chez lui. Et les commérages vont bon train.

- Cette idée n'est donc pas de Beitling ?

Amelia se mordit la lèvre. Mentir ? Dire la vérité ?

- Ce ne sont que des élucubrations... Voilà tout. dit-elle veillant à laisser un peu de flou.

- Hmm, hmm... souffla-t-il feignant le détachement.

Amelia resta quelques secondes debout face à lui. Elle lui en voulait. Pourquoi ne relevait-il pas la tête ? Pourquoi ne se levait-il pas ? Pourquoi ne la dévorait-il pas de ses yeux ténébreux ? Pourquoi ne l'étreignait-il pas ?...

Elle soupira et s'en retourna. Poirot la regarda quitter la pièce et entendit la porte de la chambre qui lui avait été affectée se fermer.

Il était désolé. Il ne l'embrasserait pas, ne la caressait pas, ne la sentirait pas frémir et gémir sous ses assauts. Et Dieu sait qu'il en crevait d'envie.

***

Poirot fixait le plafond. Il égrenait les heures, allumant et consultant sa montre-gousset.

Que diable lui avait-il pris d'agir avec tant de rudesse ? Il était le grand perdant au final. Il voulait être le maître, garder l'autorité. Très bien, soit. Mais il était seul au fond de son lit, rongeant son frein. La belle affaire !

Il retint sa respiration et tendit l'oreille. Rien. Le silence. Il avait cru entendre grincer le plancher.

Il se concentra. Cela grinçait bien. Amelia ne dormait pas... Elle non plus. Était-elle dans le même état émotionnel ?

Il fallait qu'il sache. Son cerveau était en effervescence. Il se leva, enfila sa robe de chambre et rejoignit le couloir. La cuisine était allumée.

- Vous êtes réveillée ? demanda-t-il posté dans le chambranle.

Poirot : Une Pause À Helmsley (1ère Partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant