Jour 2 - Jasper

30 2 0
                                    

Je fixe le tableau d'affichage de l'aéroport de Louxor, stressé comme jamais, comme si ma vie en dépendait. D'ailleurs, je crois bien que ma vie en dépend ! La météo s'annonce difficile dans le nord de l'Égypte, tous les vols pour Le Caire sont retardés depuis deux bonnes heures. À cet instant, je devrais déjà être dans l'avion pour Londres...

— ... nous pourrions réunir plusieurs chercheurs de qualité pour créer cette maison internationale, qu'en penses-tu ?

Alaska va me tuer et moi, je suis au bout du rouleau.

— Jasper ?

Je tourne les yeux vers Joan qui bat des paupières, dans l'attente d'une réponse. Je commence à bien connaître ce regard de juge qu'elle me sert très souvent, surtout depuis qu'on voyage ensemble pour témoigner de la réussite de notre échange universitaire.

— Monsieur Henstridge est très intéressé évidemment ! anticipe Bridget, mon assistante.

Bridget, le cadeau empoisonné du doyen. Puisque je dois partir à Boston le semestre prochain pour suivre Alaska, il a cru bon de me soulager de certaines tâches avec une assistante. Assistante qui, soyons honnêtes, me colle un peu trop à mon goût et finit par faire grogner ma chère et tendre.

— J'étudierai moi-même la proposition, dis-je assez sèchement.

Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes, mais elle commence à me gonfler. Bridget m'offre un regard presque outré et curieusement... séduit. Je suis sûr qu'elle est folle à lier au fond.

— Les autres membres du symposium vont au Winter Palace pour attendre le prochain vol, nous y allons ? relance-t-elle sans s'attarder sur mon ton.

Pas question que je boive des cocktails alors qu'Alaska m'attend. Je dois à tout prix attraper un avion ! Joan me fixe avec une certaine dose d'inquiétude alors que je fronce les sourcils.

— Allez-y, dis-je alors. Je vais rester.

— Oh mais je peux vous tenir compagn...

— Non ! m'exclamé-je rapidement.

Comme un éclair, j'ai le souvenir du fou rire qui nous avait agités, Alaska et moi, quand elle avait fini par me reprocher de me faire « bridgetiser » bien trop souvent. Je serre les dents pour ne pas rire nerveusement cette fois. Et Joan en profite pour voler à mon secours.

— Je vais rester avec lui, on a encore beaucoup de choses à voir ensemble. Et puis ce sera plus facile de négocier deux places dans un avion plutôt que trois.

J'insiste une nouvelle fois d'un regard appuyé et déterminé et Bridget abandonne, la mine renfrognée.

— Bon, très bien, tenez-moi au courant.

Je la regarde s'éloigner avec soulagement. Joan attrape mon bras pour m'entraîner dans son sillage.

— Maintenant qu'on a frôlé la bridgetisation, passons les contrôles, on ne sait jamais.

Je lui souris, touché. Alaska continue de se confier à sa mentor, même par Skype.

— Je ne fais pas ça pour toi hein, se reprend-elle rapidement.

— Non, bien sûr, m'amusé-je.

— Mais je n'ai pas envie qu'Alaska passe Noël seule.

J'admire encore cette tendresse mêlée d'inquiétude qu'elle lui témoigne depuis toujours. Ça me fait plaisir qu'Alaska ait quelqu'un comme Joan dans sa vie. Même si je sais que Joan serait la première à m'étrangler si jamais sa protégée le lui demandait.

— Moi non plus, dis-je le cœur lourd.

On s'approche des points de contrôle et juste au moment où je me souviens de l'affaire du bracelet d'or, découvert dans la poche de mon Alaska l'année dernière, quasiment jour pour jour, l'inspecteur Nour surgit à nouveau sous mes yeux. Ou plutôt, sous ceux de Joan dont le visage s'empourpre subitement.

— Joan Bates ! s'exclame-t-il, un large sourire égayant son visage au charme intact.

— Nour, se réjouit Joan d'une voix plus suave.

Il attrape sa main et dépose un baiser sur le dos. Mince ! Voilà Joan qui glousse ! J'attrape mon portable pour immédiatement raconter ça à Alaska. Notre fil de conversation est devenu notre salon, notre canapé, notre table, on discute ici plus qu'en chair et en os finalement.

— Jasper Henstridge, dit Nour, me faisant lever les yeux de mon écran.

Il esquisse une expression un peu plus sévère mais non dénuée d'humour.

— Vous regardez toujours autant les étoiles avec votre étudiante ?

Sa pique me fait sourire.

— Plus que jamais, inspecteur.

On se serre la main rapidement, puis il reporte toute son attention sur Joan.

— J'en ai terminé pour aujourd'hui, puis-je vous inviter à boire un thé chez moi ? Vous me raconterez tout.

— Oh Nour, ça aurait été avec plaisir, mais on doit absolument guetter un avion pour Le Caire.

L'inspecteur grimace aussitôt, boostant mon niveau d'angoisse.

— Quoi ? m'empressé-je de demander.

— Je suis désolé, mais aucun avion ne décolle aujourd'hui, ni cette nuit. Vous êtes coincés ici !

Love Lessons - Le Calendrier de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant