Love Lessons - Le Calendrier de l'Avent

Jour 10 - Jasper

Arrivés à Alexandrie en un seul morceau, après avoir perdu tant de temps sur la route, Joan et moi pénétrons dans l'aéroport.

— Il faut que je branche mon portable pour appeler Alaska, dis-je alors en guettant les prises.

— Je vais négocier des billets pour le prochain avion, approuve Joan. Ils en ont mis plus puisqu'ils ont détourné le trafic aérien du Caire jusqu'ici, on a encore une chance.

Je lui rends son sourire confiant et nous nous séparons. Je trouve une prise et rallume mon téléphone. Pas de message d'Alaska mais cinq appels en absence de Bridget et six textos. J'efface le tout, pas vraiment d'humeur. On est le 24 décembre, il est 14h passé, j'ai d'autres chats à fouetter que d'écouter cette assistante bien trop concernée ! On doit prendre le premier vol si je veux pouvoir arranger les choses avec Alaska. Je l'appelle en profitant du wifi. Après de longues sonneries – de plus en plus longues d'ailleurs –, elle décroche.

— Ma puce, c'est moi, je t'appelle pour te donner des nouvelles.

— Jay, vous êtes où ?

Je sens comme un apaisement dans sa voix.

— Alexandrie, les avions décollent d'ici.

— Vous allez pouvoir en attraper un ?

— J'espère oui... Attends une seconde.

Je regarde mon portable qui vibre, Bridget appelle à nouveau. Et s'il se passait quelque chose ? Je sais à 98 % qu'il n'y a rien, mais les 2 % me narguent !

— Ça fait six fois que Bridget essaie de m'appeler, grogné-je en revenant à Alaska. Elle m'a laissé plein de messages.

Je l'entends clairement soupirer. Je pourrais ne rien dire, mais ce n'est probablement pas la meilleure idée de lui cacher ce genre de choses. C'est encore plus suspect je trouve. Et comme il n'y a rien entre cette fille et moi, je préfère prendre la liberté d'en parler à Alaska. Mais là, je sens bien que ça l'agace.

— Décroche, tu sauras ce qu'elle veut.

— Je préfère te parler, dis-je rapidement.

— Jay, je vais bien. Ton cousin est là, il nous tient compagnie.

Je me redresse légèrement.

— Lequel ?

— Gabriel.

Je me mords la langue pour éviter un flot d'avertissements de sortir. Gabriel, c'est moi à son âge. Durant mes années d'études, j'étais l'inconstance même, je tombais tout ce qui passait. J'ai bien sûr confiance en Alaska, mais elle m'en veut tellement en ce moment que je ne suis même plus assuré qu'elle ne me le fasse pas payer de la sorte.

— Jay ?

— Oui ?

— C'est quoi ce silence ?

De la colère ? De l'agacement ? De la jalousie ? Quelle réponse choisir ? Si je lui demande de garder ses distances, elle va me rembarrer, et je ne pourrai même pas lui en vouloir.

— Je regarde les tableaux d'affichage, inventé-je rapidement.

Elle ne dit rien sur le coup. Pourquoi tout est si difficile en ce moment ? Ce n'est pas notre première discussion à trous comme ça.

— Tu regardes les messages de Bridget c'est ça ? suspecte-t-elle.

— Non, pas du tout.

— Tu ne peux même pas attendre de raccrocher ?

— Alaska, ce n'est pas ça, assuré-je, catastrophé par ce qu'elle imagine.

Elle soupire encore.

— Si tu le dis.

— Alaska...

Je crois que j'arrive au bout moi aussi. Je déteste ce que nous devenons. Et je déteste encore plus qu'elle puisse me croire capable de m'intéresser à mon assistante plutôt qu'à elle.

— Tu devrais arrêter de m'appeler comme ça, dit-elle d'une voix presque tremblante. Reviens, c'est tout.

Mon cœur se serre douloureusement. Elle ne pense peut-être pas que ses paroles me blesseraient, mais c'est bien le cas. Elle ne veut plus que je l'appelle ?

— Jay ?

— Je hoche la tête.

— C'est juste que... on a beaucoup à se dire et que...

— Je dois te laisser, l'interromps-je. Embrasse tout le monde.

Je raccroche. Je n'ai plus qu'une envie : m'allonger quelque part et fermer les yeux.

— Jasper, intervient Joan. Il restait des places sur un vol pour Londres mais il part ce soir, je les ai quand même prises.

J'acquiesce.

— Tu as bien fait. Passons les contrôles.

— Ça va toi ? s'inquiète-t-elle.

Je hausse les épaules et m'éloigne. J'ai besoin d'être seul un moment.