Jour 6 - Jasper

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Il neige au Caire. Non mais sérieusement ! Est-ce que le monde entier m'en veut à ce point pour rajouter de la neige en Égypte ! Les avions ne volent évidemment pas. Les trains partent quand même, mais c'est risquer de se retrouver coincés au milieu de nulle part s'ils sont immobilisés.

— Qu'est-ce qu'on fait ? On tente le bateau ?

Je sais que Joan essaie de plaisanter pour dédramatiser, mais personnellement, je ne vois plus qu'une seule chose à faire : appeler Alaska pour lui dire que je ne serai pas là à Noël.

— Je n'aurais jamais dû accepter de rester une semaine de plus ! m'exclamé-je, agacé contre moi-même. Je devrais être là-bas avec elle, et non pas coincé ici. Elle m'a suivi jusqu'en Angleterre pour qu'on soit ensemble.

Je sors rageusement mon portable pour voir quel réseau je capte.

— Elle s'est coupée de toi et de ses amis pour moi et on ne se voit quasiment jamais.

— Jasper, Alaska comprendra, m'interrompt fermement Joan.

Je soupire, une boule au ventre. Je ne veux pas la perdre. Je l'ai trouvée, elle m'a trouvé, elle est parfaite, dans ses qualités comme dans ses maigres défauts. Je n'imagine pas un seul instant ma vie sans elle, et pourtant... Pourtant...

— J'ai accepté de donner des cours à Édimbourg le semestre prochain, confie-je alors, perturbé.

Joan plisse le front.

— Tu ne devais pas t'installer avec Alaska à Boston en janvier ? doute-t-elle. Je sais que le doyen peut être persuasif, mais je suis vexée. Mes menaces de te gâcher la vie si tu t'avisais de blesser Alaska auraient dû te faire refuser l'offre.

Je dodeline de la tête.

— Tu lui as dit ? ajoute-t-elle.

— Pas encore, non.

Joan ne réplique rien mais je sais qu'elle ne fait que se retenir.

— Le doyen craint que je m'éparpille à cause de ma relation avec, selon lui, « une simple étudiante », il a eu du mal à accepter que je parte un semestre.

— Donc il te fait payer en te rajoutant des corvées, termine Joan en croisant les bras.

J'acquiesce et Joan se met à faire les cent pas.

— Je connais bien la nouvelle directrice de l'Institut français d'archéologie, je suis sûr qu'elle en sait un peu plus sur la situation météorologique du Caire, je vais lui passer un coup de fil. Il n'est pas dit qu'un doyen ruine votre relation !

Elle s'éloigne, le pas déterminé. Je devrais vraiment puiser dans sa volonté de fer ! Je cherche le contact d'Alaska sur Skype et met la vidéo en espérant la voir. Elle finit par décrocher et je reconnais immédiatement la cuisine de mes parents. Ils sont tous en robe de chambre, en train de petit-déjeuner.

— Salut ma puce, dis-je le cœur battant.

Je la vois plisser les yeux.

— Jay ? Mais tu es où ? On dirait qu'il neige.

— Il neige au Caire oui.

Son maigre demi-sourire me fend le cœur. Elle va faire bonne figure parce que mes parents sont derrière et parce qu'on ne s'engueule jamais. Alaska est quelqu'un de fondamentalement doux, peut-être qu'inconsciemment j'en ai profité.

— Il n'y a pas d'avion, c'est ça ?

— Non il n'y a pas d'avion, je suis désolé.

Elle acquiesce mais me fuit aussi du regard.

— Chérie...

Je soupire, plus vraiment sûr de ce que je dois promettre ou des excuses à formuler.

— Je suis avec tes parents, dit-elle alors. On va passer une bonne journée, ne t'en fais pas pour moi. Tu es seul, toi ?

— Non, Joan est avec moi, elle cherche encore une solution.

Elle se met à sourire avec plus de sincérité.

— Jasper, interpelle ma mère en débarquant près d'Alaska.

Son grand sourire et son signe de la main me font sourire à mon tour.

— Jasper, pourquoi tu n'as toujours pas épousé cette merveilleuse jeune femme, hein ?

— Oui, qu'attends-tu mon garçon ? ajoute mon père en tentant d'entrer dans le cadre.

L'air pincé d'Alaska n'est qu'un aperçu de l'infernal interrogatoire qu'elle a déjà dû subir.

— Maman, papa, je vous l'ai dit, on vous en parlera quand je serai là.

— Aly nous a dit que c'était une décision commune, mais c'est si dommage, vous aviez déjà des projets ! continue ma mère.

— Mais en tout cas, ne t'en fais pas, on veille sur Aly, promet mon père qui s'approche de la caméra pour me parler. On est si contents qu'elle soit là !

Touché, je leur souris. J'espère que la gentillesse guimauvesque de mes parents sera suffisante pour la garder auprès d'eux et en même temps pour ne pas trop l'effrayer.

— Merci, je compte sur vous. Et je serai là dès que possible.

Ils m'envoient des bises et j'espère discuter à nouveau avec Alaska mais elle profite de l'effacement de mes parents pour raccrocher. Ok. La situation est désastreuse. Mais Joan va m'inspirer. D'une manière ou d'une autre, je serai dans un avion aujourd'hui ! On est le 24 décembre, il est 9h du matin, tout est encore possible !

— Alors, les seuls avions qui décollent sont à Alexandrie, balance Joan en revenant vers moi. On dit même que les trains vont retarder leur départ.

J'attrape les épaules de Joan, gonflé à bloc.

— Pas question que j'abandonne, Bates. On va prendre un minibus pour Alexandrie !

Joan a un mouvement de recul, plutôt surprise.

— Un minibus ? Tu es sûr ? Et en passant, je ne suis pas certaine de cautionner le « Bates ».

Yallah !

Love Lessons - Le Calendrier de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant