On s'isole tous les deux dans la chambre. J'ai le cœur qui bat à toute vitesse. Je rajoute une bûche dans le feu avant de m'assoir près d'elle, sur le lit. Elle semble angoissée et pâle. Bon sang ! Si elle s'attend à une rupture, autant ne pas tourner autour du pot trop longtemps ! Je dois tout de suite la rassurer.
— Alaska...
Mais avec quels mots ? Je prends sa main dans la mienne, elle resserre nerveusement ses doigts dans les miens. Ses lèvres esquissent quelque chose mais aucun son ne sort.
— Alaska, je me rends compte que...
— J'ai embrassé ton cousin.
Ah, bon, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me coupe la parole. J'ai entendu sa phrase mais son sens a encore un peu de mal à m'atteindre. Je crois que j'ai mal entendu. Je me mets à sourire, nerveux à mort moi aussi. J'ai l'impression qu'on se conduit comme deux étrangers embarrassés.
— Quoi ?
Elle baisse rapidement les yeux, le visage défait.
— J'ai... embrassé ton cousin, Gabriel.
Ah. C'est bien ça.
Je reprends ma main. Je viens de me prendre une vraie gifle ! Avant Alaska, je ne me souviens pas avoir été jaloux. Je sais d'avance ce qu'elle craint : avec son passé, je vais forcément redouter qu'elle me trompe un jour. Mais ce n'est vraiment pas ça. Ce n'est pas un « baiser » qui me fusille. C'est surtout sa raison.
— Pourquoi ?
Je ne me rends compte qu'à cet instant que ma voix est grondante. Alaska a encore pâli et semble au bord des larmes. Mais sur ce coup, j'aimerais qu'elle me laisse ressentir de la colère.
— Pourquoi ? Parce que tu t'ennuyais ?
— Non...
— Seulement parce que je n'étais pas là ?
Je sens subitement tout mon corps tempêter mais je m'efforce de l'apaiser. Je bondis sur mes pieds pour m'éloigner de deux ou trois mètres.
— Ce n'est pas ça, non, réplique-t-elle avec une pointe de reproche.
— Alors quoi ?
Elle baisse à nouveau les yeux sans savoir quoi dire. Je crois que l'idée qui s'insinue en moi me terrifie un peu plus.
— Tu le voulais ?
Je me reproche aussitôt de lancer une telle question. Qu'est-ce que je fais si elle me dit « oui » ? Je n'ai jamais voulu la quitter, mais est-ce qu'en fait c'est la seule solution ? Est-ce qu'elle s'attend à une rupture parce qu'au fond d'elle, elle la souhaite ?
— Tu me manquais, dit-elle avec une profonde culpabilité dans la voix.
Donc c'était voulu. Je réprime un flot d'interrogations qui débordent : est-ce qu'elle serait allée plus loin si je n'étais pas revenu ? Est-ce qu'elle a apprécié ce baiser ? M'aime-t-elle suffisamment pour faire sa vie avec moi ? Est-ce que je l'ai emprisonnée dans cette relation et qu'elle ne sait pas comment s'en sortir ?
— C'était une bêtise, bredouille-t-elle. C'est toi que je cherchais...
Elle se lève et fait quelques pas vers moi. Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle veut de moi. Je devrais peut-être lui proposer de faire une pause, lui laisser une chance de reprendre sa vie et de voir si elle désire que j'en fasse partie ou non.
— Alaska...
Un bruit étouffé contre la vitre m'interrompt. Je m'approche et jette un œil dehors. Mon cousin et ses deux enfants lancent des boules de neige sur la fenêtre de ma chambre. Ok. Je vais remettre l'annonce d'une pause inévitable à plus tard et la rassurer sur ce baiser, même si je crois que je briserai les côtes de Gabriel si jamais je le croise.
— Charlie est là, dis-je en fuyant son regard. J'ai des choses à te dire moi aussi, mais pour ce baiser... ce n'est rien.
Même moi je m'entends mentir. J'aimerais que ce soit vrai, mais je n'arrive pas à en faire un « rien ».
— On reprend tout à l'heure, dis-je en sortant de la chambre le plus vite possible.
VOUS LISEZ
Love Lessons - Le Calendrier de l'Avent
RomanceCette histoire est un court spin-off du roman Love Lessons (paru en 2018). Il vaut mieux l'avoir lu, mais je vous mets un petit résumé ci-dessous si vous souhaitez quand même vous lancer dans ce calendrier ! (^-^) * Précédemment dans Love Lessons...