Jour 7 - Alaska

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Je regarde Cassie fermer son sac, elle va finalement prendre un train plus tôt pour être sûre d'atteindre Swindon à temps. La neige ne cesse plus de tomber. La grande chambre avec cheminée que George et Tara m'ont ouverte est confortable au possible. Il ne manque pourtant qu'une seule chose ici : un Jay à peau chaude dans le lit.

— Promets-moi que tu n'écorcheras pas ton chéri quand il reviendra et que tu lui parleras de votre accidentel embryon causé par les 0,3 % d'inefficacité de la pilule.

Je retiens un grognement mais je hoche tout de même la tête. Je ne sais même pas si je suis prête ou non pour un bébé. Pas dans ces conditions en tout cas.

— Tu en veux, toi, des enfants ? questionné-je alors en la suivant dans les escaliers.

— Oui, dans dix ans, répond-elle avec un haussement d'épaules.

Ben oui, je suis bien d'accord, c'est trop tôt ! Surtout avec un père absent. Cassie s'arrête au milieu des marches, me forçant à ne pas lui foncer dessus.

— Mais quelque part, tu as un ou une mini Jasper Henstridge dans le ventre, s'amuse-t-elle.

Ce qui me fait sourire. Oui, quelque part. Je me demande à quoi ce bébé pourrait ressembler. À un peu de nous deux, je suppose. Étrange. Je n'avais pas songé un seul instant à l'aspect positif de cette nouveauté, seulement au négatif. Cassie me prend dans ses bras, un large sourire aux lèvres.

— Passe un joyeux Noël, ma très chère Aly.

— Merci, ma très chère Cassie, joyeux Noël à toi aussi.

Elle me relâche et descend dans l'entrée. George semble l'attendre, bottes et manteau enfilés.

— Je vous accompagne, j'en profiterai pour passer chez mon frère, ses fils passeront nous voir. Vous êtes prête ?

— Fin prête, George.

— Allons-y, affrontons les éléments !

Ils sortent tous les deux, me laissant seule avec Tara. Je la rejoins dans la cuisine, elle est en train de terminer des cookies dont la bonne odeur embaume tout le rez-de-chaussée.

— Je peux vous aider ?

Elle relève un beau sourire.

— J'en ai fini ici, mais je veux bien de votre aide pour les décorations.

Elle enfourne sa dernière plaque et m'entraîne dans le salon. Avec une certaine cérémonie, Tara attrape un petit carton, le pose sur la table et l'ouvre. Je m'approche d'elle, intriguée.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je avec une curiosité nouvelle.

Je m'aperçois que je me suis bien trop attardée sur moi-même depuis que je suis ici.

— Ce sont les décorations que Jasper a faites quand il était petit, répond-elle avec un tel amour dans la voix que j'en deviens jalouse. On voulait l'attendre pour les mettre dans l'arbre avec lui, mais puisqu'il ne vient pas...

L'émotion semble l'étrangler subitement.

— Je suis désolée que Jasper ne puisse pas être là, dis-je alors, vraiment peinée pour ses parents.

Tara balaie l'air de la main.

— Au moins il va bien quelque part, répond-elle avec un nouveau sourire. À l'approche des fêtes, je pense toujours aux parents des étudiants qui sont morts lors de la prise d'otages, au Gebel Aram. Ça me brise le cœur. Nous, nous avons eu de la chance.

Je la regarde admirer les petits objets en pâte à sel comme seule une mère le peut. J'essaie de me maîtriser, mais je ne peux pas m'empêcher de penser à la mienne. Elle aussi, elle mettait nos créations sur le sapin, qu'elles soient ratées ou non.

— Oh ma chère, pardonnez-moi, s'alarme-t-elle soudainement. Je n'ai pas pensé à vos parents ni à votre sœur et...

— Ce n'est rien, l'interromps-je. Je les ai laissés dans un coin de ma mémoire depuis longtemps.

Elle fronce les sourcils. C'est vrai que vue de l'extérieur, ma déclaration peut sembler dure et froide. Mais c'est mon meilleur bouclier. Tara pose doucement sa main sur mon bras.

— Chérie, Noël est le meilleur moment pour les faire sortir de ce coin de mémoire. Il faut toujours se souvenir des bonnes choses.

Oh là là, pourquoi me dit-elle ça ! J'ai déjà les hormones en pagaille ! Je déglutis pour ne pas éclater en sanglots. Et en même temps, je me sens reconnaissante. Je suis, après tout, dans un endroit bienveillant, avec des gens bienveillants.

Tara attrape un petit sapin peint de travers et l'accroche dans l'arbre. Je prends une étoile et l'accroche à mon tour.

— Vous ne vouliez qu'un enfant ? interrogé-je, un peu plus à l'aise avec elle.

— Non, dit-elle avec un sourire. Mais nous n'en avons eu qu'un. Nous...

Elle s'interrompt.

— Quoi ?

— George m'a prié de ne rien dire mais tant pis ! Nous aimerions des petits-enfants, ajoute-t-elle en se dandinant. Plein de petits-enfants ! Des petits qui courraient partout chez nous, qui viendraient nous voir pour les vacances et qui fêteraient Noël à la maison.

Elle termine par un soupir rêveur alors que je blêmis sur place.

Je flippe... Je flippe !!

Love Lessons - Le Calendrier de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant