Comment répondre aux textos d'Alaska avec 3 300 kilomètres de retard ?
— Tu as peur en fait ?
Je soupire. Oui, oui je suis effrayé par le futur, comme tout le monde. Mais je crois surtout que je suis parti avec l'idée qu'Alaska resterait auprès de moi, quoi qu'il en soit.
— C'est pour ça que tu as repoussé votre mariage ? continue Joan qui a perdu sa sympathie pour moi d'un seul coup.
— Je ne voulais pas d'un mariage bâclé entre deux missions. Je veux un vrai mariage avec Alaska.
Joan plisse le front.
— Avec les envolées de colombes et toutes ces conneries ?
— Non, grogné-je. Je parle d'une véritable union entre elle et moi. On était partis pour trouver une date avec nos deux plannings et plus ça allait, plus on la repoussait. Ça ne rimait plus à rien.
Les remords s'amoncellent...
— Alors un soir, je lui ai simplement dit qu'on devrait le mettre de côté. Que c'était ridicule de continuer sur cette voie.
— Oh merde, souffle Joan. Je n'ose pas imaginer toutes les questions qui ont dû se bousculer dans sa tête.
— Pourquoi est-ce qu'elle ne m'a rien dit alors ?
Joan cligne des paupières. J'ai l'impression de passer pour le dernier des idiots.
— Peut-être parce que tu venais de lui dire que vos projets de mariage étaient ridicules et qu'elle n'avait pas envie de te perdre plus !
Je grimace.
— Ce n'est absolument pas ce que je voulais !
— Il va falloir te mettre un peu plus à sa place !
Elle bondit de son tabouret, balance un billet sur le comptoir, enfile son manteau et prend son sac.
— Viens ! me motive-t-elle.
J'avale mon fond de café et m'habille tout en marchant. Mon portable au creux de la main, j'hésite encore sur la manière de répondre aux messages d'Alaska. Je devrais peut-être l'appeler, lui demander pardon, lui dire que je suis à Londres, si près d'elle, que je partirai à pieds s'il le faut, pour encore avoir une chance de la tenir dans mes bras...
— Peut-être que les chasse-neige ont commencé leur travail, suppose Joan en se dirigeant vers la sortie.
Je n'ai pas envie de lui dire qu'il y a peu de chance que les chasse-neige fonctionnent la nuit de Noël. Mais on ne sait jamais, un miracle peut toujours arriver !
Un vent polaire nous saisit dès qu'on franchit les portes de l'aéroport. On longe la façade, à la recherche du moindre signe de vie. J'en profite pour tenter une ébauche de texto.
[Alaska, je suis à Londres,
je serai avec toi demain par
n'importe quel moyen !
J'ai hâte de te retrouver,
tu me manques, je n'aime
que toi...
PS : j'ai hâte de faire disparaître
ton débardeur !]Pas mal... Peut-être une ou deux retouches et je pourrai envoyer !
— Hé ! Arrêtez-vous !
La sommation, lancée sur un ton hargneux et sec, nous arrête, Joan et moi. On pivote au même moment, surpris. Un homme cagoulé, arme en main, est en train de nous braquer.
— Qu'est-ce que... esquisse Joan, ahurie.
Moi, je ne ressens qu'un long frisson glacial remonter mon échine. Ce n'est pas la première fois qu'on brandit une arme à feu devant moi.
— Filez-moi vos portables et votre pognon !
Mes épaules s'affaissent. Pile au moment où je préparais une réponse à Alaska !
— Allez ! crie-t-il.
— Merde, murmuré-je en tendant mon portable et les vingt livres anglaises que j'ai sur moi.
Le braqueur jette un œil sur mon message avant de me fixer, une perplexité évidente suintant de sa personne. Je suis déjà en train de me faire dépouiller, je ne vais pas non plus me faire juger par un voleur !
— C'est naze comme sexto.
Je m'empourpre.
— Ce n'est pas un sexto !... Mais si vous pouviez appuyer sur « envoi », ça m'aiderait beaucoup.
Il pouffe tout en enfonçant le tout dans sa poche. J'ai vaguement cru à une sympathie possible, mais non.
— Allez ! relance-t-il pour que Joan se presse.
Elle fouille la poche intérieure de son manteau et en sort son portable et de l'argent. Je la vois grimacer, dans une attitude rétive. Elle tend tout de même ses affaires au voleur qui les lui arrache violemment de la main, la faisant trébucher en avant. Je m'interpose immédiatement et repousse le braqueur d'un geste.
— Ça suffit ! m'exclamé-je alors qu'il nous cible, sur les nerfs. Vous avez ce que vous vouliez, alors cassez-vous !
Le souffle emporté, il fait un pas en arrière avant de se mettre à courir. Mon corps tendu se relâche subitement, soulagé. Je me tourne vers Joan qui semble un peu plus éprouvée.
— Ça va ? m'enquiers-je.
Elle hoche la tête. J'enlace ses épaules pour la rassurer.
— J'avais des photos de famille sur mon portable...
— Je suis désolé.
Le sort s'acharne décidément !
— Viens, on va faire connaissance avec la police de l'aéroport, dis-je en l'entraînant avec moi. C'est décidément notre truc !
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Love Lessons - Le Calendrier de l'Avent
RomanceCette histoire est un court spin-off du roman Love Lessons (paru en 2018). Il vaut mieux l'avoir lu, mais je vous mets un petit résumé ci-dessous si vous souhaitez quand même vous lancer dans ce calendrier ! (^-^) * Précédemment dans Love Lessons...