Le minibus est un véritable shaker. Les trois rangées de sièges sont pleines à craquer dans le minuscule van. Joan et moi sommes assis au fond, secoués comme jamais. Il faut environ 3h30 pour arriver à Alexandrie, et d'après les premières minutes de conduite, c'est 3h20 de trop !
— Je n'en reviens pas, grogne Joan.
Elle n'a toujours pas décoléré depuis que je lui ai avoué que je ne pourrai pas suivre Alaska à Boston. Je traîne ce poids voilà plusieurs semaines de mon côté. Le doyen m'a balancé cette nouvelle – qui s'apparentait plutôt à un ordre – juste avant mon départ pour l'Égypte. Je n'ai pas trouvé l'occasion d'en discuter avec Alaska avant et je n'ai définitivement pas envie de le lui annoncer par texto. Je me suis piégé moi-même et je suis le seul détonateur de notre potentielle rupture.
— Tu vas lui briser le cœur ! Je me demande encore comment tu t'es dit qu'elle accepterait une telle chose !
— Je n'ai pas réellement le choix, grogné-je. Je suis directeur de département, j'ai des obligations. Mes étudiants comptent sur moi, eux aussi.
— Qu'est-ce que donner des cours à Édimbourg a à voir avec tes étudiants de Londres au juste ?
Un nid-de-poule nous fait bondir. La neige rend la chaussée glissante en plus du reste et le véhicule a tendance à partir sur le côté à certains moments.
— Un futur échange, soupiré-je.
Joan me jette un regard ahuri.
— Comment ça ? Et Boston alors ?
— Boston est une réussite, c'est pour cela qu'il veut ouvrir d'autres horizons. Joan, dire non, c'est risquer de perdre le tutorat de mes élèves. Et Alaska sait que j'y tiens, je ne veux pas qu'elle culpabilise si j'abandonne puisque je n'abandonnerai que pour elle.
Joan dodeline de la tête.
— C'est vrai, elle s'en voudrait de te forcer à choisir.
On reste silencieux un moment. Le van fait un énième écart de route, je m'accroche au dossier devant moi. Mourir sur une route du Delta en Égypte, sans avoir pu m'expliquer avec Alaska... Quel cauchemar !
— Tu sais que je lui avais imposé un choix moi aussi, il n'y a pas si longtemps, reprend Joan qui reste étonnamment zen dans ce minibus alors qu'elle craignait de le prendre au départ. Alaska a eu les deux, toi et moi.
— Je ne pense pas pouvoir garder les deux.
— Mais tu choisirais Alaska, quoi qu'il en soit ?
— Oui bien sûr !
— Alors quoi ? Tu testes ses limites ?
Je ravale mes paroles. Merde, c'est vraiment ce que je fais en fait ? Mais qu'est-ce qui me prend !
— J'ai vraiment l'impression d'être cet idiot incompétent que tu voyais en moi l'année dernière, grommelé-je.
Joan se contente de hausser les épaules avec un sourire victorieux. Mais je lui accorde ce triomphe. Je n'ai plus qu'à me remettre en question.
— Tu as prévu quoi pour les fêtes toi ? demandé-je au bout de plusieurs nids-de-poule.
— Rien. Emaline, ma sœur, est à Chicago, je pensais rester chez moi et bouquiner.
J'hésite. En grande partie sur la manière dont elle le prendra.
— Viens avec moi, ça fera plaisir à Alaska.
Joan m'accorde un sourire touché et en même temps... moqueur.
— Dis plutôt que tu as peur de sa réaction.
Je secoue la tête en retenant un rire désabusé.
— On ne peut rien te cacher, Bates.
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Love Lessons - Le Calendrier de l'Avent
RomanceCette histoire est un court spin-off du roman Love Lessons (paru en 2018). Il vaut mieux l'avoir lu, mais je vous mets un petit résumé ci-dessous si vous souhaitez quand même vous lancer dans ce calendrier ! (^-^) * Précédemment dans Love Lessons...