Chapitre 11

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Le grand loup blanc parcourait la plaine à vive allure, comme si sa vie en dépendait. Il ne devait pas perdre un seul instant. Ce qu'il avait appris à Rhuys le troublait au plus haut point. Ce n'était pas tant le procès vite expédié de Liliana, la forte récompense offerte pour sa capture ou la dépression de sa sœur et de sa mère qui l'inquiétait, mais plus la mort inexpliqué de son père et la disparition du baron ainsi que l'incendie de son manoir. Tout cela ne lui disait rien de bon. Il espérait que les filles allaient bien et qu'aucun villageois n'avait découvert la présence de la jeune blonde chez eux. Il ne savait que trop bien comment réagirait Eldian et s'il ne restait qu'un seul militaire à proximité du village, leur vie serait en danger. Siyas redoubla d'effort et accéléra autant qu'il le pouvait. Il ne devait pas les laisser tomber. Il ne tolérerait pas qu'il leur arrive quoi que ce soit.

Lorsqu'il était arrivé à Rhuys, il avait de suite senti que quelque chose n'allait pas. Les habitants affichaient une mine sombre, ne se parlaient pas entre eux et se dépêchaient de rentrer dans leur maison. En contournant la ville, il avait aperçu les ruines de ce qui devait être un manoir. Des stèles étaient érigées derrière le grand portail en fer forgé. Les noms qu'il y lut ne lui disaient rien et Siyas repartit alors vers la ville. À l'abri des regards, il reprit forme humaine et s'aventura dans les rues désertes, après avoir enfilé un pantalon et une chemise empruntés dans un jardin. Il n'avait croisé qu'un ou deux hommes et c'était ainsi qu'il avait appris la mort du fils du baron de Ruz. Plus de dix jours après, tout le monde en parlait encore. Il avait enfin compris l'état de Liliana, mais il ne s'était pas attendu à voir son visage sur un avis de recherche. Il n'y avait aucune allusion sur le dragon, ce qui ne l'étonna guère. Personne n'y aurait cru de toute façon. Puis il s'était dirigé vers la maison des Farel. Portail, portes, fenêtres et volets étaient clos. Une fleur était accrochée au-dessus de chaque ouverture, une aster tataricus, la fleur de commémoration. Quelqu'un de leur famille était mort récemment, ce qui expliquait que la mère et la sœur de Liliana s'étaient enfermées chez elles. Elles devaient se conformer à un deuil de cinq jours.

— C'est bien triste ce qui leur ait arrivé, avait-il entendu derrière lui.

Faisant demi-tour, Siyas fit face à un vieil homme à la longue barbe blanche. Sa tunique n'était pas de première jeunesse, mais sa famille jouissait d'un certain confort. Les quelques bijoux qu'il possédait en attestaient.

— Vous connaissiez le père ? continua-t-il.

Siyas soupira. Il aurait préféré que cela arrive à un lointain cousin ou à un grand-parent, mais pas au propre père de Liliana. Il savait la douleur que cette annonce allait lui apporter.

— On s'était rencontré il y a des années. Je lui avais promis de passer le voir, mentit Siyas. Que s'est-il passé ?

— On ne sait pas. Après le mariage de son aînée, il est parti dans le nord pour conclure une affaire. Quelques jours plus tard, la cadette, Liliana, a tué le fils du baron. Une obscure histoire de jalousie apparemment. Elle a disparu de suite après. Le baron serait parti à sa recherche peu après et son manoir a brûlé le soir même. La sœur de Liliana et sa mère se sont réfugiées chez elle. Le père devait rentrer au bout de sept ou huit jours, mais il n'est jamais revenu. Hier, elles ont reçu une missive de Ruellan, leur apprenant sa mort. Elles n'ont pas voulu dire les circonstances et se sont enfermées dans leur maison depuis.

— Je comprends qu'elles n'aient rien voulu dire à ce propos.

Il se souvenait du regard des gens à la mort de son père, de tout ce qu'ils avaient dit à son sujet.

— Je vous remercie, Monsieur.

Siyas jeta un dernier coup d'œil à la grande bâtisse, puis s'éloigna sans un mot de plus.

Les Guerriers Drakyens - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant