Les Guerriers Drakyens - Tome 1

Chapitre 10

En Klune, les rayons d'Heol se montraient à peine. Eldian venait de remplir un seau d'eau au puits et se dépêcha de retourner dans la chaleur bienveillante de la maison. Elle avait entendu Siyas partir cette nuit et lu le mot qu'il avait laissé. Elle se doutait de ce qu'il était allé faire et où. Elle n'aurait pas pu l'en empêcher, même si elle l'avait voulu. Après tout, il était libre de faire ce qu'il voulait, ce qui incluait de se rendre à Rhuys. Elle se demandait ce qu'il espérait bien y trouver. Elle redoutait surtout la réaction de Liliana, si elle venait à apprendre qu'il s'était rendu chez elle. Comment lui expliquer ? Qu'allait-elle lui dire lorsque la jeune blonde s'apercevrait de l'absence de Siyas ? Eldian aurait apprécié qu'il la prévienne de vive voix, plutôt que de s'enfuir comme un voleur.

Elle fit chauffer un peu d'eau, pour le petit déjeuner, et porta son regard tout naturellement vers l'étage. Liliana dormait toujours. Sa nuit avait été calme, Eldian était restée à ses côtés jusqu'à l'aube, lorsque Siyas était parti. Elle rechignait à la laisser seule et ne s'expliquait pas cette envie de veiller constamment sur la jeune blonde.

Lorsqu'elle s'était enfuie deux jours plus tôt après une énième dispute avec Siyas, elle avait volé jusqu'à la forêt d'Ayphilone pour se décharger de sa colère. Siyas lui reprochait de se comporter comme une enfant et de toujours n'en faire qu'à sa tête. Elle devait grandir, oublier le passé, pour enfin avancer. Eldian avait vu rouge. Elle n'en croyait pas ses oreilles qu'il parle à nouveau de ça. Depuis ce jour, elle voulait effacer ce souvenir de sa mémoire. Elle en rêvait encore. Cauchemarder était plus exact. Siyas lui répétait qu'à trop vouloir échapper à ce souvenir, elle ne réussissait qu'à le garder en vie. Elle devait l'accepter. Il avait raison, mais elle ne savait pas comment agir autrement. Elle fuyait ses problèmes depuis trop longtemps et s'était à nouveau sauvée, mettant le plus de distance possible avec sa vie, avec Siyas et ses paroles.

Alors qu'elle survolait la forêt, elle avait ressenti au plus profond d'elle-même une peur qui l'avait paralysé l'espace d'un instant. Elle s'était ensuite rendue compte que ce n'était pas sa frayeur, mais celle de quelqu'un d'autre. En se rapprochant de la cime des arbres, ce sentiment l'avait percuté de plein fouet et elle avait perdu l'équilibre. Après s'être stabilisée, elle avait aperçu une jeune fille, pourchassée par des hommes armés. Une fureur sans nom l'avait submergée et Eldian s'était précipitée à son secours. Elle avait été à deux doigts de tuer le baron, mais les paroles de Siyas l'avaient retenu : le rôle d'un Guerrier Drakyen était de protéger des innocents, et non de prendre des vies. Protéger Liliana était tout ce qui lui importait depuis. Pourtant, elle savait qu'il y avait bien plus que ce lien, mais n'arrivait pas à définir ce qu'était ce plus.

Depuis ses quatre ans, elle rejetait tout ce qui touchait de près ou de loin au dragon, mais quand le besoin de se transformer devenait insoutenable, elle donnait vie à son envie. Elle refusait d'en être dépendante, mais se rendait bien compte que cela ne servait à rien. Plus elle le niait, plus le Dragon s'imposait. Elle soupira, refoulant des souvenirs trop douloureux. Elle chassa ses mauvaises pensées et, voyant que l'eau bouillait, en remplit deux tasses de thé.

À l'étage, Liliana s'éveillait doucement. Blottie sous la couverture, elle sentait la rugosité et l'inconfort du matelas sur lequel elle était couchée. Son lit n'était pas aussi petit surtout et non plus accolé au mur. Son dos lui faisait mal et elle avait des crampes partout dans ses muscles. Elle avait dormi dans une mauvaise position. Étirant ses membres, elle se rendit compte qu'elle n'était pas chez elle. La chambre où elle se trouvait était petite, austère et froide. Il n'y avait aucune fresque sur les murs faits de bois et de torchis, ni armoires ni coiffeuse. Une simple fenêtre donnait sur l'extérieur et un bureau trônait dessous. Elle était perdue, troublée.