Les Guerriers Drakyens - Tome 1

Chapitre 16

À quelques lieux au nord de la forêt d'Ayphilone, alors que la nuit commençait à tomber, un jeune homme montait la garde à l'entrée de son campement. À ses côtés, deux chiens somnolaient, ouvrant les yeux et bougeant les oreilles au moindre bruit suspect. Ses compagnons, plus âgés pour la plupart, dormaient à poings fermés. Ils étaient trois ou quatre par tente, couchés à même le sol et seule leur chaleur corporelle les protégeait du froid. Il y en avait une quinzaine et au milieu, se tenait celle de leur chef, plus spacieuse. On apercevait la lumière que diffusaient deux bougies posées négligemment sur la table basse. Son propriétaire était assis sur son lit de fortune, sa cape sur les épaules. Devant lui, un petit livre noir, sans aucune valeur apparente.

Le baron apprenait par cœur la vie des anciens Guerriers Drakyens, se remémorant leur pouvoir et la particularité de chacun. Il essayait aussi de savoir comment ce livre était parvenu dans la famille de sa femme, mais ne trouva absolument rien. Le Nemarok ne savait pas non plus, il avait été enfermé bien avant que le livre ne soit fini. La forêt de Zerkos avait été témoin de leur dernier affrontement. Les Guerriers Drakyens n'ayant plus assez de force, ils décidèrent de l'enfermer dans une grotte au plus profond de la forêt, loin de toute habitation. Trop près des villages, ils savaient qu'il aurait facilement pu réduire une âme fragile sous sa coupe. Kizah, possédant le don de Prescience, savait que le Nemarok retrouverait ses pouvoirs et qu'à nouveau, la guerre ferait rage en Deira. Elle n'avait pas prévenu ses compagnons, ils avaient accompli leur devoir au péril de leur vie. Elle ne voulait pas qu'ils partent en ayant l'impression d'avoir échoué dans leur mission.

Grâce au livre, une infime partie de l'esprit du Nemarok avait survécu en dehors de la grotte. Un lien s'était formé du livre au Nemarok et ainsi, il put prendre possession du baron. Le Nemarok n'avait pas eu besoin de beaucoup d'énergie pour cela, ils partageaient tous deux une envie de vengeance. Avec Sahn, c'était différent.

Le jeune homme ne s'était pas laissé faire, il avait fallu au Nemarok toute sa patience et une bonne partie de ses forces amassées ces dernières années. Il avait finalement réussi à lui effacer tous souvenirs de sa mémoire. Pourtant en entrant au plus profond de son esprit, le Nemarok avait découvert un sentiment que Sahn cherchait à tout prix à oublier et il l'avait laissé intact. Il savait que cela lui servirait un jour. Sahn avait donc oublié jusqu'à sa propre famille. Pour lui, il avait rejoint le baron et ses hommes après des années de vagabondage.

Ce soir-là était particulièrement calme. Les hommes du baron étaient épuisés. Il ne leur laissait pas un seul moment de répit. La journée, ils s'entraînaient à l'épée, le soir ils devaient patrouiller par deux ou trois avec un chien et de temps en temps, ils allaient dans les villages alentour. Le baron avait donné des ordres stricts : aucune attaque. Ils devaient se tenir calmes et glaner quelques informations, mais depuis l'attaque du village d'Aegis, ils n'avaient rien appris. Pas le moindre mot sur les Guerriers Drakyens ni sur des jeunes ayant des pouvoirs sortant de l'ordinaire.

— Messire !

Le baron sursauta à la voix venant de dehors. Recouvrant ses esprits, il invita Sahn à entrer. La musculature du jeune homme s'était un peu plus développée depuis son enrôlement et sa peau devenue mate faisait ressortir ses yeux bleus ainsi que sa chevelure noire.

— Messire, certains hommes s'impatientent. Je les entends parler la nuit, ils ne comprennent pas cette inactivité, rapporta Sahn. Ils sont fatigués de la routine qui commence à s'installer. Plusieurs parlent même de désobéir à vos ordres.

— Et toi, qu'en penses-tu ? lui demanda le baron.

Sahn réfléchit bien à la réponse qu'il allait donner. Il se souvenait de ce qu'il était arrivé à Mantek, leur ancien chef. Il ne voulait pas mourir, mais il ne voulait pas lui manquer de respect.