Chapitre 3

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Liliana s'ennuyait. Voilà six jours que son père était parti, accompagnant Medorel et sa famille sur une partie du trajet qui les ramenait à Ruellan. Il devait se rendre à Oulhen, principal port au nord de Syl, pour l'une de ses affaires et lui avait assuré qu'il serait présent lors du dîner organisé par Cylia. Sa mère avait décidé de passer la journée chez l'une de ses amies, pour boire le thé et se raconter les derniers potins de la ville. Liliana se sentait seule, sa sœur aînée lui manquait terriblement. Le manoir paraissait si vide. Elle repensa aux jeux qu'elles inventaient, aux longues balades qu'elles faisaient le long de l'orée de la forêt ou lors de leurs sorties aux marchés de Rhuys. Que faisait-elle en ce moment ? Partageait-elle autant de discussions animées avec son mari, qu'elles en avaient eues toutes les deux ?

La période d'isolement était enfin passée. Elle allait revoir Cylia le soir même, lors d'un petit banquet où seule la famille proche serait présente. Elle appela Naëlle, décidant de se rendre plus tôt chez Cylia. La servante l'aida à mettre une longue robe de couleur pourpre et aux manches courtes. Un petit décolleté arrondi laissait à nu le haut de son buste. Une fine ceinture de cuir reposait sur ses hanches et descendait jusqu'à ses pieds. Elle enfila de hautes bottines en cuir mou puis demanda à Naëlle de prévenir le cocher, afin qu'il prépare la calèche.

— Vous ne voulez pas que j'envoie le petit Lexon en avant, pour informer votre sœur de votre venue ?

— Non, c'est inutile. Je souhaiterai lui faire la surprise.

Naëlle prit congé de sa jeune maîtresse et se rendit dans la cour, retrouver le cocher. Lorsque Liliana sortit de la résidence, le fiacre l'attendait aux bas des escaliers. Par-dessus sa robe, elle portait un long manteau flottant, fermé par une cordelière.

— Vous préviendrez ma mère que je suis déjà partie.

— Bien sûr, mademoiselle.

Naëlle l'aida à entrer dans la petite cabine, puis regarda la calèche s'éloigner avant de retourner aux cuisines.

Le chemin était cahoteux, Liliana observait par la fenêtre le paysage défiler sous ses yeux. Le postillon longeait la forêt d'Ayphilone vers le nord-ouest, en direction du manoir du baron de Ruz. À sa droite, les feuilles des arbres prenaient des couleurs orangées, rappelant que l'automne arrivait à grands pas en cette fin du mois d'hayoké. Regardant de l'autre côté, elle vit les plaines verdoyantes et chatoyantes de mille fleurs. L'automne était sa saison préférée, ses multiples nuances qui coloraient la nature tel un tableau prenant vie sous son regard.

Elle sortit de sa rêverie lorsque l'attelage passa un immense portail en fer forgé. Les armoiries de la famille de Ruz y étaient sculptées : un aigle aux ailes déployées, tenant une épée entre ses serres. L'emblème de la famille Farel représentait un cheval cabré, la crinière au vent, et ornait la porte de la calèche.

La longue allée de graviers donnait sur une magnifique fontaine de pierres, entourée de massifs d'anémones blanches. Le cocher en fit le tour et s'arrêta devant les hautes marches menant au perron. Un domestique s'empressa d'ouvrir la porte à Liliana et l'aida à descendre du fiacre.

— Mademoiselle, la salua-t-il.

— Bonjour, je viens voir ma sœur, Cylia Fa... commença-t-elle, avant de se reprendre. Cylia de Ruz.

— Madame est sortie, mais elle devrait rentrer bientôt. Voulez-vous l'attendre dans le petit salon ?

Liliana acquiesça et suivit le majordome, un vieil homme aux cheveux gris et à la peau toute flétrie. L'édifice possédait un logis central et deux tourelles, l'une ronde côté ouest et la deuxième hexagonale, côté est. En montant les six marches, ils débouchèrent sur un large vestibule, puis traversèrent la salle en rez-de-chaussée surélevée se trouvant sur leur gauche et arrivèrent au petit salon. De hautes tapisseries décoraient les murs. Le sol était revêtu de grandes dalles en pierre, aux couleurs mélangées. Deux fenêtres donnaient sur le jardin et encadraient la cheminée murale. La troisième s'ouvrait sur l'allée de gravier. Le majordome s'éclipsa rapidement et Liliana en profita pour se rapprocher d'un bureau accolé au mur est. D'un noir de jais, il supportait trois rangs de quatre tiroirs. Les pieds, ornés de têtes d'aigles en bronze, avaient été dorés ainsi que les poignées de tirages, les serrures et les arêtes. La dague du mariage reposait sur le plateau en marbre. La lame avait été nettoyée et polie, jusqu'à en devenir brillante. Liliana en rapprocha sa main puis la retira vivement et regarda autour d'elle, apeurée. Une sensation étrange l'envahit, elle sentait une présence à ses côtés. Elle était pourtant seule. Elle se recula, le cœur battant à tout rompre. Puis l'impression disparut aussi vite qu'elle était apparue. Liliana reprit une respiration normale. Elle avait hâte de retrouver sa sœur.

Les Guerriers Drakyens - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant