Devoirs et Manipulation ~ Keskastel vol 2. [BxB]

Chapitre 9 : Dîner chez les Goldberg

Thomas regardait les invités se presser dans la grande allée qui menait au manoir des Goldberg. Il souffla une bouffée de fumée et s'écarta de sa fenêtre.
Il avait envie de beaucoup de choses en ce moment mais participer à la réception organisée par ses parents pour fêter la promotion du ministre n'en faisait pas partie. Parmi les prestigieux invités se trouvaient le couple Newman, les Sorcemer, les Moonstown et biend'autres dont il avait déjà oublié le nom. Que du beau monde en somme, et par dessus tout des alliés politiques qui partageaient les idées conservatrices et rétrogrades des Goldberg. 

Thomas  renifla d'un air méprisant en passant devant le miroir de sa chambre. Maurice avait réussi à dompter ses cheveux à grand renfort de laque et de produits coûteux. Le jeune homme avait maintenant la terrible impression de ressembler à son père coiffé de la sorte.  Son estomac manqua de se soulever à cette simple pensée.
 Il avait tout fait pour éviter Johann ces derniers jours. Ce dernier n'avait heureusement pas insisté sur son idée saugrenue de le faire entrer dans son cabinet au ministère. L'homme semblait occupé et passait des journées loin du domicile familial. 

Bon débarras songea le jeune homme en rajustant nerveusement son col de chemise. 

Il n'avait toujours pas digéré ce qu'il s'était passé au dîner avec Florian. Il avait essayé de contacter l'assistant, mais ce dernier était resté muet face à ses sollicitations. Ces derniers jours, il était même absent de tous les radars. Personne ne l'avait vu au ministère et la rumeur courrait qu'il avait sûrement la santé fragile puisque ça lui arrivait plus que régulièrement de prendre une ou deux semaines loin du ministère. Pour certains employés, c'était encore une marque de privilège et Thomas avait dû se contenir pour ne pas mettre son poing dans la figure de quelques médisants. 

Avec un soupir, il sortit de sa chambre en se rongeant les ongles. L'absence de Florian commençait à l'inquiéter sérieusement. Il n'avait pas osé demander à Victor s'il en savait plus. Il n'était pas sûr de vouloir entendre que Florian se perdait dans les bras du grand barbu. A vrai dire, à chaque fois qu'il allait au bar, il se gardait bien de se rapprocher du comptoir et préférait cuver son vin dans un coin en fusillant le trentenaire du regard. Il avait vaguement conscience que l'autre l'avait aidé deux trois fois à sortir sans tomber par terre mais la quantité de liquide qu'il ingurgitait était suffisante pour ne pas lui rendre cette perspective gênante.

Tout en descendant lentement les marches du grand escalier menant au grand salon, Thomas s'efforça de faire bonne figure. Ça ne serait qu'un mauvais moment à passer. Des éclats de voix lui parvinrent, signe que les convives commençaient déjà à s'installer. Il aurait dû rester auprès de ses parents pour les accueillir mais il avait prétexté un mal de crâne pour s'éviter cette corvée supplémentaire et Solange s'en était occupé à sa place. Il aperçut d'ailleurs la jeune femme qui gravitait de convives en convives. Son sourire éclatant était contagieux et Thomas finit par se dérider. Sa sœur avait abandonné l'idée de laisser ses cheveux virevolter librement et portait un assemblage de tresse compliqué qui lui allait à merveille même si Thomas était convaincu que ça devait tirer son cuir chevelu et faire un mal de chien. Il salua quelques couples sans les voir, répondant par automatisme aux questions qu'on lui posait. Son attention avait été détourné par l'arrivée de celui pour lequel il s'inquiétait quelques minutes plus tôt.

Florian Salvi accompagnait Johann Goldberg, souriant poliment au couple Newman. Thomas ne put s'empêcher d'être soulagé. Florian avait l'air un peu pâle en effet, ce qui confirmait la piste de la maladie. Mais il était là et le monde semblait tourner à nouveau comme il fallait. 

Il hésita à l'alpaguer mais la raison le retint. Sa mère venait de faire sonner le dîner et déjà les invités commençaient à s'installer autour de la table à grand renfort d'éclats de voix et de froufrous de tissus. Thomas se retrouva à l'opposé de l'objet de ses convoitises, entre la jeune lady Sorcemer, une adolescente que tout semblait ennuyer et le fils Moonstown, un grand gaillard d'une trentaine d'année à l'air pincé et au nez retroussé. En face se trouvait le couple Delamare, des membres actifs et influents du ministère. Thomas se recula sur sa chaise en soupirant. Ce dîner allait être d'un ennui mortel.