Chapitre 20 : S'échapper

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Florian essayait pour la troisième fois d'agrafer un paquet de feuilles ensembles. 

Il dût reposer l'appareil. 

Ses mains tremblantes semblaient incapables d'une telle tâche. Il se maudit et envoya valser les documents de son bureau qui vinrent s'écraser par terre dans un bruit sourd, faisant se retourner les autres assistants de ministres qui partageaient ce bureau. C'était leur salle de travail quand ils ne devaient pas accompagner leur supérieur ou effectuer leur diverses missions. 

Depuis la conférence du premier ministre, l'atmosphère déjà étouffante était devenu irrespirable. Une partie des opposants de Johann reportaient leur haine sur l'assistant qui se sentait encore plus ostracisé qu'il ne l'était habituellement. Les alliés de Johann quand à eux le félicitaient à renfort de discours homophobes à gerber. 

Après quelques secondes à regarder les feuilles éparpillées avec un air hagard, il se leva pour aller les ramasser précipitamment. Il commençait à craquer. Johann multipliait les provocations à son encontre, parfois même en publique. 

Il le testait. 

Mais les deux hommes savaient que c'était inutile. Florian avait atteint un stade où il ne se serait rebellé pour rien au monde. Il se sentait épuisé et brisé.

L'assistant avait appris par le ministre la fermeture temporaire du bar de Victor et avait eu les échos d'une plainte déposée à l'encontre du barman qui aurait agressé un homme honnête. Il s'était retenu de protester. Il ne devait montrer aucune émotion. Laisser le ministre comprendre qu'il avait gagné et qu'il ne s'éloignerait plus de lui. 

En reposant les feuilles sur son bureau, Florian laissa son regard dériver vers le coupe papier. L'objet pointu au design élégant lui avait été offert par Johann au tout début de leur collaboration. Il ferma les yeux un instant, s'imaginant la lame ouvrir lentement ses veines pour lui apporter la libération. Il n'aurait plus à porter le poids des années de péchés et de crimes que lui et son supérieur avaient commis. Il ne mettrait plus en danger ses proches. 

Il rit nerveusement. Il n'avait plus de proches.

Un raclement de gorge le sortit de ses pensées obscures et il se retourna pour trouver Solange Goldberg. Il fut surpris de la voir là. Elle s'était absenté quelques jours quand son père lui avait annoncé qu'il ne souhaitait plus la voir au ministère. De toute évidence, la jeune fille si sage avait décidé de ne pas obéir à la pression familiale. Elle ne dépendait pas vraiment de Johann au ministère, et si le comité décidait de la garder, Johann ne pourrait pas l'en faire partir, malgré toute sa volonté et son statut. 

Le comité était au dessus des guéguerres d'influence. Johann avait compté sur l'obéissance et la docilité de la sœur de Thomas. Preuve qu'il ne connaissait pas sa fille. Comme pour souligner son désir d'indépendance, la jeune femme avait coupé ses cheveux et arborait maintenant un carré bouclé dont l'indomptabilité la rapprochait encore plus de son grand frère. 

Florian s'efforça de ne pas penser au jeune aristocrate et lança un regard interrogateur à la jeune femme.

-Solange ? Est-ce que je peux vous aider ?

-Oui Monsieur Salvi. Votre présence est requise au comité. Pouvez vous me suivre ?

Elle avait prononcé tout ça avec une froide résolution qui fit tiquer Florian. Il ne voyait pas pourquoi il était convoqué au comité, ni pourquoi c'était la jeune femme qui était venu le chercher. Il soupira et lui sourit d'un air fatigué.

-Très bien... Je vous suis Mademoiselle Goldberg.

La jeune fille parût se détendre. Il la suivit jusqu'aux ascenseurs, l'esprit absent. Le comité ne convoquait pas de simples assistants sans raison. Son cœur se mit à battre plus vite. Il n'était pas sûr de pouvoir encaisser une autre mauvaise nouvelle sans s'effondrer.

Devoirs et Manipulation ~  Keskastel vol 2. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant