Chapitre 18: L'heure des décisions

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Thomas avait écouté attentivement le récit de Victor tout en essayant de ne pas laisser paraître ses propres émotions. Il ne voulait pas que l'autre se braque ou pense que ses confessions aient changé le regard qu'il portait sur lui. 

Ce n'était pas le cas. 

Il le voyait encore comme un homme impressionnant, humain et profondément gentil. 

Mais il ne pouvait pas occulter la surprise et la peine qu'il avait ressenti face à toutes les épreuves qu'avait vécu le trentenaire. Il savait bien que lui-même avait eu une vie plutôt privilégié, bien loin des soucis des personnes vivant dans les quartiers les moins favorisés. Sa rencontre avec Dev Moore quelques mois auparavant lui avait permis de se défaire des idées reçues tenaces que son éducation lui avait inculqué. 

L'histoire de Victor provoquait autre chose. Une colère qui irradiait se sentrailles. Et le fait que son père utilise le barman pour le discréditer et appuyer ses discours nauséabonds lui retournait l'estomac. Les voyous qui s'en étaient pris à lui reviendraient. Les habitués seraient sûrement plus réticents. Les voisins plus critiques. Et si les lois prévues par Johann étaient approuvées par le comité, Victor devrait mettre la clef sous la porte, peut-être même vivre au ban de la société...

Thomas se passa la main dans les cheveux en inspirant profondément. Ils ne se connaissaient bien que depuis peu mais la confiance que lui avait accordé le barman le touchait. Le jeune homme commençait même à se demandait même s'il n'y avait pas plus entre eux après cet interlude ardent dans le hall d'entrée. Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment de réfléchir à ça. Il y avait plus urgent. Il s'éclaircit la gorge pour reprendre la parole.

-Victor... J'imagine que tu es en colère...

Victor se recula contre la fenêtre avec un rire nerveux.

-Je ne suis pas en colère. Juste... dépité.

Et complètement flippé songea Thomas en remarquant la façon dont l'autre homme fixait la rue avec inquiétude.

-Je comprends, mais réfléchis deux secondes. Tu connais Florian. Sûrement mieux que moi, rajouta le jeune homme avec une pointe de tristesse.

Victor se détourna enfin de la fenêtre pour se tourner vers lui. Son regard s'était radouci et Thomas sentit son cœur s'emballer. 

Merde, il commence vraiment à me faire de l'effet.

-Et tu sais qu'il n'aurait jamais trahi un ami. Surtout de cette façon conclut le jeune aristocrate en désignant la photo du journal qui mettait en scène son père avec, sur le côté, la silhouette de l'assistant.

-Vas au bout de ta pensée.

-Ça c'est un coup de mon père. Souviens toi de ce qu'on s'est dit hier soir. Si mon père a l'emprise qu'on imagine sur Florian. S'il... Imagine un instant qu'il soit capable de le manipuler pour lui faire dire ça. Mon père fait tout pour arriver à ses fins. Les coups, les absences... Et surtout, je ne peux pas croire que Florian aurait fait ça s'il n'y était pas obligé. Il m'a envoyé vers toi ! Il m'a dit que tu aurais besoin de quelqu'un !

Victor resta silencieux quelques instants, passant nerveusement sa main dans sa barbe. Il lui fallait du temps pour analyser tout ce qui se passait mais Thomas commençait à douter du fait qu'ils en aient tant que ça. Il se leva pour se tenir face à l'autre homme qui se figea. L'air entre eux était presque électrique et Thomas frissonna.

-Florian a besoin de nous, sûrement plus que jamais. Il faut qu'on lui parle. Si mon père... Si mon père a compris ce qu'il y avait entre toi et lui, je suis sûr qu'il aurait tout fait pour vous éloigner. Pour garder Florian avec lui. Parce que mon père aime posséder et contrôler.

Il avait toujours aimé ça, du plus loin que Thomas puisse s'en souvenir. C'était sûrement pour cette raison qu'il détestait son fils à ce point. 

Sans doute pour ça qu'il avait levé la main sur lui des années auparavant. 

Thomas avait retourné dans tous les sens les souvenirs flous qu'il avait de son adolescence. De cette période trouble aux alentours de ses 15 ans, quand Florian était arrivé. Les mots de l'assistant lors du dîner. 

Vous aviez promis de ne plus le toucher.

Il déglutit et reprit la parole en regardant Victor.

-Mon père m'a déjà frappé. J'en suis sûr. Et je ne sais pas quel rôle Florian a joué dans tout ça mais je commence à penser qu'il était beaucoup plus important que ce que je croyais.

Victor fronça les sourcils. Il n'avait pas l'air surpris.

-Florian... M'a parlé de ça.

Thomas grimaça. Il n'était pas sûr d'apprécier le fait que l'assistant ait parlé de ça à Victor avant lui-même, le principal intéressé. Il prit cependant sur lui pour ne pas laisser paraître sa jalousie et sa frustration.

Et alors, sans qu'il n'ait pu prévoir cette issue, Thomas écouta Victor lui expliquer la conversation qu'il avait eu avec Florian. Le fait que le ministre l'ait battu presque à mort, lui causant des semaines de convalescence, ainsi La manipulation des Goldberg pour faire passer ça pour une maladie.

Thomas écoutait, mais le choc lui coupait la parole. C'était une chose d'émettre des hypothèses sur la violence de son père, c'en était une autre d'avoir la confirmation du monstre qu'il était vraiment. Il sentait la panique poindre son nez à toute vitesse quand une main ferme se posa sur son épaule pour le ramener sur terre. Il leva les yeux vers Victor. Son regard sombre et décidé lui communiquait ce qu'il avait envie d'entendre. Quoi qu'ils fassent pour sauver Florian des griffes de Goldberg, ils le feraient ensemble.

-Victor... Si mon père veut la guerre, on va lui donner ce dont il a envie et délivrer notre... notre amant.

Une lueur de surprise passa dans les yeux de Victor et Thomas se maudit mentalement d'avoir dit quelque chose d'aussi niais. Mais l'autre homme ne se moqua pas de lui, se contentant de simplement acquiescer.

-Qu'est ce que tu as en tête ?



Devoirs et Manipulation ~  Keskastel vol 2. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant